ee Eee - a er ee eee OO ae i: cal on — a a a a ee ee aT \ \ Le Soleil de Vancouver, page 4,21 février 1969 LES IDEESETLESLETTRES == Par W.J. AUBERT Le roman moderne d*Andre GIDE ‘a Jean—Paul SARTRE. ou une nouvelle image de 1 *homme a l'age des fictions 6) GEORGES BERNANOS: (1888-1948) suite. D1 ne faut pas conclure que les saints,tels que les concoit Bernanos sont des dmes sereines, exemptes de tout debat interieur.Souvent,il nous les presente des étres gauches, de= chireés,malhaureux, inconscients meme de leur rayonnement .Dieu lui-meme se retire parfois du saint qui reste seul, abandonne, comme le Christ a Gethsemani. 1 connaft alors le de- sespoir, Mais l'Eglise enseigne que tant de souffrances sont nécessaires pour racheter les peches des autres dont il assure l'expiation en les en de+ chargeant, Bernanos conseille de vivre la vie dans toute sa plenitude, en de= hors de l'egoisme, et parfois meme contre tout conformisme.I1 preconise. méme que la grace peut étre accordee a celui qui scandalise, et non a ce- lui qui se soumet, Les problémes que pose Bernanos et la psychologie méme de ses per= sonnages ne semblent pleinemmt in-. telligibles que pour les seuls chre- tiens, Pourtant, les plus sceptiques ne peuvent demeurer insensibles a la puissance dramatique et visionnaire, a l'accent fievreux et direct, a la verve vehemente par quoi cette pen- see s'exprime ( voir l'histoire de chette dans Sous le Signe de Sa—_ Somme ME seene de 1thallucination dans la Joie ). Bernanos semble renforcer ce qu'il y a de meilleur chez le roman- tique Barbey d'Aurevilly et chez Le- on BLOY, Aussi ce qu'il y a de pire, Beaucoup de ses imaginations ressor= tissent. du romantisme le plus deli- rant. , Son genie verbal est indiscuta-. ble et indiscute; mais,quand”la’ ca- tastrophe se dechaine, la pensee est emportee en désordre, submergee, noyee, et la narration devient clas- sique,les propos des personnages ont ltair de stuniformiser, Be déhorde- ment. du style se retrouve dans les pamphlet s ou Bernanos n'est plus li- mite par une intrigue,nt'controle par le comportement: de :ses personnages, Polemiste doue,il fonce en tous sens avec des affirmations aussi peremp- toires qutincontrélables,et une ver= ve tonitruante, I arrive toutefois que cette effervescence jaillisse des formles vigoureuses qui rappel- lent Charles PEGUY,. On 1'a dit de droite'a cause de la Grande Peur des Bien—Pensants; on l'a dit de ™ gau- che " a cause des Grands Cimetieres Sous la Iune,En realite, il est cone tre toutes les veuleries qui dimi- nuent l'homme et les tyrannies qui l'oppriment., Il croit a la valeur et a l'efficacite des coeurs purs:" ‘Au- jourd"hui, comme il y a 20 siecles, il stagit de savoir qui l'emportera de la Justice selon 1'Ordre, ou de 1'Ordre selon la Justice ".( Lettres aux Anglais, p. 205). Et il précise, la Justice selon 1'Evangile.L'Eglise doit travailler a former des hommes qui sachent. vivre avec plenitude et heroisme dans l'exaltation des ver= tus chretiennes, ( A SUIVRE ) wiste et continuera _ non . loin du vieux Montmartre, Depuis toujours, l'image des vieux souvenirs’a hante l'esprit des ames sensibles, leur permettant d'i- maginer longtemps ce qu'elles ont vu ou lu, avant que la realite presente vienne changer l'aspect des choses et leur susciter regrets et decep= tions. Generalement le Passé,a quelque: domaine qu'il appartienne, est un foyer’ de reminiscences pour tous ceux qui aiment se remettre en la memoire certains lieux connus jadis et frequentés au cours d'un voyage, avec les mille et une souvenances qui s'y .rattachent; comme les bons moments vecus dans une atmosphere a= greable, lesquels apres bien des an- nees ecoulees, ne sauraient etre oublies. Neanmoins, si le temps inexora- ble fait son oeuvre, la vie .egale- ment. se charge d'opérer maintes et maintes transformations, et les é= tres humains qui, ‘pdéur la plupart ne sont jamais en reste jorsqu'il stagit. de detruire ou de modifier les vieilles traditions du passe, font aussi leur part et apportent u- ne large contribution dans ce que l'on peut appeler la. disparition d'un idéal symbolisant a la fois un endroit reconnu pour ses coutumes anciennes et typiques, le decor ap= proprié aA son histoire comme a ses moeurs, et dont parlent. et s'inte- ressent méme ceux ne l'ayant jamais vu de prés, Iei ou ailleurs,c'est-a-dire en dehors de notre continent,le cas est @ peu pres semblable quoique presen= te sous d'autres formes,mais qui ex~ de bouleverser l'texistence aussi bien que les home mes, pour supprimer les fagons anti- ques qu'hier encore on appreciait et déesirait conserver. Ctest le destin des choses terrestres; il travaille aujourd'hui contre ce vieux et le= gendaire quartier latin bien connu, situe sur la rive gauche de la Seine a Paris,et qui fut naguere le repai- des artistes et des gueux, L® owla vie de boheme s'texercait librement, cfest une autre ambiance qui la sup= plante peu a peu,jusqu'au jour assez proche ou elle cessera d'etre, Deéja elle s'est transformee pour se plier aux exigences de l'heure, et suivant les dires des gens bien pensants qui la connaissent et deplorent. son a= - bandon, elle fitest plus la méme et finira bientot par y predre son ca= chet. 3 : . Les:jeunes artistes et musiciens ont cherche refuge sur l'autre rive : dans un edifice nouvellement construit a la moderne et qui les abrite avec leur petit bonheur.Et tout a change, LE PASSE S'ETEINT par Guy NEMER jusqu'aux traces de ces infortunes nombreux qui, aux jours d'antan, ant su vivre en ces parages et lutter contre la mort, dans cet esprit de conservation propre a la nature hu- maine, Que de poetes et dtécrivains, par la suite devenus célebres, au- ront connu la misere, la faim, le froid au fond d'un grenier poussie= reux ou d*un sous-sol insalubre, a= vant d'acquerir la gloiresQue de mu= siciens au talent prodigieux, vivant au jour le jour, narguant pour ainsi. dire lfinfortune, auront cree des chefs-dtoeuvre,et seront disparus a= vant de recevoir le tribut posthume decerne A leur merite genial} Des peintres de renom venus de toute part, auront aussi immortalise le quartier latin peuple de taudis, d'étres médiocres ou minables, et qui aujourd'hui disparaissent gra= duellement, Et cette métamorphose se fait si brusquement, a un rythme si rapide que les Francais méme cheze eux, ne semblent pas st'en rendre compte,A l'instar des autres pays ou l'on chambarde les moeurs et coutue mes, la rive gauche de la Seine su= bit inevitablement ltinfluence de lfamericanisme qui s'implante et que la population frangaise si peu prete dtordinaire a accepter la rénova= tion en ses lieux historiques, tole- re et approuve sans faire objection. Ctest; ainsi que l'on voit une librairie de St-Germain-des-Prés de- venir une boutique a l'intention des dames, Depuis un an prés, le magasin Drugstore donne le tons c¥%est une réplique d'un grand etablissement ultra-moderne americain, On dit en- core qu'il y a un engouement inter- national pour tout. ce qui est ane glais ( le Separatisme n'a pas. cours la-bas ), Des gratte-ciel s'élevent dans Montparnasse, et plusieurs ma= gasins offrent en vente des véte= ments pour hommes et femmes aux mé= mes rayons, les existentialistes qui depuis quelques années étaient si nombreux dans le quartier latin, ont. fiche le camp pour amenager leurs ay, studios ou etablir leurs peénates ailleurs. ., % Et voila comment il arrive qu'un bel endroit change de visage et perd en peu de temps le caracte=: re impressionnant qui le rendait u- nique en son genre et memorable aux yeux de tout le monde, dans le pays auquel il appartient. la vie conti- nue,mais la vie de boheme n'est plus ce qutelle étaitgelle a disparu sans doute pour ne pas revenir. Dans les plis soyeux de son ombre vaporeuse, le Passé steteint doucement, et: de~ main on oubliera peut-etre qu'elle a exister ailleurs qguedans le roman -ou l*opera.. ia