- réguliérement, Récit d’un tour du monde Satanée frontiére Par Jean-Claude Boyer Oujda (Maroc), prés de la frontiére algérienne, le 28 novembre 1984. Je me fais petit dans un bus plein 4 craquer qui © s'appréte a partir vers la frontiére maroco-algérienne. . Un grand vieillard votté monte «brailler» ce que je crois étre des priéres musulmanes, la main tendue, en se faufilant jusqu’a l’arriére du véhicule pour en descendre au dernier moment. Parvenu a destination, je prends d’abord une photo du panneau indicateur de la frontiére, contre lequel j’ai pris soin d’appuyer mon sac a dos. Des ricanements étouffés répondent a ma hardiesse. J’affronte ensuite la police marocaine qui, aprés m/avoir fait remplir les formalités d’usage, me prévient que je ne réussirai pas a passer. A l’autre frontiére, je me rends au fond d’une salle a travers des quantités invraisemblables de marchandi- ses hétéroclites (vaisselle, tissus, poterie) étalées sur le plancher; elles appartiennent a _ des commercants tunisiens qui vien- nent s’approvisionner au Maroc me dit-on. Jattends a un guichet, des fourmis dans les jambes. Un agent finit par me dire, sur un ton béte: «Impossible. Retournez au Maroc». Je lui demande s'il y a un moyen de passer la frontiére: «Prenez l’avion ou le bateau». Et il me ferme le guichet au nez. En le voyant sortir du bureau, j’ose insister pour qu'il me dise s'il est possible de passer par un autre poste frontiére. «Retournez au Maroc», rétorque-t-il. En sor- tant, je risque la méme question a un autre agent qui m’ordonne lui aussi, a la maniére d’un tortionnaire, de retourner au Maroc. Je reviens donc au premier poste ou j’aperccois un bel agent a l’air sympathique. «Vous pourriez traverser en voiture, me dit-zl, mats seulement St ses occupants sont frangazs, américains ou espagnols». Malheureusement, tous les auto- mobilistes sont arabes. L’agent me conseille alors de «tenter ma chance demain ou de passer par Figuig» - 4 environ 350 km au SUG. « Crest déja la brunante. Il n’y a plus de bus. «Trente dirhams, me dit un chauffeur de taxi. Je lui réponds que c’est trop cher pour mes moyens. «Mazs monsteur, réplique-t-il, insulté, il faut que je pare le gaz, Vhuile, l’usure, les assurances’. Un autre chauffeur vient aussitét m’offrir de monter et d’attendre que deux autres passagers se présentent. En route, je vaconte mon aventure de Tanger: ils s’en indignent comme si je _ les _ accusais eux-mémes du fait. A mon retour a I’hétel «moins cing étoiles», ot Linda et moi _ avons prévu de passer la nuit si nous devions revenir 4 Oujda, VOntarienne et les Suisses m’accueillent, heureux, comme Venfant prodigue. La soirée se remplit de «placotage»- et dhumour, sauf pour l’histoire des deux Danois qui ont failli se faire €gorger quelque part dans les montagnes marocaines. L’un des extraits de guides que nous nous lisons parle de «satanée frontiére» ot, depuis le début de 1983, tous doivent payer 200$ US pour entrer en Algérie (étudiants ou non) car trop de touristes présentaient de fausses cartes didentité. Peu importe que l’on franchisse la frontiére pour deux jours ou trois mois, pas d’exceptions. Dans une édition de 1984-1985, en revanche, les cartes d’étudiants sont de nouveaux acceptées. Cette fin de journée se termine dans des flambées de rires incontrélables. Nous arrivons, Linda et moi, au point de départ du bus - pour Figuig - bien avant le lever du jour. Tous les bagages doivent étre entassés sur le toit, sous un filet. Un jeune prend les nétres en nous faisant signe de monter. Nous ne bougeons pas, bien sir, autant pour le surveiller que pour nous asseoir ensuite du méme cété que nos sacs afin de pouvoir jeter un coup d’oeil sur l’ombre qu ils projetteront sur la route au cours du trajet. Puis le porteur monte lui-méme et demande a quelques passagers de lui montrer leur billet pour se faire passer pour un porteur officiel et récolter des pourboires; Linda se dit habituée a ce petit manége. Un mendiant vient «prier en chantant» pour se _ meériter quelques auménes avant qu’un «tapeur», assis a |’arriéere, signale au chauffeur le moment. de repartir, comme il le fera cent fois jusqu’a Figuig. Jai tét fait d’apercevoir mon premier chameau dans son environnement naturel. Chaque fois que j’en reverrai un par la suite, perdu dans le désert, je ne tiendrai plus en place, comme un gamin de la ville qui voit des cheveaux lors d’une randonnée a la campagne. Sable a perte de vue, rochers, aridité parfaite. Par ailleurs, ces quelque 350 km dans l’inconfort et la chaleur saharienne ne sont pas de tout repos. Nous sommes trés heureux d’arriver, enfin, a destination. Je suis d’abord frappé par les myriades de mouches qui envahissent les espaces ombragés de Figuig; il y en a sans doute dix mille par habitant! Au soleil, pas un chat. Les habitations’ sont uniformes (carrées, simples) et de méme couleur pale, comme pour mieux s'intégrer au désert. Quelques hommes, devant notre table, jouent. aux dames ou feuillettent des revues francaises, en écoutant des airs arabes hurlés a la radio. Aprés 14 heures, alors qu’une partie de la ville semble se «déparalyser», nous nous rendons -au poste de police. S’ensuit une marche de trois km vers l’Algérie. Chemin faisant, nous prenons diverses photos: de fillettes fort intimidées (sauf une) , de rochers artistiquement sculptés par la nature, d’une grande étendue _parsemée de fiers palmiers... Deux Musulmanes a dos d’ane refusent pourtant le... privilége de faire partie de nos albums de voyage. Linda me fait demander a un passant non pas si c’est la bonne direction pour la frontiére mais bien: «Dans quellé direction se trouve la frontzére?» Elle insiste pour que je m’habitue a ne poser que des questions exigeant une réponse - spécifique, sinon on répond souvent «oui» sans méme comprendre la question. Enfin la frontiére. Une tente militaire est dressée a la limite du territoire marocain. De l'autre cété, l’Algérie cherche 4 se faire accueillante. avec ses _ petits batiments aux teintes bleues, d’une certaine élégance, entou- rant une cour ou coule une fontaine. Trois jeunes militaires moustachus a l’allure d’acteurs de cinéma ne semblent rien prendre au sérieux. En nous voyant étonnés de n’avoir ni vu ni entendu un seul oiseau (nous sommes pourtant en pleine oasis), l’un d’eux nous fait taire pour, en effet, nous en faire entendre un. Un autre se dit confiant que «nous nous arrange- rons bien» puisqu’il a besoin de pratiquer son anglais. En jetant un oeil sur les formulaires remplis a lafrontiére marocaine, un agent remarque qu’a «nom de fille» Linda a répété ses nom et prénom au lieu d’écrire «le méme> - ce qui cause parfois une ambiguité. II le lui reproche, les sourcils froncés, et va méme jusqu’a exiger qu'elle retourne a la tente. Nous devenons visiblement perplexes. «Allons, c’est une platsanterie!» s’exclame-t-il entre deux €clats de rire. On nous fait ensuite entrer dans un petit bureau ow nous subissons d’abord de longues explications sur les procédures 4 suivre et les sanctions €ventuelles. Le plus jeune affirme avoir un sixiéme sens pour détecter les cachettes, surtout les dinars dans les souliers..., 14 méme ow nous avons caché les nétres! «On n'est ami que lorsque tout est en régle, n’est-ce pas?», conclut-il. Puis nous devons lire une affiche sur le 200$ US a payer sauf pour les détenteurs de carte d’étudiant. Jen ai une officielle mais celle de Linda: est falsifiée... Elles sont examinées a la loupe et, finalement, acceptées. L’atmos- phére est... apparemment déten- due. Les formulaires d’usage four- millent de détails. On nous met en garde contre la moindre erreur dans la déclaration des sommes et des objets «précieux» détenus. Je ne déclare que mon baladeur, mon appareil-photo n’étant qu’un simple kodak-disc. Et voila que pendant deux bonnes heures tout est passé au peigne fin (cherchent-ils des poux?). Le plus agé a tét fait de me faire signer mes documents mais en m’indiquant le mauvais endroit. Je suis donc tenu de tout retranscrire. Quant a Linda, sa tension ne cesse d’augmenter a mesure qu’un agent déroule son papier de toilette: un billet de 50$ US apparait tout a coup, puis deux autres de 10 dinars chacun. Elle se voit menacer de se faire confisquer ces billets et de payer une amende, soit le double de ce montant, «stnon, déclarent les agents, notre chef pourrazt apprendre ce passe-droit et nous risquerions de perdre nos emplois». Mais ils s’empressent d’ajouter qu’ils veulent émigrer au Canada; nous échangeons donc nos adresses. La fouille se poursuit, minu- tieuse. On tatonne sans les ouvrir deux enveloppes de _ billets d’avion, qui paraissent cachetées sous leur emballage de cello- Voyages 2s: (étouan fles Athucemas if sp.) Le Sole de Colombie, vendredi 17 juillet 1987 - 11 a ibraltar(G.-B)) MEDITERRANEE C. des Trois - wee 3) Melillacsp) A phane; elles renferment des centaines de dinars non déclarés. Les deux agents insistent pour que ce qui se passe entre ces murs y reste. «Nous allons étre gentils», nous répétent-ils. Linda a une peur bleue qu’ils découvrent le pot aux roses, au point qu'elle finit par déclarer vouloir retourner au Maroc. Elle accepte toutefois de retranscrire son formulaire en y ajoutant les 50$ et les dinars «dont on lui a fait cadeau», précise-t-elle. Elle se refuse cependant a signer. «dh ah!tuas caché de la drogue...» en concluent les Algériens. Je reste froid méme si je boue a lintérieur. Je sers toujours d’interpréte, conscient que l'un des deux agents «peut» compren- dre l’anglais. [Suite la semaine prochaine] / Ee: /> ac Ne a ee PARTICIPACTION Pe E Societe canadienne Canada Mortgage d'hypotheques et de logement and Housing Corporation CALGARY Avis aux investisseurs Propriété immobiliére a vendre a OCCASION D’INVESTISSEMENT e Pas de régie de loyers e Les acheteurs admissibles sont couverts par l’assurance-prét hypothécaire LNH. DORSETT SQUARE 1339 - 15 avenue S.W. CALGARY (ALBERTA) N° de réf.: 6440/C16-45 ¢ Tour d'habitation de douze étages avec espaces commerciaux © 109 logements: 22 une chambre 87 deux chambres ¢ Sept locaux commerciaux au rez-de-chaussee ¢ A proximité d’un secteur attrayant avec commodité *Les logements sont dotés de 3 appareils, de rideaux et d'une porte-fenétre donnant sur un balcon ou un patio ¢ Taux d’occupation élevé e Revenu mensuel potentiel provenant de !fa location des appartement: 57 065 $ Prix de vente minimal admissible: 5 100 000 $ Pour plus d’information, tel que les conditions générales d’admissiblité ainsi que notre prospectus, télephonez ou écrivez sans tarder a l’adresse suivante en précisant le numéro de référence: Société canadienne d’hypothéques et de logement Piéce 300 410-est 22° Rue Saskatoon (Saskatchewan) S7K 5T6 Tél: Mile. S. Pilling, (306) 975-5133, ou Mile. L. 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