PAGE 12 Long live America ! L’ANSE-AU-SABLE Robert Momer En octobre dernier, voulant changer d’air, aprés avoir compté nos sous, ma femme et moi décidames de retourner, aprés les fétes de Noél et du Jour de 1’An, 4 Morro Bay charmante station balnéaire située 4 mi-chemin entre San Francisco et Los Angeles. Nous connaissions cet endroit enchanteur depuis prés de vingt ans et y étions allés réguliérement jusqu’au jour (en 2001) ot notre compagnie d’assurance m’annonca, qu’en raison de mon age, je constituais un risque et que la prime d’assurance-voyage, qui était alors de 2500 $, serait portée 4.... 6800 $. Le couteau venait de tomber. Adieu voyage ! Par bonheur, je fis la connaissance d’une personne bien informée sur le sujet qui me passa un tuyau qui marcha trés bien. Nous avions de nouveau les moyens de reprendre la route, ce que nous fimes le 2 janvier dernier. De bonne heure, ce dit jour, nous attel4mes donc notre caravane et mimes le cap vers Surrey, répondant a J’invitation d’amis de toujours. C’était sur notre chemin... La route fut excellente. L’échangeur (la 97C) contrairement 4 sa mauvaise habitude (durant l’hiver, il est générale- ment enneigé et dangereux) ¢tait plein de soleil, comme en été. Nous sommes donc arrivés sans encombre chez nos amis qui nous attendaient avec impatience. Comme nous ne nous étions pas revus depuis fort longtemps, la conversation fut animée pendant le souper. Nous étions en compagnie d’amis d’enfance. Tous des vieux, bien sir ! Des gens qui aiment ressasser le passé, afin de faire oublier le présent qui devient de plus en plus pesant, jour aprés jour. Surrey étant situé 4 deux kilométres de la frontiére américaine, nous y fiimes en quelques minutes, aprés avoir fait nos adieux 4 nos amis que nous reverrions au retour. Au _ poste frontalier, un panneau annoncait une attente de 15 minutes. Nous avions le temps... C’est enfin notre tour. « Where do you live ? » nous demande un douanier a l’air rébarbatif, portant un gros revolver 4 la ceinture. « In Canada. Sorry ! Westbank.” « Do you have a firearm? » « I firearm ! What for? » Le bonhomme mn’insiste pas. Nous ne sommes pas Américains, aprés tout, mais nous pourrions avoir des produits canadiens porteur de germes de maladies dangereuses ; de la viande beeuf, de la volaille ou des ceufs, par exemple. Nous en avions. Nous ne pouvions échapper 4 une fouille en régle. Nous remimes les clefs de notre caravane et van au gabelou, et attendimes patiemment dans la salle d’attente, son retour. L*>homme revint une dizaine de minutes plus tard portant dans un panier métallique le produit de sa fouille : 2 rétis de bocuf congelés, un poulet (également conge- 1é), une douzaine d’cufs et un saucisson sec. « Ce sont des produits interdits dans notre pays. Je vous les confisque, nous annonga |’employé des Douanes. » . Nous allions quitter les lieux, quand l”homme se ravisa et nous tendit le saucisson. « Je m’excuse, nous dit-il, je n’avais pas remarqué que votre saucisson était un produit Made in USA. » De retour dans notre véhicule, le fou-rire nous prit. Afin que le saucisson ne durcisse trop rapidement, ma femme l’avait enveloppé dans du papier ciré et bagué avec deux élastiques sur lesquels ont lisait : Produce of USA. D’ou provenaient les élastiques ? D’une téte de brocoli acheté des semaines auparavant, dans un supermarché... canadien. Le voyage se poursuit sous les meilleurs auspices ; le soleil brille et la pluie, habituelle compagne de voyage a ce temps-ci de l’année, est restée a mi-chemin entre la céte et les iles Hawai. Quand elle se manifeste, c’est le déluge. On lui a d’ailleurs donné un nom : le Pineapple express, en raison de son intensité. Aprés deux jours de route, arrét chez ma sceur qui habite a Davis, non loin de Sacramento. Notre joie de la revoir est mitigée, car elle souffre d’une grave maladie. « C’est la vie, nous dit-elle philosophiquement. » Elle a raison. Il faut bien partir un jour pour faire de la place a la génération montante, non ? Nouveau départ aprés un court séjour a Davis. Le soir méme, nous sommes au « Morro Bay State Park » ot une déception de taille nous attend : De récents réglements limitent la durée du séjour 4 10 jours par an. Nous y avions passé des vacances mémorables sans limite de temps, autrefois. Les grands eucalyptus qui embaument l’air, les tourterelles qui sérénades les visiteurs, les oiseaux qui venaient déjeuner en notre compagnie ; il fallait faire une croix sur tant de bonheur et aller ailleurs. Nous passémes donc une nuit dans le parc, car en plus du réglement, le prix du site avait triplé en moins de cing ans. La chance nous sourit quand méme, car nous trouvdames un terrain de camping, non loin du parc, 4 un prix acceptable et un service courtois. Pendant tout notre séjour, ou presque, le soleil fut de la partie au point ot les fraisiers se mirent a produire, dés la mi-février. Jolies les fraises, mais pas bonnes du tout ! Nous en avons acheté un casseau et avons été trés désappointés. Elles avaient un gofit étrange. Traitées aux hormones, sans doute. Vive les fraises de Okanagan ! Et le temps passa... . La date du retour, fixée au 22 mars, atriva sans que nous ne nous en rendimes compte. Notre bonheur eut été complet si, une semaine avant notre départ, une série d’événements tragiques ne vint assombrir nos vacances, jusqu’a la merveilleuses. Sans raisons apparentes, un forcené pénétre dans un restaurant local et abat trois clients, avant de se loger une balle dans la téte. Le lendemain un jeune homme armé, dans la vingtaine, veut s’emparer dune voiture. Par malheur, ’homme au volant est un policier en civil qui dégaine son arme et fait feu, un peu au hasard, tuant le jeune homme et deux passants. Fini, l’hécatombe ? Non ! Peu de temps aprés le précédent incident, une Porsh lancée a plus de 200 kilométres 4 l’heure, dans laquelle avaient pris place cinq jeunes gens, alla finir sa course folle contre un chéne-vert. Bilan : 12 morts. C’est comme ¢a qu’on vit, en Amérique ! Le pays de 1a démocratie, de Véquilibre et de la liberté par excellence, affirme son président, le plus sérieusement du monde. II est vrai qu’on a le droit de ne pas étre de son avis...