Page 6 L’APPEL Septembre 1968 x ne EE EI UII UIE IEISIEIEISSSSISSESSSSS SS disposition pour éviter la catastrophe. D’autres feront remarquer, avec certaine justification, qu’une grande partie du role pro- tecteur de la loi Naturelle ou Divine, réclamé par l’Eglise, a été aliénée par ses propres in- cursions dans le royaume de César. Que d’arti- fices, hélas! n’ont pas été glorifiés au nom d’une Nature soi-disante déchue! Pas surpre- nant quw’il soit difficile de retrouver cette pau- vre Nature et d’en distinguer les traits réels derriére le vernis des civilisations. Ceci n’empéche pas que le Pape pouvait difficilement dire autre chose que ce qu'il a dit. CA PEUT FAIRE REFLECHIR La Société n’accepte que le pluralisme folklorique. C’est ainsi que Le Devoir titrait son reporta- ge sur un discours prononcé par M. Jacques Brazeau, chargé de cours en relations ethniques et en sociologie du langage 4 la Faculté des sciences sociales de 1’Université de Montréal, au XXIéme Congrés de l’Association d’Educa- tion de Langue Frangaise, tenu 4 Montréal, du 20 au 24 aotit. “Ta société permet que des minorités cultu- relles se maintiennent par leur propres moyens & condition que ce maintien n’affecte pas la vie publique, ne nuise pas aux entreprises im- portantes pour l’ordre social établi selon un autre modéle de fonctionnement”. C’est ce qui résume l’opinion du conférencier. Tl explique en disant que les groupes dont l’importance est telle qu’ils ne sont pas mena- cés tendent a se féliciter de leur largeur de vue envers les diverses minorités du moment qwils font des petites concessions sans dangers comme par exemple encourager le maintien densembles folkloriques et la publication d oeuvres littéraires en langues étrangéres. La société ne permet pas au pluralisme d’aller plus loin. La société souhaite l’uniformisation et veut restreindre les embarras du pluralisme en ac- croissant Vhomogénéité. La société ambiante n’a pas fait plus pour les minorités francophones au Canada. Celles- ci ont appaisé la conscience collective du Cana- da anglais en utilisant leur liberté pour se construire, 4 leurs frais, églises, écoles, du mo- ment qu’elles ne dérangeaient pas le statu quo en faisant plus que chanter Allouette et parler frangais quand i] n’y avait pas d’anglophones présents. Mais, en ce qui concerne les concentrations francophones au Canada, il y a peut-étre une possibilité d’éviter cette loi universelle des so- ciétés dominantes; ce serait de créer des aires d’unilinguisme francophone progressif et des aires de bilinguisme effectif qui tiendraient compte de la nécessité d’utiliser les deux lan- gues sans que l’une empoisonne l’autre et s’y substitue. C’est & cette conclusion que nous-mémes nous sommes arrivés. Il n’y a aucune chance que le francais se transmette 4 plus d’une géné- ration, en Colombie Britannique, dans le con- texte actuel, tant qu’il ne redeviendra pas un véhicule de communication en dehors de la famille, dans les rapports quotidiens d’une vie communautaire totale. Toute autre solution appartient aux contes de fées. L’AFFAIRE ST-LEONARD Tous les journaux en ont parlé, ainsi que la radio et la télévision. Tout le monde connait Vhistoire. Ca s’est passé dans une banlieue de Montréal et il s’est agi de la contestation du droit présumé des immigrés, d’utiliser excuse du bilinguisme pour faire avancer l’hégémonie anglo-saxonne dans la métropole canadienne. Bien que nous ayons entendu certains com- mentaires, — en particulier de certains Irlan- dais catholiques de Montréal — trés peu d’en- cre n’a coulé a l’extérieur de la province de Québec. C’est compréhensible: quand on vit dans une maison de verre on ne lance pas de pierres. Toutefois, on n’a pas manqué de donner une large publicité au litige aux nouvelles de la C.B.C. La plupart des commentaires venaient d’anglophones. Les divers arguments en fa- veur des droits des parents, du bilinguisme, de la justice, etc., sonnaient étrangement creux, de loin, surtout quand on vit dans des provinces qui n’ont jamais reconnu d’autres droits a per- sonne que celui de devenir Anglo-saxon protes- tant et blanc par dessus le marché. Notre intention n’est pas de justifier l’atti- tude des parents de St-Léonard mais de cons- tater que des néo-canadiens jouissent de mé- canismes plus puissants, au Québec, pour se réclamer du droit de choisir la langue de la mi- norité, que trois cents ans de citoyenneté n’ac- cordent aux Canadiens de langue frangaise pour exercer leur droit naturel 4 leur propre langue qui est l’une des deux langues officielles du pays, dans le reste du Canada. Les mémes personnes qui, en Colombie Bri- tannique ou ailleurs au Canada, disent: “le francais, d’accord pour le Québec, mais ailleurs e’est l’anglais qui est majoritaire, done tout le monde devrait parler l’anglais,’’ sont prétes a se scandaliser d’un seul fait isolé ot la majorité francophone demanderait le méme traitement. Les “deux poids, deux mesures’’ qui ont pré- sidé a la politique canadienne depuis plus de cent ans sont encore loin d’une sérieuse rééva- luation. Souhaitons bonne chance au Premier Ministre avec son bill des langues officielles. Dans le contexte actuel il est dangereux qu’il fasse comme les bills d’égalité civile, du gouver- nement américain. Ils font de beaux textes littéraires mais n’ont pas changé la mentalité ni éliminé les préjugés. Il faudra peut-étre plusieurs St-Léonards, dans les deux sens et un peu partout au Cana- da, avant qu’une juste appréciation des pro- blémes de justice soit possible au Canada.