page 4 L’APPEL Mai 1967 Nous croyons que nos évéques ont réalisé ce double mandat. Le paragraphe-clé, nous semble-t-il, est ce- lui qui traite des justes aspirations des groupes a Végalité: “L’une des caractéristiques du XXe siécle réside dans le fait que l’aspiration a la justice n’est plus seulement l’apanage des per- sonnes mais aussi des peuples, des régions et des communautés ethniques. Et ¢’est avec rai- son qu’on se rend compte de l’importance que prennent les droits des groupes si l’on veut que les aspirations des personnes elles-mémes soient satisfaites.” Dans le style de Pacem in Terris, les évéques rappellent que le droit ne doit pas étre une conception égoiste. Ceci s’applique également a la majorité et 4 la minorité. Tout droit sup- pose un devoir de contribution envers le bien commun. La-dessus, on peut dire que la com- munauté canadienne frangaise a été généreuse ; les évéques le reconnaissent implicitement en notant: “Quand on réfléchit au probléme des minorités au Canada, il faut admettre qu’on peut a bon droit juger intolérable le régime politique qui, dans des situations analogues, n’assure pas le méme traitement aux minorités de langue frangaise qu’a celles de langue an- glaise.” L’un des grands dangers actuels pour le Canada est justement que cette inégalité de traitement soit prise pour acquis par un large secteur de la population. La manie de V’uni- formité, contre nature, qui se manifeste surtout dans Vouest canadien accentue ce danger. Par réaction, le respect de la diversité qui a tou- jours caractérisé le Canada frangais pourrait bien se changer en désappointement contagieux qui lui fasse durcir ses positions: ce qui irait a Vencontre du respect mutuel souhaité. Nous espérons qu’une grande diffusion sera faite de ce document historique et qu’un dia- logue en découlera naturellement parmi la famille catholique d’abord, ce qui aura don de eréer une atmosphére favorable parmi les au- tres couches de la société. Un effort particu- lier & cet effet devra étre amorcé chez nous, en Colombie Britannique. La distance qui nous sépare de la concentration principale de la vie canadienne a créé, a l’ouest des Rocheuses, une mentalité de “séparatisme passif” (1) qui est commun au monde clérical et au monde sécu- lier. Le dialogue ne sera pas spontané: il fau- dra le stimuler au risque de paraitre arrogant. Pous nous, deux sujets sont particuliérement urgents: la question scolaire et la question paroissiale : En matiére scolaire, nous avons 4 réconci- lier la décision de l’Eglise locale de maintenir et de consolider un régime scolaire confession- nel privé avec la nécessité, pour les Canadiens frangais, de s’inscrire au régime public pour arriver & une reconnaissance officielle d’un programme adapté 4 leurs besoins. Toute me- sure de la part des autorités ecclésiastiques, quelque généreuse qu’elle fit pour introduire le francais comme langue d’instruction pour ceux qui le désirent, aboutirait 4 une impasse sans la sanction du Ministére de l|’Education. D’autre part, l’intégration des écoles dites bi- lingues ou la création de classes ou d’écoles francaises au secteur public, dans le but d’arri- ver 4 un programme officiel, auraient probable- ment des réperéussions sérieuses sur les écoles confessionnelles. I] existe des solutions positives a ce double probléme, mais, pour que la con- tribution canadienne francaise soit efficace elle devra se faire par représentation. Pour le moment, la Constitution de la Commission Cen- trale des Ecoles Catholiques de lArchidiocése de Vancouver rejette explicitement cette re- présentation en page 4, paragraphe sur la dé- finition de la “paroisse”’. En matiére paroissiale, nous croyons que Vidéal a atteindre quant au traitement de la minorité se pratique dans les paroisses Notre- Dame de Lourdes et Notre-Dame de Fatima, a Maillardville, ot les familles anglophones, formant environ 25% du total, recoivent des services égaux 4 ceux qui sont offerts 4 la ma- jorité de langue franeaise. Nous n’en exigeons pas tant pour les nétres qui, dans de nombreuses paroisses en Colombie, forment un pourcen- tage appréciable, dépassant de beaucoup dans plusieurs cas le 25%. Les Canadiens frangais se rendent compte et acceptent charitablement le fait que la plupart des curés sont inhabiles & s’exprimer dans une autre langue que l’an- glais. Ceci n’empéche pas, toutefois, qu’un cer- tain effort soit fait pour qwil ne soit plus nécessaire, pour les Canadiens frangais, d’at- tendre de pouvoir fonder leurs propres parois- ses avant de jouir d’une certaine considération. Un petit sermon en frangais, a occasion; une lecture en franeais par un paroissien franco- phone; une célébration en frangais lors du passage d’un prétre visiteur de langue frangai- se; cd ne ferait pas mal a personne et ¢a serait tellement conforme au respect de la dignité du groupe. Au niveau des associations paroissiales ou para-paroissiales, nous croyons que l’objectif du bien commun n’est pas incompatible aux objectifs particuliers des membres ou des sec- tions francophones. Nous souhaiterions que les conseils diocésains des mouvements d’action catholique prennent en sérieuse considération Vanomalie d’une contribution généreuse des notres qui soit, la plupart du temps, 4 sens unique. La mise en marche de mécanismes de réciprocité serait une source d’enrichissement pour les uns comme pour les autres. Puisque, maintenant, nous avons un schéma bien a nous, fondé sur les plus hauts principes de justice, de charité et de dignité de la person- ne et des groupes adapté aux problémes parti- culiers au Canada, nous sommes optimistes. Cherchons 4 maintenir le débat 4 ce niveau de perspective et les détails n’offriront pas de difficultés insurmontables. Roméo Paquette (1) Expression utilisée par Pierre Berton lors dune conférence & son Alma Mater de l’Uni- versité de la Colombie Britannique.