RUBRIQUE LITTERAIRE Le temps qui m'a manqué de Gabrielle Roy, autobiographie, Editions Boréal, 1997. Ce court volume est la suite de La détresse et l'enchantement, paru en 1984, livre dans lequel Gabrielle Roy retracait sa vie a partir de son enfance jusqu'en 1939, moment ou elle est rentrée d'Europe et s'est installée 4 Montréal. La détresse et l'enchantement devait faire partie d'une autobiographie compléte mais la maladie a empéché la romanciére de poursuivre son oeuvre qui reste inachevée. La centaine de pages du Temps qui m'a manqué, datant de 1981, sont les derniéres que Gabrielle Roy a écrites deux ans avant sa mort; le texte de cet ouvrage a été établi d'aprés la derniére de trois versions manuscrites car elle n'a pas eu la force de les dactylographier. Il correspond a la vie de la romanciére durant les années 1939 a 1943 mais se centre surtout sur le décés de sa mére, Mélina, survenu en juin 1943. La premiére partie évoque le long et déchirant voyage en train de Montréal a Saint-Boniface entrepris par Gabrielle Roy; elle se rend aux funérailles de sa mére qui malheureusement est morte avant qu'elle n’ait eu le temps de venir la voir. Gabrielle ne peut tolérer l'idée que sa mére ne recevra jamais sa derniére lettre dans laquelle elle lui annongait joyeusement que leurs soucis d'argent étaient terminés car elle venait d'obtenir un contrat avantageux avec Le Bulletin des Agriculteurs; sa mére ne saura pas non plus qu'elle s'engageait a s'occuper de sa soeur Clémence, incapable de vivre seule: "Sois sans inquiétude au sujet de Clémence...quoiqu'il arrive je prendrai soin d'elle..." Dans la deuxiéme partie, Gabrielle Roy se rappelle les douloureuses funérailles de sa mére ainsi que les retrouvailles avec un frere et ses soeurs: Clémence qui vivait avec la mére, Anna habitant Saint-Vital, Germain, venu de la Saskatchewan, Dédette de son couvent de Kenora, Adéle, enfin, arrivée la deriére du nord de l'Alberta. Une fois Dédette repartie, les quatre soeurs, Adéle, Anna, Clémence et Gabrielle passent prés d'une semaine ensemble dans la maison d'Anna. D'abord, elles se trouvent solidaires dans leur malheur d'avoir perdu leur mére; assez vite pourtant, elles se sentent incapables de s'accepter l'une l'autre, et Gabrielle s'enfuit 4 Montréal:". je ne pouvais pas plus qu’avant mon voyage en Europe supporter l'atmosphere de tiraillements que je retrouvais dans ma famille." Dans la quatriéme et derniére partie, Roy raconte comment, a peine arrivée a Montréal, elle demande a faire un reportage en Gaspésie pour Le Bulletin des Agriculteurs, Elle s'installe a Port- Daniel comme pensionnaire chez Bertha et Irving McKenzie, des gens trés accueillants; 1a, elle trouve dans l'écriture une raison de continuer a vivre, une sorte de panacée a la profonde déchirure causée par le départ de sa mére. Elle se remet a travailler 4 son manuscrit de huit a neuf cents pages qui allait devenir son premier roman, Bonheur d'Occasion, paru en 1945 et dédicacé a Mélina Roy. Peut-étre qu'en offrant ainsi Bonheur d'occasion a sa mére, Gabrielle Roy essayait de rattraper ce temps qui lui avait manqué de venir la voir une derniére fois. Monique Genuist