ne Ae nana Le Soleil de Colombie, vendredi 31 aodt 1990 - 13 VOYAGES ll est temps de rentrer. Dans le petit dortoir propre mais combien déprimant, je fais la connaissance de Bernard Hu- bert, un grand Parisien aux biceps bien bronzés. Il ne cache pas son plaisir de rencontrer un francophone, surtout un Québé- cois, entiché qu’il est de notre parler. Lasoif nous force anous retrouver tous les trois dans un petit restaurant... sans étoiles. Au retour, déclaration de I guerre aux punaises et mousti- ques a grand renfort de vaporisateur, d’huile et d’en- cens. Quelle humidité écrasan- te malgré l'heure _ tardive! | _ Bernard insiste pour que je lui enseigne un peu de joual. J’y vais donc de quelques hennis- sements. Il savoure particuliére- ment les termes «robineux» (clochard) et «ratoureux» (rusé). Mise a jour rapide du journal. Avant d’éteindre, j’invite mon nouveau compagnon ase rendre a |’'autobus avec moi demain matin, au cas ol on accepterait de|’embaucher lui aussi comme figurant. ll accepte volontiers. Le lendemain, Bernard est embauché. Troisiéme journée de figuration sous un soleil brdlant.-En soirée, je visite, avec mon ami parisien, la _-grande gare Victoria a la facade «indo-gothique», témoin de h trois siécles de domination » _ britannique. Un monde fou y _ ~~ circule en tous sens. Ailleurs, a parcs et espaces verts. Edifices “modernes. cinéma presente le célébre Amitab Bachchan, vedette du film auquel je participe. Visite également d’une usine de textile «broche a foin» et d'une imprimerie aux bruits infernaux. Des ouvriers - sans doute exploités - s’6pongent machina- lement le front. Nous traversons un quartier qui ramene a ma mémoire les images. d’un film impitoyable sur Calcutta. Tant de sans-logis allongés sur les trottoirs pour la nuit! Ah! ces grandes affiches de cinéma que l'on voit partout. Elles donnent I’impression que les acteurs sont des échappés des «weightwatchers»! On est loin de glorifier la sveltesse en Inde! Laséduction? Etre bien en chair! Un Indien justement sec comme un chicot nous aborde; il voudrait que nous lui vendions n'iimporte quoi, T-shirt, sou- liers, montre, appareil-photo... Peine perdue. Je léve les yeux vers la lune: la réflexion du soleil dessine sous sa paroi inférieure un deélicat berceau doré. En retournant a l’Armée du Salut, nous croisons un bruyant défilé de noces. La mariée a cheval laisse paraitre, dans l’éclat des bijoux recouvrant sa téte et son visage, de beaux grands yeux mélancoliques. A l’entrée de la cour sombre de notre... asile, gémissements d'un cul-de-jatte aux paupiéres closes. Nous apercevant, il se traine prestement a nos pieds, une main tendue. Sa physiono- mie tourmentée arracherait le coeur d’un tortionnaire. Plus tard, étendus ‘sur nos Une affiche de . O Bombay! grabats, bien protégés contre l'invasion des «maudites bibit- tes», nous attendons patiem- ment le sommeil qui tarde a venir. Bernard me fait |’éloge de Goa, anciennes possessions portugaises au sud de Bombay, m’apprenant, entre autres, que le corps mommifié de saint Francois Xavier (patron des missionnaires) y est exposé en permanence. Son récit suffit a me convaincre de choisir Goa comme prochaine destination. Le 31 janvier. Ce matin, sur le plateau, je me lie d’amitié avec de nouveaux venus, Philippe et Odile, jeune couple dela Suisse francaise. Nous nous enten- dons pour prendre ensemble, le 4 février, labateau pour Goa. Ils iront acheter les trois billets dés cesoir. (Odile suggére a son bel ami blond aux cheveux bouclés de se laisser pousser une moustache comme la mienne. «Ce nest pas la moustache qui fait le moine», \ui dis-je pour plaisanter. «Non, renchérit-elle vivement, cest la tonsure!») Immense bazar Autre promenade, en soirée, dans les rues distrayantes a souhait de notre misérable quartier. Puis nous partons, plus loin, a l’assaut d’un immense bazar. Impossible a décrire! Si j’avais perdu un soulier, je pourrais sans doute y trouver son pareil! Tout pour la vue et l’odorat. Extréme abondance de produits de la saison et du terroir. Monceaux de fruits et de legumes colorés. Etals de boucherie. Voliéres a perroquets abasourdis. Pois- sons. Colliers de fleurs a profusion. Marchands de livres, de tissus, de poteries. Vieilles statues. Marché-bric-a-brac co- lossal, quoi! Le secteur réservé a |’€picerie exhale généreusement ces «parfums de /Orient qui poussérent les hommes d'Occi- dent a se /ancer sur des routes maritimes inconnues, a décou- vrir un continent et les mirent dans | engrenage des conquétes coloniales». Tumulte incessant, ponctué par les vociférations des coolies courbés sous leurs fardeaux. Riches étalages de bijoux: colliers, pendentifs, anneaux, bracelets... Artisans aux doigts agiles. Nous nous trouvons a plusieurs reprises complétement désorientés dans ce foisonnement impensa- ble de vie populaire. Je me procure finalement plusieurs bougies et allumettes, pas plus chéres que trois bonbons au Canada. Par Jean-Claude Boyer PEGASUS WORLDWIDE TRAVEL INC, RACHEL CLARK C.T.C. Directrice 617 - 808 rue Nelson Vancouver, C.-B. Canada, V6Z 2H2 Téléphone (604) 684-7494 + Taxes 3999. an MONTREAL Les mots croisés de Tima Sekkat {lk te A VET Nae ; tise 2 Bee “Ey ‘ ES ez Grile7 .