l he a ne ne nn Pe CO cn oe Le Soleil de Colombie, vendredi 24 aout 1990 - 13 VOYAGES Suit une pfomenade au hasard. En tournant un coin de rue, nous apercevons un arabe ligoté, bousculé brutalement comme une ‘honte publique. Il est suivi de policiers munis de matraques et d’une petite foule haineuse. Son crime: s’étre saoulé puis battu avec un autre arabe qui a dd étre hospitalisé d’urgence. «Les Indiens ne se vengent que de cette maniére par peur des_ représailles», affirme un ami dela victime. On immobilise maintenant le cou- pable pour mieux |’injurier. Visage pitoyable inondé de sueurs. Le sang coule le long d’une jambe. Triste spectacle. Plus tard, une bagarre éclate a l'autre bout d’une rue. Les badauds accourent. Nous accé- lérons le pas. Rien de sérieux. Nous faisons la connaissance d’un agent de voyage qui a tdt fait de proposer que nous nous rendions a son bureau pour bavarder. Allons-y. Hollywood de |’Inde Bureau modeste aux nom- breuses affiches alléchantes. Assis confortablement, nous écoutons notre Indien raconter d’abord sa version de |’assassi- nat de Mme Gandhi -survenu il y atrois mois. Fort intéressant. II nous parle ensuite de |’impor- tance de l’industrie cinémato- graphique en Inde: de 500 a 600 longs métrages par année, dont “prés de la moitié produits a Bombay. (A en juger par ceux ~.que je verrai a Pondichéry, ces films~-représentent trois ou quatre heures d’évasion mélo- dramatique dans des pays de cocagne ou s’enchainent pitre- ries, chansons, danses_ et aventures —_invraisemblables: mélange extravagant de tout et de rien. La vie d’une multitude d'Indiens - pour la plupart illettrés - n’est pas particuliére- ment agréable; les producteurs en sont bien conscients. Leur objectif: |’évasion, rien d’autre.) «On vend a travers le pays, ajoute /’agent de voyage, plus de 10 millions de tickets de cinémapar jour!» Je suis frappé ensuite par l’insistance quill met a décrire ses compatriotes comme des gens faciles a corrompre. Volubile et passion- né, cet Indien. Retour a l|’hdtel. Deuxiéme nuit chaude et humide, inter- rompue, tét le lendemain, par un cauchemar infesté de rats et . de corbeaux. Une douche froide me remet les esprits en place. Vers 7h00, nouvelle traversée de lamer humaine jusqu’au lieu du tournage. En cours de route, un Anglais me convainc facilement de déménager avec lui, cesoir, a |’Armée du Salut, au coeur des quartiers les plus défavorisés. «/l en codte moins d'un dollar la nuit, me dit-il, et cela nous rapprochera des masses et des réalités qu’elles vivent.» Il m’apprend que Bombay est la patrie du romancier et poéte Rudyard Kipling. © De retour au Sea Shore Hotel, en début de soirée, je prends bientdt un autobus bondé, sacs au dos et en bandouliére, pour aller me perdre avec ce compagnon anglais dans les bas-fonds de Bombay. Location de grabats: 4$ pour 6 nuits, mise de nos effets personnels sous cadenas (je mesers pour la premiére fois de celui, a combinaison, qu’une Ontarien- ne m’a donné en Tunisie), et nous voici installés. (En reprenant mon journal, en fin de soirée, j'ai eul'impression d’en avoir trop vu pour parvenir a rendre fidélement «bouillonnement» de vie indien- ne dont je venais d’étre témoin. Je ne m’en tiendrai forcément ici qu’a ce qui a jailli spontanément dema mémoire a mon stylo). Fourmillement humain D'abord, repas d’urgence (parenthése dans mon journal: «Mange comme cochon, 1$»!), puis, longue promenade a l’aventure. Petit dépotoir nau- séabond, vaches faméliques, charrettes, innombrables rick- shaws motorisées ou a pédales, un... million de piétons, marchands ambulants, infirmes mendiants... Plus d’un crache par terre ou se mouche avec ses doigts. La gent féminine porte d’élégants saris aux couleurs souvent vives Ou de courtes blouses ajustées autour de la poitrine - laissant a nu la partie La porte de inde a Bombay. inférieure du buste. La plupart des hommes, eux, portent le traditionnel lengua, tissu atta- ché simplement autour de la taille. Se cdtoient mille et un petits commerces et métiers, survie d’un grand nombre, qui serait sans cela réduit ala mendicité. Ateliers de fabricants de clés sur le trottoir, «salons» de masseurs, «cabinets» de débou- cheurs d’oreilles (petites cuil- lers d’argent et arsenals de flacons d’huiles parfumées), cantines du macadam, échop- pes de cordonniers... Va-et- vient continuel dans toutes directions. Nombreux porteurs ‘ d’eau. Ce fourmillement humain me rappelle les documentaires sur [Orient des anciennes émissions religieuses de Radio- Canada. Ici, on jette des déchets dans un vieux camion a l’aide de paniers. La, cinq aveugles «agglutinés» chantent une complainte a fendre |’ame. Fidéles prosternés devant des idoles. Une famille s’installe déja sur un trottoir pour la nuit, lair résigné. Fruits et l|égumes aux formes. bizarres. Un le grand: -de leurs particularités était O Bombay! marchand de pans (feuilles .d’arbres pliées en quatre sur diverses essences que |’on suce comme un bonbon), assis en yogi, bien entendu, parvient a nous faire essayer ce mastica- toire sucré qui macule de rouge les trottoirs. Délicieux. Certains vendeurs semblent nous voir venir de loin... Nous nous arrétons pour boire chacun deux «limca», le Seven-up de |’Inde. Sage et bidis | Un petit vieux rachitique assis sur ses talons, dos contre un mur, fait signe de nous approcher. Odeur de marijuana. ll nous offre des_ bidis (cigarettes brunes), que nous acceptons, puis nous invite a partager sa pipe - typiquement indienne. _Mon compagnon n’hésite pas un _ instant, y prenant vite godt. A mon tour. Pas facile a «piper, ce machin. Indien et Britannique ne cachent pas leur amusement devant ma maladresse. Forget it! Le vieillard nous parle, entre autres, des Parsis, descendants des zoroastriens de Perse qui émigrérent en Inde a partir du Ville siécle pour échapper a la persécution musulmane. Une notamment de ne pas enterrer les morts mais de les exposer sur des «tours de silence» pour laisser les vautours les dévorer, évitant ainsi de souiller la terre... Je note également ce qu’il raconte sur |’extraordinaire adaptabilité des rats. «Comme l'homme, le rat peut se nourrir d’a peu pres n‘importe quoi et vivre a peu prés n'importe ou.» La répugnance a tuer qu’éprou- vent les hindous est trés forte, c’est pourquoi beaucoup d’entre eux sont végétariens. Le vieil Indien énonce ensuite, tout bonnement, des- principes de sagesse dignes des grands gourous, dont le mépris des biens de ce monde n’est pas le moindre. Fascinant, ce person- nage que le hasard a mis sur notre route. Jean-Claude Boyer Les mots croisés de Tima Sekkat PA WY CAS NP OLA aX 2X 1 2 3 4 Grille6 a 6 7 8 = 10 HORIZONTALEMENT : VERTICALEMENT: 1. Valables. 1. Pour le future. 2. Reconsidéré. - Démons-_ Il. _Ladrerie. - Premier navi- tratif. - gateur. 3. Langue internationale. 4. Existence. - Fin d’infini- tif. - Donne le choix. ‘Ill. Ele vient en mangeant. Dans une variété. 5. Elle gére l’administration § mence. financiére. V. Divinité de la mer. - 6. Fleuve de France. - Grande étendue. Erbium. VI. Chamois. - Située. 7. Doubleentéte.-Quin’est VII. Prénom féminin. pas vraiment snob. Vill. Teinte. - Mouvement 8. Pronon indéterminé. - — sinusoidal. Silicote naturel & contexture IX. Obéit. - Possessif. fibreux. X. Pronom réfléchi. - R6- 9. Régles ou conditions. - dent. Talent. 10. Rigoureusement. semaine derniére IV. Boeuf sauvage. - Com- a His. Ve ViVi VEE Xx 1 CINIQ@IUIJEITIE rE 210 |RIDI|U}RIEls p] 0 SINE EIS am rs Grille5 ‘|CLE}P MARS) | 1 Ia O 51}U { US OIR 6IRIAIPICIEIL JE MBVIA 7/Q/E}A|L Me BB Alulr B/E}; R MAIN P| OILIE SIN} eli |olé BBA Me E|U 1olr]Q)i |EMA AIT R pid or winetemmnetietel im Cw Wats . i | UN .GOUT VENU D/AILLEURS Un gott venu d’ailleurs, c’est un choix de magazines d’infor- mation, d’émissions de varié- tés, de dramatiques et d’événe- ments culturels internationaux. Un gout venu d’ailleurs, c’est l’Eurotélé, heureux téléspec- tateurs! L’Eurotélé, TV5*. *Consultez votre cablodistributeur pour la position de TV5. ; LA TELEVISION INTERNATIONALE DE LANGUE FRANCAISE v