Arts et Spectacles 19 Robert Morin: on ne sort jamais de prison ommentun film aussi conven- tionnel que Requiem pour un beau sans coeur a-t-il bien pu remporter le prix du meilleur film canadien au Festival de Toronto cette année? Cette histoire d’un dangereux malfaiteur évadé de prison et qui se met 4 |’abri des policiers pourrait, au pire étre qualifiée de polar mal ficelé et, au mieux, d’étude psychologique sommaire et interminable d’unpsychopathe. Les situations comportent tous les clichés du genre, le registre de langue employé pour les dialogues frise la caricature. Rendons tout de méme hommage 4 |’intéressante prestation du chanteur Gildor Roy et 4 quelques trouvailles du réalisateur Robert Morin, comme . Pemploi systématique du procédé de la caméra subjective. - Le Soleil de Colombie: A quel genre appartient Requiem pour un beausans coeur, si vous deviez le classer dans une catégorie? - Robert Morin: Peut-étre un drame psychologique...(hésitations)...un polar manqué? La structure est inspirée d’une enquéte que j’avais faite auprés de personnes qui avaient connu Richard Brass (ennemi public n°1 au Québec dans les années 70, NDLR). Chacunavait une opinion différente et on ne porvait en faire un portrait unique. - Quelle a été votre principale d’inspiration 4 part le cas de Richard Brass? - C’est avant tout Jacques Mesrine (ennemi public n°1 en France, tué par la police dans des circonstances toujours mal connues, NDLR). J’avais réalisé en 1988 une vidéo expérimentale, La réception, sur le modéle de Dix petits négres d’ Agatha Christie. Javais- réuni des détenus qui Sortaient de prison pendant dix jours dans une maison. Chaque jour, l’un d’entre-eux “disparais- sait”. Les gens qui ont connu Ia prison vivent avec cela toute leur Robert Morin: "Si mon film avait été en anglabe la salle aurait sans doute été pleine" vie et ilest trés difficile poureux de s’ensortir socialement et psycholo- giquement. C’est un peu comme Régis Savoie (nom du héros du film, interprété par Gildor Roy, NDLR) qui s’évade de prison et qui se construit une autre prison. - Vous avez recours a de nombreux clichés tout au long du film... - Tout le film est construit 4 partir de clichés des films du genre mais ils partent en queue de poisson pour surprendre le spectateur. - Il y a certaines répliques qui sonnent plutét curieusement a notre époque, comme: “On a le choix entre la job a la shop ou le pénitencier”. Cen’ est pas un peu dépassé comme vision du monde? - Je n’ai pas voulu situer le film dans une époque précise car lorsqu’on est en prison, le temps est arrété. Le décalage temporel est voulu : aprés s’étre évadé, Savoie s’habille, écoute de la musique qui ne date pas de l’époque ot il se trouve. - Pourquoi avoir employé le procédé de caméra subjective? - Cela permet au spectateur de créer ses propres images, d’imaginer comment est celui qui parle. Comme le spectateur est habitué a |’alternance champ/ contre-champ, il en imagine un dans son esprit, sinon cela manquerait. - Votre film sera-t-il distribué a Vancouver? - Je ne pense pas. Voila vraiment les deux solitudes du Canada : les films du Canada anglais se ramassentau Québecet vice-versa. Si mon film avait été en anglais, la salle de cinéma aurait été pleine hier (la salle du Ridge était remplie au quart environ, NDLR). Propos recueillis par Renaud Hartzer Léolo, meilleur scénario éolo dans les salles octobre. partir du 3 Le cinéaste québécois Jean- Claude Lauzon a remporté le prix Rogers Communi- cations du meilleur scénario canadien au Festival inter- national du film de Vancou- ver pour son film Léolo, qui avait déja emballé la critique au Festival de Cannes en mai dernier. Léolo sortira dans les salles de Vancouver le 23 octobre prochain. Le jury du Festival de Vancouver a également souligné “le travail novateur de qualité” de Robert Morin, réalisateur et auteur du scénario de Requiem pour un beau sans-coeur. - & exprimer “l’incommunicable”, a Exprimer 'inavouable eanne Labrune décortique avec passion ce qu’elle dé- nomme «la vérité des sentiments». Avec Sans un cri, son dermier long métrage, présenté au Festival international du film, la réalisatrice explore les relations pére- fils et la progressive décomposition d’un couple. Pour Jeanne Labrune, le défi consistait 4 montrer 4 |’écran des sentiments qui ne peuvent S’avouer, ceux d’un pére jaloux des relations que son fils entretient avec la mére. “Paradoxalement, } plus on se sent civilisé, plus on a envie d’utiliser le langage, plus ona du mal a dire des choses qui paraissent incongrues, voire obscénes. Ce sentiment de jalousie d’un pére a l’égard de son fils, cela fait partie des choses qui ne se disent pas” explique la réalisatrice, également auteur du scénario. Voila pourquoi Jeanne Labrunes’ est attachée a ”aborder le silence brutal comme couvercle au-dessus des sentiments”. Un silence loin d’étre vide de sens, un silence de douleur. C’est donc au travers du chien, dont le pére et l’enfant se disputent l’affection, que les personnages expriment leur rivalité. “Au départ, le chien est un élément des plus banals : il comble la solitude du pére mais devient spécial par ce que les humains disent a travers lui” précise Jeanne Labrune. Tout en pudeur, en regards et en gestes qui en disent bien plus long que d’interminables paroles, Sans un cri est une tragédie familiale od la tension s’accroit peu a peu pour parvenir _ aT effroyable dénouement. Le jeune Nicolas Privé (agé de sept ans) campe avec beaucoup de spontanéité un petit gargon maladif et perturbé. Au cours du tournage, Jeanne Labrune ne luia pas expliqué l’ensem- ble du scénario “pour ne pas qu’il s’imagine son personnage d’une certaine fagon” et lui a donné des indications scéne par scéne. Lio, surtout connue comme chanteuse rock, est utilisée avec bonheur a contre-emploi dans le réle de cette femme en détresse. Jeanne Labrune, qui a remporté le prix de la jeunesse au Festival de Cannes pour Sans un cri, continuera 4 s’adonner a l’exploration des sentiments humains avec un long métrage sur histoire de Vatel, cuisinier du prince de Condé au XVIéme siécle, qui s’était suicidé pour n’étre pas parvenu 4 préparer le repas de poissons qu’ il avait promis a son maitre. “J/n’y aura pas de suspens puisque tout le monde connait la fin mais on ne sait pas comment le cuisinier en est arrivé la” annonce Jeanne Labrune, qui vient de terminer le scénario. Le tournage de Vatel ou le vertige devrait débuter |’été prochain. Renaud Hartzer co-présentation de TH THEATRE LA SEIZIEME THEATRE PRODUCTIONS ASSOCIATION La premiére production a Vancouver d'une oeuvre de Robert Lepage vedette internationale du théatre québécois texte de Robert Lepage et Marie Brassard du 21 au 31 octobre Vancouver East Cultural Centre 1895 rue Venables Information et réservations 254-9578 straight Le Soleil de Colombie 20h30 Le Soleil-de Colombie - Vendredi 16 octobre 1992