19 FEVRIER 1971, IX. Se -__—-ae ee jis yyy HL TT UT CAEP CLD Wee a Gaal: eo) TET LO ee. 5 par LADISLAS KARDOS Avant que je ne commence mes commentaires hebdo- madaires, aprés la regret- table interruption de la pu- blication du ‘**Soleil’’, je vou- drais féliciter, pour la réap- parition du journal, tous ceux qui le font et qui le lisent. Comme l’oiseau Phénix se reléve de ses cendres, plus beau qu’avant le feu purifi- cateur, je souhaite - mais jen suis sQr - que ‘‘Le Soleil’? se léve d’une fagon brillante, si ce n’était que pour faire honneur 4 son nom. Car Nomen is Omen. Je pensais méme suggérer que le journal change de nom et qu’il se nomme dorénavant ‘¢ Phénix’’au lieu de‘‘Soleil’’. On aurait si bien pu jouer avec les mots et dire : Le Soleil se léve-t-il. comme l’oiseau Phénix? Ou alors : Voiseau Phénix se, léve-t-il comme Le Soleil / Ceci dit, je vous parlerai aujourd’hui de deux exposi- tions remarquables qui ont lieu actuellement 4 Vancou- ver. Celle de Jacques Shadbolt dans la Bauxi Gal- lery de Paul Wong et celle des. peintres naifs yougo- slaves dans la H-&S. Art Gallery de Madame Huning. Jacques Shadbolt : Shadbolt a réussi le tour de force de revenir sur lui- méme. Ce peintre de la Colombie-Britannique qui a si bien représenté cette pro- vince, couverte de foréts, cet éternel rythme de crois- sance et de décadence, cette végétation luxuriante et pourtant sobre et cet esprit _ de mystére mythologique et d’expansion moderne. Trop longtemps, Shadbolt n’a fait que suivre chaque tendance de la jeunesse, Cu- rieuse de trouver quelque chose de nouveau, alors que dans l’art il n’y a pas de nouveau, seulement l’explo- ration et l’interprétation du es a Were ee ees : Ssabelle ( Par Jacques Baillaut ‘ Turbulent, mais mélomane, le vent joue, joue de la gui- ( tare électrique dans les fils téléphoniques. e ( Isabelle, charmée, écoute ( sa musique qui lui parvient, mélée aux bruits de la ville... ( Comme le violoneux du hal villageois, le vent marque ( le pas et les sapins qui se - balancent en cadence, mur- ; murent le refrain qu’il leur ( souffle 4 l’oreille. ep en em es saa 0 i ae ae es réve nostalgique et éternel de l’homme, de parvenir 4 comprendre la création. Son exposition dans la Gallerie d’Art de Vancouver, l’année derniére, était une anthologie de tout de qui s’est passé dans le domaine de la peinture en Colombie- Britannique depuis vingt ans. Est-ce la trés grande sensi- bilité de Shadbolt quien était la cause ou une recherche de lui-méme, prouvant qu’il n’a pas eu confiance dans ce qu’il avait trouvé il y a vingt ans, et qui était pour- tant son véritable portrait. Ses couleurs, autrefois, étaient dans les gammes des verts, marrons et mauves, qui reflétaient si bien les couleurs de la nature. Les plantes qui poussent d’un vert brillant au printemps, pour se transformer en jaune et ocre et finalement en marron rougeatre et foncé pour servir de base et de compost a la nouvelle crois- sance. Les années que Shadbolt a passées en Europe, sur la Cote d’Azur et en Gréce, lui ont fait oublier ses cou- leurs natives. Il est revenu avec des couleurs vives, des roses, des bleus, des rouges... C’était plaisant 4 voir, mais on n’avait pas l’impression que Shadbolt était lui-méme dans ces cou- leurs. L’exposition chez Paul Wong est superbe. Les Shamans indiens sont pleins de mystére et d’une lumiére intérieure, et les oiseaux et les fleurs dans son jardin, sont les images exactes des émotions que nous ressen- ‘tons nous-mémes devant cette nature qui nous entoure et qui influence notre vie. J’espére que Shadbolt res- tera dorénavant ce qu’il est. S’il vivait pendant encore cent ans, il ne peindrait jamais assez dans songenre A lui, pour satisfaire les Chante, danse, dole du matin. Dansent les lumiéres, dan- se le pont des lions. Dansez, nuages, tant qu’il fini est temps... ce sera tourne et vole, c’est la grande faran- demandes d’un public qui est toujours A la recherche d’un artiste qui sait expri- mer ce qui vibre silencieu- sement dans l’Ame de cha- que homme. L’autre exposition est celle des peintres naifs de Yougo- slavie que Madame Huning a pu faire venir et qu’elie nous présente dans sa ‘eH. & S. Art Gallery’’. L’art de notre siécle a beaucoup appris des primi- tifs. Aprés l’aventure intel- lectuelle du cubisme, influ- encee par l’art négre et aprés celle du futurisme, inspiré par la technologie moderne, nous voyons un retour vers une conception simple, enfantine et non sophistiquée de notre monde. Le premier grand artiste de ce genre fut Henri Rous- seau, le douanier. Son art nous touche au plus profond de nous-mémes. Nos réves A nous, notre nostalgie du simple et en méme temps de l’irréel, s’expriment avec . une force irrésistible dans l’oeuvre de Rousseau. Inu- tile de dire que lorsque Rousseau exposa pour la premiére fois en 1886 dans le Salon des Indépendants a Paris, il fut rejeté par les professionnels, les critiques et les officiels du monde artistique. C’est un marchand de ta- bleaux génial, Wilhelm Udhe, un de ces Allemands pari- siens, plus francais que le roi, qui a découvert l’art primitif et qui a ‘‘fait’’ Rousseau, Louis Vivin, Jules Lefranc et d’autres. Le charme qui émane de la peinture de ces artistes est leur sincérité. Ce sont des amateurs. Ils peignent en dehors de leurs occupations, qui leur assuraient leur pain quotidien. De ce fait, ils ne se préoc- cupaient pas et ne se lais- saient pas influencer par les modes et les tendances de leur @poque et ne cher- chaient pas 4 faire du nou- veau qui ferait sensation. Vers la fin du dix-neu- viéme siécle, des peintres primitifs populaires se ma- nifestaient partout dans notre monde occidental, aussi bien en Europe qu’en Amérique. Ce sont des ouvriers et des paysans, de petits bourgeois et de petits employés qui peignent, non pas pour ven- dre, mais pour s’exprimer, pour dire ce qu’ils ne peu- vent pas mettre en paroles, car ils n’ont pas d’éduca- tion et n’ont jamais appris l’art de la conversation. C’est aprés la premiere guerre mondiale que le pein- tre de Zagreb Krsto Hege- dusic fonda le groupe Zemlja (Terre) dont les membres avaient un programme social et artistique commun. Ils voulaient que l’art, devenu trop intellectuel et sophisti- qué se rapproche 4 nouveau du peuple. C’est dans un village, Hle- bine, A cdte de Zagreb, en Croatie, que Hegedusic trou- va des paysans comme Generalic, Mraz, Vuiakliva, Gazi et autres, qui, les jours d’hiver et les dimanches, quand le travail dans les champs n’était pas possible peignaient, d’une fagon sim- ple, l’image de leur vie : ‘leurs maisons, leurs bétes, leurs travaux, leurs ma- riages, leurs réves... Chez l’artiste naif, la vie et l’art forment une entité indisso- luble. ; A coté de Hlebine en Croatie, un autre centre s’est formé en Serbie, a quarante km de Belgrade, Kovacica. J’ai visité ce vil- lage il y a quatre ans. La route de Belgrade 4 Kova- cica est la plus mauvaise route sur laquelle j’ai jamais été. Dans le village méme, une église baroque paysanne est gardée par la statue d’un partisan de la derniére guerre, fusil en main et l’air farouche et décidé. Dans la maison de la culture du village, il y a une exposi- tion permanente des peintres du village. Nous avons rendu visite A deux d’entre eux, Sokol et Martin Jonas. De vrais paysans, qui peignent dans leurs cuisines et qui nous ont offert des gateaux farineux, que nous n’avons pas osé refuser et qui se sont rappelés 4 notre sou- venir sur le chemin du re- tour, sur ces routes qui faisaient danser et cahoter notre voiture et nos esto- macs. Faire la connaissance de ces gens fut une expérience passionnante. Ils sont malins et rusés, mais sincéres, comme le sont leurs ta- bleaux. Et ils savent peindre. Leur technique n’est pas naive, mais leur art l’est. Je vous.conseille vivement d’aller voir cette exposition chez Madame Huning. Je se- rais curieux de savoir ce que vous en pensez. Les prix sont trés élevés. M@me des peintres paysans, auss) naives que soient leurs oeu- vres, désirent bien vivre et ils ne seraient pas sin- céres s’ils ne profitaient pas de l’intérét que le pu- blic manifeste pour leur art. On peut dire que l’art naif mange ses fils, les peintres naifs, mais grace aux lois éternelles de la, nature, de nouveaux peintresnaifs naissent tous les jours et c’est de cette maniére que cet art survivra 4 ses créa- teurs d’aujourd’hui qui sont humains,comme vous et moi, et de ce fait sujets 4 la tentation de la gloire et du succés financier. Critiques favorables aux films de l'ONF a Paris dans un instant, car petite pluie abat grand ventet voici l’averse qui arrive. ISABELLE peut-@tre entendue a. emission **Du vent dans les Voiles™” présentée par Serge Ar- senault du lundi au vendredi 4) Th. sur les ondes de CBUF FM 97.7 Vancouver. ISA'BE LLE c’est pour vous. (Tous droits de reproduction et d’adaptation réservés). I TS ie ie A