Le vendredi 12 décembre 1997 3 | 1 | | SS SQ)LEIL Les contours politiques d’un Québec indépendant Visite de Gilles Duceppe 4 Vancouver De passage 4 Vancouver la semaine derniére, le leader du Bloc québecois Gilles Duceppe, qui terminait: une tournée de quelques jours dans POuest du pays, était Pinvité du « peut déjeuner » hebdomadaire organisé par la Chambre de commerce franco- colombienne. Devant un auditoire francophone, le chef du mouvement souverainiste a renus en perspective Toption de son parti sur l’échiquier politique national tout en tragant également les grands traits des futures relations entre un Québec indé- pendant, la francophonie _ hors Québec et le reste du Canada. uelques mois avant les élections provin- ciales prévues pour Pannée prochaine au Québec et l’im- minence d’un trol- sitme référendum dans la « Belle province », la visite du leader du Bloc coincide avec la tenue en Colombie- Britannique, et ailleurs au pays, de commissions pro- vinciales dans le prolongement de la conférence des premiers ministres des provinces anglophones qui s’est tenue Vété dernier & Calgary pour trouver une issue au statu quo constitutionnel. La tournée de M. Duceppe est le premier voyage dans |’Ouest d’un chef politique souverainiste sié- geant & Ottawa depuis celle de son prédécesseur, Lucien Bouchard, en 1995. Le chef du Bloc est venu prendre le pouls politique de ces provinces et en méme temps porter le message souverainiste aux nautés francophones vivant en Alberta et sur la Céte du Pacifique. commu- Lors du petit déjeuner de la Chambre de commerce franco- colombienne, M. Duceppe a évoqué la premiére étape de sa tournée avant d’aborder la portion britanno-colombienne de son voyage. L’escale a4 Calgary s’est trés bien déroulée, beaucoup mieux qu’il ne avait entrevu, selon le chef du Bloc. Il a rencontré divers organismes qui se sont montrés plutdot réceptifs face 4 Véventuelle séparation du Québec. UN QuEBEC INDEPENDANT DEFENSEUR DE LA - FRANCOPHONIE Un Québec serait plus 4 méme de venir au secours de la francophonie canadienne, selon M. Duceppe, qui entrevoit la souverain séparation comme le début d’une plus grande marge de dun état nome en mesure d’instaurer manoeuvre auto- une politique de protection de la minorité linguistique franco- phone au Canada. Les louvoie- ments d’Ottawa, qui s’ap- plique 4 perpétuer la vieille stratégie du « diviser pour mieux régner », se traduisent aujourd’hui par une kyrielle de barriéres empéchant, précise-t- il, Québécois et francophones du reste du pays d’étre des alliés naturels soucieux de leur survie collective. Un Québec indépendant doté des instru- ments de sa politique inté- rieure et extérieure contribue- ra au rayonnement de la culture frangaise en Amérique du Nord, rajoute M. Duceppe, grace aux mesures qui viendront appuyer cette ambi- tion. Pour ce faire, le Bloc québécois, tout en dénongant les injustices que subissent les communautés francophones au Canada, réitére que « la souveraineté du Québec ne se fera pas contre les franco- phones hors Québec mais au contraire pour la francophonie en général ». Dans une perspective d’indépendance, le chef souverainiste invite les communautés francophones & réfléchir dés & présent sur le modéle de partenariat qu’un Québec souverain pourrait instaurer avec le reste de la francophonie canadienne. I] préconise la mise sur pied de commissions bilatérales ayant Pagrément d’Ottawa. Les champs de compétence de ces structures se déclineront dans des domaines aussi divers tels que l'éducation, l’économie, la communication, la culture, la formation... PAS DE REFERENDUM EN DEUX ETAPES La position du BQ, a Pidée de tenir un référendum pour déterminer si les Québécois se définissent comme un peuple, suit la méme ligne que celle adoptée par le premier ministre Bouchard. Le leader du Bloc préfére mettre accent sur le fait qu’il n’y aura.qu’un seul référendum. M. Duceppe précise que cette ouverture aurait pu étre envisagée mais qu’il ne s’agit, au fond, que d’une solution parmi d’autres qui laissent place au débat ainsi qu’& la discussion, éléments sur lesquels il insiste pour spécifier le degré de démocratie au sein du Parti québécois. De plus, il n’y a aucune raison de croire que cette proposition incitera les indécis & se rallier au camp adverse. Dans la méme foulée, il reste convaincu que le Québec conservera ses fron- tiéres actuelles lorsque la province deviendra un état souverain, principe qui, selon lui, fait partie de la succession d’état. Pour ce qui est des Autochtones, il se dit confiant que les membres Premiéres Nations seront, le moment venu, préts & négocier. « Le Québec, de rappeler l’orateur, est la province qui a le plus transigé avec les Autochtones. On a seulement qu’a penser a l’entente de la Baie James ot le gouvernement leur a prodigué des services dans le domaine de la santé et de l’éducation. Ils jouissent en plus d’un “ Self Government ” 4/intérieur méme somme, M. Duceppe affirme que le Québec écoutera avec attention leurs revendications et quils pourront trouver un terrain d’entente malgré le fait que les Autochtones aient voté & 95 % contre le référendum de 1995. RENCONTRE AVEC LA FRANCOPHONIE INSTITUTIONNELLE Le séjour de M. Gilles Duceppe & Vancouver a été occasion aussi pour le chef du Bloc québecois de rencontrer des représentants de le communauté francophone de la province, notamment Mme Diane Coté, présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique. L’entretien, qui s’est déroulé peu aprés le petit déjeuner, a porté sur les enjeux auxquels la communauté francophone est confrontée dans un milieu majoritairement anglophone. Madame Cété qualifie sa rencontre avec le leader du mouvement —_ souyerainiste comme un échange tout & fait courtois avec en toile de fond les inquiétudes des Franco- Colombiens advenant la séparation du Québec. M. Duceppe est revenu sur les intentions que le gouver- nement du Québec entend poursuivre lorsque celui-ci possédera un contrdle absolu de tous champs- de compétence dont ceux, entre les autres, qui sont aujourd hui sous la tutelle du fédéral. Toutefois, il ne suffit pas seulement, affirme la prési- dente de la Fédération, de véhiculer et vanter les actions futures qu’un Québec souve- rain sera en mesure d’accom- plir pour protéger les diffé- rentes communautés franco- phones. Au _ contraire, il faudrait dés maintenant faire respecter les droits des francophones vivant hors du Québec. .A propos de l’attitude de Victoria envers la communauté francophone de Colombie-Britannique concernant la consultation constitutionnelle, M. Duceppe considére, en effet, que les propos du premier ministre Glen Clark sont tout a fait « inacceptables ». Au Québec, souligne-t-il, le gouver- nement tient compte de la minorité anglophone qui posséde des droits collectifs, comme les droits scolaires par exemple. Il est certes indigne de croire que le gouvernement québécois abandonnera les francophones vivant a |’exté- rieur de la province suite a la séparation du Québec. I] ne devrait guére y avoir une diminution des subventions en provenance d’Ottawa. Le gouvernement fédéral main- tiendra sa contribution moné- taire alors que le Québec sera dans une meilleure position pour subvenir au besoin des minorités francophones. En revanche derniers « devront défendre leurs droits et dénoncer les injustices posées a leur égard ». ces « Le degré de dévelop- pement des francophones reléve avant tout de la détermination du gouver- nement fédéral & poser des gestes réalistes. Le point de départ se situe au niveau de la volonté du gouvernement canadien de concrétiser ses engagements et de faire respecter les droits des minorités francophones & l’in- térieur des provinces anglo- communautés ‘phones. Il s’agit ici non pas dune question d’ordre moné-- taire mais plutét d’ordre politique », affirme Mme Cété. Le BQ est certes le premier en Chambre a se lever pour défendre les intéréts des francophones lorsque des injustices sont commises & leur endroit, comme le souligne M. Duceppe. Par contre, méme si ce dernier insiste sur le fait que le Québec, une fois devenu un état souverain, possédera plus de moyens pour favoriser Pépanouissement des commu- nautés francophones, il ne détiendra en revanche aucun pouvoir d’action sur le gouvernement du Canada. La situation des anglo- phones qui habitent au Québec est différente puis- qu’ils se trouvent en quelque sorte protégés par l’immense bassin nord-américain. Le fu- tur pays se dit prét 4 soutenir les francophones hors Québec mais Mme Cété mentionne le fait que le Bloc québécois emploie le terme « assimilation » pour faire référence 4 leur situation attribuant ainsi une connotation négative aux mi- norités francophones qui sont alors percues comme un peuple en voie de disparition. L’important, selon la prési- dente de la Fédération, sera de « garder les canaux de communication ouverts » si le Québec décide de quitter le Canada. Les rapports entre le mouvement souverainiste québécois et les minorités francophones se mesurent & Yaune d’une balance tout de méme assez équilibrée. La conviction inébranlable des souverainistes d’étre plus utiles au reste de la francophonie en dehors du grand ensemble canadien se jouxte a l’incer- titude de la _ minorité francophone qui craint que le départ d’un Québec francais vienne pour de bon signer Varrét de mort de la dualité linguistique au Canada, et par ricochet rendre caducs leurs droits légitimes de peuple fondateur. Le message de Gilles Duceppe aux commu- nautés francophones est on ne peut plus clair. Accompagnez- - nous, le grand saut est imminent et nous nous hat- trons en retour pour améliorer votre sort, pourrait-on dire en substance. MaMapbou GANGUE MANON POULIOT