ER ¢ Francophones du Manitoba MARIE CLAUDE Infirmiére dans un hépital pour enfants, Marie-Claude soutient que son attitude générale contribue parfois davantage que ses connaissances et sa : formation a la guérison de ses patients. ‘engager doublement ! a femme francophone en milieu minori- taire a-t-elle un choix a faire :s'engager dans des organismes militant pour la fran- cophonie, ou dans des organismes fémi- nins? Au Manitoba, jusqu'au début des an- nées 80, je crois qu’on ne se posait méme pas la question. La survivance prenait toute laplace dans nos vies. Déja en 1902, on avait fondé la Société historique de Saint-Boniface, et notre premier organisme politique francophone apris racine en 1916 apres 26 ans de guerre sourde contre la langue francaise chez nous. Nos ancétres d’alors, femmes tout autant qu’hommes, n’avaient qu'une préoccupation : survivre en tant que Canadiens-frangais. Les au- tres inquiétudes naissantes des femmes, comme le suffrage universel, devaient sembler bien secondaires a ce peuple déja habitué a se protéger des influences d'une culture anglophone qui se faisait de plus en plus envahissante. De 1916, lors de la fondation de |’Asso- ciation d’éducation des Canadiens-fran- cais du Manitoba (I'AECFM), jusqu’a la fin des années 60 il fallait d’abord et avant tout s’assurer que les enfants parlent la langue de leurs pére et mére et sachent leur his- toire, si triste fut-elle. C’était la condition _° PlanificationdeVemploi Une révision s’‘impose & Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme s'est penché sur la Stratégie fédérale destinée a assurer la formation de main d’oeuvre cana- dienne, lancée il y a un an. Le Conseil partage les critiques de certains groupes et particuliers selon lesquels les programmes de planification de l'emploi ne correspondent pas toujours aux besoins des femmes. Des besoins qui changent avec l'introduction rapide et massive de I'informatique de méme que les effets du libre-échange. On note que les femmes sont nettement sous-représentées dans des pro- grammes qui assurent une formation dans les domaines ot la main d’oeuvre est rare. On semble se limiter 4 certains secteurs, notamment ceux qui sont traditio- nellement réservés aux femmes et qui sont mal rémunérés. Plusieurs spécialistes du marché du travail soutiennent qu’on devrait encourager les femmes a suivre une formation dans les domaines ou on prévoit que les conditons de travail et les salaires seront au-dessus de la moyenne au cours des années a venir. On souhaiterait égalementla création d’une stratégie nationale globale pours'attaquer au probléme de la ségrégation professionnelle. De nombreux groupes du milieu de la formation estiment que les immigrantes et les réfugiées auraient besoin d’une aide spéciale pour faire la transition entre le chémage ou le sous-emploi chronique et le succés professionnel. On pense entre autres a des conseillers neutres, une aide a la garde de jeunes enfants et au transport, a un soutien en cas de difficultés personnelles et a l'affirmation de Soi. Les stages de formation sont en général trop brefs, particuliérement ceux visant a améliorer des connaissances de base telles que la lecture, I’écriture et les mathématiques. On propose que les critéres d’admissibilité aux programmes Intégration/réin- tégration professionnelle et Développement de l'emploi soient remplacés par d'autres moins arbitraires, plus souples et fondés davantage sur les besoins réels. Les allocations de formation ne collent plus au coit de la vie. Plusieurs groupes recommandent qu’elles soient au moins équivalentes au salaire minimum provin- cial. Une condition sine qua non pour sortir les femmes qui ont des responsabilités familiales des ghettos d'emploi. Andrée Germain et Guylaine Levesque _un discours féminin! essentielle a la survivance. Je me souviens trés bien, moi qui suis déja dans la cinquantaine, de cette époque ol nous nous savions un groupe persécu- té, devant se méfier del’ennemi. Il n'y avait que deux familles anglophones dans notre voisinage et les relations entre ces trois enfants et notre cinquantaine d’enfants francophones n’‘étaient pas des meilleures! Nos méres avaient trop d’ouvrage a la maison pour s'occuper de causes ; c’é- taient nos péres qui avaient en main I'AECFM. Les femmes s'occupaient de no- tre éducation et dans plusieurs familles on se préoccupait de faire instruire les enfants bien au dela du niveau d'éducation des parents en espérant les hisser ainsi au- dessus de la pauvreté. * Je n’ai entendu parler de féminisme que vers la fin de mon secondaire et je me souviens a quel point je choquais certains membres de ma famille, sans parler des gars du collége, quand je me mettais a tenir Nous étions alors dans les années 50 et les quelques-unes d'entre nous qui avions décidé de poursui- vre une éducation universitaire nous trou- vions haussées au niveau d’une élite... Mais malgré tout, nous étions encore beau- coup plus sensibilisées au fait frangais » qu’au “fait féminin". Le passage des années, toutefois, n’a pas été sans marquer notre culture franco- manitobaine. Les ravages de l’assimilation se sont fait sentir ici comme ailleurs au Canada et ont eu pour effet de nous faire comprendre la nécessité de nous organi- ser, politiquement et collectivement. Les résultats de cette décennie des années 70 ont été une prolifération d’orga- nismes de toutes sortes, en commencant parla Société franco-manitobaine en 1969; | puis ce furent la culture, l'éducation, les jeunes, les ainées, le patrimoine et les loisirs qui donnérent naissance a des insti- tutions et des groupes variés. En vingt ans, nous avons structuré notre milieu franco- manitobain de telle sorte que nous sommes devenus une "menace" pour les anglophones du Manitoba! A preuve, cette bataille linguistique des années 83-84 pen- dant laquelle la population anglophone s'est levée contre nous comme si nous étions un monstre de taille, nous qui sommes maintenant moins que 5 % de la population du Manitoba! Les femmes francophones diici se sont-elles senties tiraillées entre les causes férinistes et les causes francophones? Je crois que la réponse est tout simplement non. Il y avait tant de taches a accomplir... Il fallait créer une ambiance de jeu en fran- cais pour les petits : elles ont fondé les Mini-franco-fun et des garderies frangaises ; il fallait obtenir des écoles frangaises : elles se sont engagées dans les comités de parents et méme les conseils scolaires ; il fallait voir a. ce que les jeunes puissent vivre en francais : elles se sont données aux Jeannettes, aux Guides, aux Castors, aux Scouts, aux Danseurs de la riviére rouge, aux activités culturelles de tous genres ; il fallait faire avancer les dossiers politiques franco-manitobains : elles se sont aventu- rées dans les organismes comme la Socié- té franco-manitobaine. Francophones du Manitoba, nous nous sommes d'abord occupées.de nos enfants, de notre race. Mais au début des années 80, alors que les structures étaient en place et que le reste du monde s'apercevait enfin que notre francophonie était bien vivante, nous avons pu finalement nous pencher sur notre sort de femmes. Nous étions tellement habituées, je suppose, a mettre en place nous-mémes ce qu'il nous fallait pour notre épanouissement que nous avons simplement créé des organismes féminins pour combler nos besoins de Franco-manitobaines! Nous avons donc mis sur pied un orga- nisme politique, Réseau, et un organisme de ressourcement, Pluri-elles. Un groupe plus traditionnel, la Ligue des femmes ca- tholiques, existait déja depuis bon nombre d’années. Nous sommes affiliées aux re- groupements féminins nationaux tant an- glophones que francophones, mais nous fonctionnons chez nous en francais. Si nous ressentons du tiraillement, c'estal'intérieur méme de notre francopho- nie. On ne peut pas s’engager partout ala fois, et chacune fait ses choix selon ses priorités et les étapes de sa vie. Mais au moins on sait qu’on peut travailler pour la femme et pour la francophonie en méme temps. Le merveilleux, c’est sans doute que nous ayons réussi cela, si minoritaire que nous soyons. Dans la conjoncture historique actuelle et au sein d'une société oli la famille éclate etl'Eglise perd sa place traditionnelle, ilest clairque bien des Franco-manitobaines ont choisi, malgré tout, d’entretenir cette flamme d'une langue vivante et d’une cul- ture florissante. Parce qu’elles ont foi en l'avenir, elles croient en la nécessité de poursuivre le dialogue ; mais c'est un dia- logue différent de celui de nos méres, for- mé des mots du siécle prochain, englobant en méme temps la justice sociale pour la femme et la survivance d'une langue. Nous parlons maintenant un langage de femmes en plus d'un langage de peuple, et c'est la méme langue que nous utilisons et que nous continuerons d'utiliser pour les deux. Voila notre victoire et notre défi. Franco-manitobaine, Gilberte Proteau est enseignante de formation. Elle occupe au- jourd’hui un poste de recherchiste a CKSB - Radio-Canada a Winnipeg. Elle a tou- jours vu au bien-6tre de la francophonie en général et des femmes francophones. Elle est mére de quatre enfants. Rolande Soucie De Jeanne Lajoie, a Héléne Brodeur, Diane Marleau, Jeannine Séguin et une foule d'autres, la preuve est faite: l'histoire et l'avenir se conjuguent aussi au féminin. La présidente générale, jfglbcps gee, 225, chemin Montréal, Vanier (Ontario) K1L 6C4 749-1910/ 1-800-267-1802 / FAX (613) 749-7661 CAHIER DES FEMMES, MARS 1989 — 13