— Vous connaissez le proverbe « l’enfer est pavé de bonnes intentions » ? — Oui ! Mais quel est le rapport avec notre chauffeur de bus ? — Je parle du méme sujet : l’homme a besoin de convictions, la religion, la politique les lui procurent. Depuis quelque temps, les sciences se sont substituées aux religions, 4 la philosophie, aussi le peuple cherche-t-il son credo dans les revues scientifiques qui pourtant, on l’oublie parfois, présentent leurs résultats sous forme statistique et non pas comme un fait absolu. — Par exemple ? — Par exemple, il existe une relation entre le cancer du poumon et la consommation du tabac. Une simple relation statistique devenant, dans l’esprit du commun, « fumée égale cancer ». Ainsi, le coup de poing recu tout a l’heure, c’était vraisemblablement pour mon bien. II m’aurait tué, on rejoignait |’absurde. — Ah ! Oui, je vois : « je vous tue pour mieux protéger votre santé », amusant ! — Peut-étre pas pour tout le monde. Si vous le prenez de la sorte, la partie la plus désopilante de cette fable serait que la perpétuelle quéte de certi- tude chez l’homme devrait résulter en une constante récurrence de 1l’ex- trémisme. Je vous l’avoue, j’ai peur d’entendre dire : « Je suis absolu- ment convaincu d’étre dans le vrai ». Dans ce cas, ma premiére réaction est de fuir. — Je comprends ! Aprés l’inquisition et les guerres de religions, le natio- nalisme, le fascisme ou le communisme, on doit s’attendre a tout. Allez savoir, le socialisme obligatoire et la démocratie forcée ? On verrait alors des pays en envahir d’ autres pour leur imposer I’écologie et le féminisme en garniture de la démocratie. Hilarant ! ... ne serait-ce pas ce qui se passe déja ? On en reparlera dans vingt ans. Les nouvelles générations s’en- tendront pour dire combien nous étions inconséquents, que, soi-disant civilisés, nous montrions encore des comportements _ barbares. « Imaginez-vous, tuer pour d’inacceptables idéologies ? » Ils l’annonce- ront, empreints d’un grand sentiment de satisfaction, car ils seront malins et riches de l’expérience du passé ; sans toutefois en parler trop, occupés qu’ils seront de se battre pour imposer de nouvelles doctrines, des dog- mes inédits. L’élégant continuera de fuir les certitudes assénées A |’ aide de convictions musclées et moi, si je déambule toujours dans ma rue, j €gayerai mes journées longues en cannibalisant de délicieux cygnes A la créme. Si ces derniers ne sont pas interdits par la loi, le sucre et le choles- térol sont si dangereux pour la santé. Jean-Lebatty, Victoria (C.-B.). | 15