Pierre Loti, qui a navigué a tra- vers le monde, est célébre pour ses récits de voyages exotiques tels que Pécheur d’Islande 1886, Madame Chrysanthéme 1887, Ramuntcho 1897, etc. Le roman d’un enfant, publié en 1890, est un ouvrage moins bien connu qui se situe entre le roman et |’auto- biographie. Tout en faisant revi- vre son enfance, de temps en temps, il s’éloigne de la réalité, changeant les noms, les dates et méme certains faits. Dés l’Age de seize ans, il commence a rédiger un journal intime qu’il tiendra jusqu’en 1918 ( il décéde en 1923) et dont il s’inspire pour écrire ce roman. Dans l’ensemble, il raconte donc son enfance du temps qu’il s’ap- pelait encore Julien Viaud. C’est plus tard qu’il adoptera le pseu- donyme de Pierre Loti, nom qui lui a été donné par les habitants de Tahiti. Né en 1850, il grandit a Rochefort, le benjamin d’une famille de trois enfants; son frére Gustave et sa sceur Marie sont beaucoup plus agés que lui, si bien qu’il est comme un enfant seul au milieu de grandes person- nes. Il est entouré de femmes, mére, grands-méres, tantes qui le gatent et le surprotégent. Un pré- cepteur vient lui donner des le- cons particuliéres car sa famille 14 AOUOT 2008 Depuis 1941... Le roman d'un enfant de Pierre Loti, réédition 1988, Flammarion, Paris. juge qu’il est trop sensible pour affronter |’école publique. Quand il s’y rend finalement a l’Age de douze ans, une parente vient cha- que jour le conduire et le rame- ner. Cette premiére année est difficile, il n’a pas d’amis, est différent des autres écoliers qui l’appellent “le petit marquis”. Pierre Loti se livre a un retour nostalgique jusqu’aux premiers souvenirs de sa petite enfance. II évoque ses amours enfantines, son attachement profond a sa mére, a sa sceur qui joue pres de lui le réle d’une seconde mére plus jeune, a son frére Gustave qui s’engage dans la marine et part pour quatre ans en Polynésie. Il l’admire et l’envie, il réve de s’en aller lui aussi a la découverte de terres lointaines. Il s’attache également aux cho- ses, collectionne les papillons, les coquillages, garde les fleurs sé- chées dans un herbier. Trés jeune, il entreprend de conserver ainsi des fragments de son uni- vers, pour retenir un monde et un temps qu’il ne veut pas oublier. Il évoque les quelques endroits qu’il a connus et aimés 4 cette époque. C’est la Limoise pas loin de chez lui ot: habitent des amis de la famille a qui on rend visite réguliérement, Vile d’Oléron d’ot: viennent ses vieilles tantes huguenotes, le Quercy ow il se rend accompagné de sa _ sceur pour passer des vacances d’été chez des cousins. II rappelle son héritage protestant alors que cha- que soir la famille se recueille pour lire la Bible et prier. Rempli de piété, il projette d’abord de devenir pasteur, puis désirant voyager, il sera plut6t mission- naire. Profondément habité par le désir de partir explorer le monde sur les traces de son frére Gus- tave, il ne peut cependant se ré- soudre a quitter le nid familial, la maison, le jardin. Finalement, il prend la décision d’entrer a 1’E- cole navale, ce qui scelle son destin de marin, de navigateur. L’auteur exprime sur un ton ro- mantique ses regrets, ses tristes- ses, ses réves de pays lointains. Tout le livre est empreint de la mélancolie d’avoir perdu le para- dis d’une enfance trop choyée. Dans ses autres romans qui se passent bien loin de Rochefort, sa ville natale, il reviendra encore souvent aux paysages de son en- fance qui lui sont si chers. Monique Genuist