Au cours des derniéres décennies, chez-nous comme ailleurs, l’orientation est de- venue une dimension .réelle de l'éducation. Presque incon- nu il y a trente ans, ce mot vient maintenant spontanément aux lévres des étudiants, des parents et des éducateurs qui interrogent F avenir. Les jeunes et les adultes, a la recherche d'une formation et d'une adaptation profession- nelles heureuses, vivent leur orientation a travers une tra- me‘de perturbations qui sou- vent les ébranlent au plan affectif. ““Je me sens complétement perdu. Je ne sais plus que fai- re, ni que penser’’. A un moment ou l'autre de notre vie nous avons tous vécu cette angoisse, soit pour nous- mémes, soit pour un étre cher, ami, parent, enfant. On se sent alors comme le marin pris au large par la brume. Plus de point de repe- re immédiat, rien que le sou- venir d'une position antérieure par rapport a son point d’atta- che. C’est la situation des parents face a l'adolescent qui veut s'affirmer et changer un monde qui lui parait injuste. Mais ce monde est tellement complexe, tellement changeant lui aussi, que l’adolescent ne trouve pas plus de repere pour appuyer et guider son action que n’en trouvent les parents pour laider. Les _principes ’ qui faisaient autorité sont bien remis en question. Plus per- sonne _n’en est bien sir. Entre deux générations on ne parle plus le méme langage. Faut-il imposer lautorité au nom de la tradition ou laisser faire? La situation d'emploi, le manque a gagner, le bou- leversement politique, I effri- tement de toutes les valeurs qui paraissent les plus stables. Que nous nous étions arré tés a une certaine apparence bien sécurisante; la richesse de l’Eglise au lieu du dynamis- me de la foi; le confort facile immeédiat au lieu dune pro- gression lente vers un bonheur moins artificiel et plus dura- ble; la sécurité reposante et souvent médiocre au lieu du risque de l’effort qui a fait la richesse de notre pays. Pour chacun, un moment donné, la nécessité d'une re- mise en question s’impose. On a perdu son travail; les étu- diants sont indécis, révoltés; on manque d’intérét pour l’é cole, on cherche sa propre orientation. Ona besoin daide. L’aide que le conseiller dorientation peut donner de par sa formation va plus loin que la réponse immédiate a la recherche d’un emploi. Le probléme factuel posé est repris en profondeur. Le con- seiller d orientations’ efforce, dans un dialogue constructif, daider celui qui vient pren- dre. conseil a redécouvrir des points de repére passés inapercus, 4 prendre conscien- ce de sa vraie personnalité, de ses aptitudes, de ses inté réts réels qui ne sont pas toujours ceux qui apparaissent les plus immediats. Le con- seiller d’orientation aide a refaire le point, par soi-mé- me. Il ne dispense pas de mé dicaments pour endormir Panxiété, il aide a y faire face. Il ne transforme pas le réel, il aide 4 mieux le per- cevoir pour s’y adapter. I] ne donne pas de solution miracle, il aide son client 4 se cons- truire pour soi-méme sa propre solution adaptée a sa situation personnelle. Sans negliger de fournir tous les renseignements qu'il est apte a prodiguer en réponse aux questions posées, il va plus loin en aidant son client a_ trouver par lui-méme une réponse aux questions qui n’ont pas été posées mais qui sont fondamentales: qui Suis-je, comment est-ce que je me réalise, vers ou est- ce que je m’en vais? Pour s’acquitter de cette tache avec la compétence et la prudence qu’elle impose, le conseiller d'orientation a recu une formation profes- . ‘sionnelle de niveau ‘ universi- taire. Depuis plus de vingt ans déja au Québec, nos uni- versités forment des conseil- L'orientation est a la mode mais... Le nombre de. conseillers spécialisés apparait nettement insuffisant par la Corporation des conseillers d’orientation professionnelle du Québec lers dorientation. Cette for-. mation exige au moins trois années d'études apres le col- lege. Elle comporte entre autres plusieurs heures de cours en psychologie, en tech- niques d'orientation, en péda-~ ‘ogie, en sociologie des pro- essions, en information sco- laire et professionnelle, ainsi qu’un stage pratique supervisé par l'université. Malheureusement, méme si on parle beaucoup d’orienta- tion, il existe encore trop peu de conseillers d'orientation chez nous. A travers la pro- vince, le ratio actuel, dans les écoles secondaires, est dun conseiller d’orientation > pour 1200 étudiants. Si on ajoute le million d’éléves ins- ° crits a l’élémentaire, ce ra- tio devient un conseiller d’o- rientation pour quelque 3000 éléves. Sans parler du man- que dans les colléges, les universités, les services d’é ducation permanente et les centres de main-d’oeuvre. Le nombre de conseillers d’orien- tation est nettement insuffisant si lon tient compte des be- soins actuels dans tous les mi- lieux. En méme temps qu'il y a pénurie de spécialistes, on assiste 4 une vogue particu- liere de lorientation: elle est criée sur tous les toits! On déplore son manque, on en réclame_ ’urgence! D’une rt, il faut comprendre que société tout entiére parti- cipe a l’orientation de chacun. Les éducateurs, les adminis- trateurs scolaires de tous les . niveaux, en définissant les _ programmes d'études géné rales et spécialisées, jouent ‘un réle important en orienta- tion. De méme les responsa- bles de la Main-d’oeuvre qui décident des programmes de recyclage et de formation professionnelle. D’autre part, tout en réclamant plus de conseillers d'orientation, ceux qui désirent un conseil d’o- rientation, les étudiants, les parents, les __ travailleurs, doivent user de prudence et s'assurer de la compétence des personnes qu’ils consul- tent. Etant donné la pluralité des influences dans ce domai- ne, il est possible de s’adres- ser de bonne foi 4 la mauvai- se enseigne. Cela doit étre évité de la part de ceux et celles qui, sur ce plan, veu- lent bénéficier d'une aide vraiment compétente. Ceux- la doivent savoir qu’il existe au Québec un organisme pro- fessionnel, la Corporation des conseillers d'orientation pro- fessionnels du Québec, qui est habilité a renseigner le public sur la qualité des ser- vices d'orientation. Le mandat de cet organis- me est précisément d’assurer a notre population les meil- leurs services professionnels en orientation et de contribuer au développement de cette discipline de telle maniére qui réponde aux besoins e nos milieux. A lapproche d'une nouvelle annee scolaire, il faut espérer que tous les intéressés, dans les milieux scolaires et au- tres, accorderont a l’orienta- tion de chacun toute l’atten- tion qui convient. Que les choix de cours et d’options par les étudiants, que les choix de programmes de for- mation professionnelle par les jeunes et les adultes, ne soient pas décidés sans tenir un compte rigoureux de tous les facteurs 4 considérer, dont principalement la per- sonnalité et les aptitudes de chacun et les ressources de notre milieu socio-économi- ue et culturel. Ces décisions, le fait, s’inscrivent dans le processus global d’orienta- tion de lindividu. Elles ne doivent donc pas étre prises a la légere. En contre-partie, toute decision par les autori- tés d’offrir ou de ne pas of- frir une ou des options parti- culiéres conditionne |’orien- tation des étudiants. Une telle décision également doit étre prise avec beaucoup de pru- dence, en tenant compte a la fois des aspirations des étu- diants et des besoins. de la main-d'oeuvre. LE SOLEIL, 12 NOVEMBRE 1971, VII