2 ie. La Société Historique Franco-Colombienne est heureuse de vous annoncer qu'une personne vient de prendre en main le projet “collection photos”. Il s’agit de Mme Anita Charland que vous pouvez appeler au 266-4824, aprés 20h00. Anita ira inspecter vos trésors photographiques et, avec votre permission, se chargera de la reproduction des photos qu’elle choisira. erre Maturié ART [Suite] LE DEP Et les miles succédaient aux miles, réguliérement, dans le tintinabulement des grelots et clochettes, seul bruit qui déchirait le silence de cette blanche symphonie. Cependant, quelquefois, on entendait comme un coup de earabine: c’était un travail de glace qui se faisait, mais on nous avait rassurés a ce sujet, car c’était la chose normale, aux dires des habi- tués du Nord. Le soir était déja venu (car le soleil descend vite a Vhorizon, en ces journées d’hiver) quand nous nous arrétames au stopping- place «Moose Head place», qui nous avait été indiqué par les hommes de la Hud- son’s Bay, et qui se trouvait a environ trente miles d’A- thabasca. Il y avait la de bons batiments, solides et confortables pour le pays, le eonfort résidant évidem- ment en une bonne salle bien chauffée, une écurie bien close, du bon foin dans les mangeoires pour les bétes et, pour les gens, si on le désirait, une tranche d’ori- gnal ou de caribou. Un coup de whisky au patron, un vieil Irlandais, nous mit tout de suite dans ses bonnes grA- ces. En somme, sauf le froid a subir sur la piste, le mauvais moment du déharnachement a larrivée, avec des boucles gelées et des doigts gourds et celui, non moins rude, du petit matin ot il fallait regarnir et soigner les che- vaux sous un ciel boréal ot les étoiles brillaient comme des braises ardentes, il n’y avait pas de probléme pour notre entreprise. Dés que les bétes furent bien bouchonnées, munies de leurs couvertes et soi- gnées — car c’est en pre- mier lieu a elles qu’on pen- sait —, notre tour vint et ce fut alors la détente: un bon repas qui nous eiit semblé, en France, un casse-croute de malheureux mais qui, la-bas, dans ces bois, prés de ce grand fleuve gelé, nous paraissait succulent, du thé ou du café brilant, une bonne pipe de Old Chum et les mains au feu quand le froid, dehors, faisait craquer le bois, tout cela nous faisait un décor de home douillet et une ambiance amicale. Car nous n’étions pas seuls a camper: I’un aprés Il’autre arrivaient pour la nuit d’au- tres freighters, hauts en cou- leur et forts en gueule, qui avaient toujours de bonnes histoires a conter. Et la soirée passait ainsi, courte @ailleurs, car chacun pensait a P’étape suivante. L’ACCIDENT ET LA NOYADE Done, le lendemain, nous partimes au tout petit jour: un Ukrainien, colon de la Grande Prairie, avait déja pris le trail depuis prés d'une heure, car il avait une trés grosse charge et un lent -attelage de boeufs, harna- chés 4 la mode de son pays, avec collier et traits, et guides de corde aux naseaux ou aux oreilles. Quand nous atteignimes la riviére, le ciel commengait a peine a se teinter trés délicatement 4 lest. Les gros chats-huants, eux-mémes amis de l’ombre, n’avaient pas encore rega- gné leurs trous, et on enten- dait leurs «hou-hou» graves qui se répondaient, tantét proches, tantdt lointains. Certaines personnes sont’ impressionnées par leur ulv- . lements; pour ma part, j’ai eu souvent l’occasion de les entendre, soit de ma cabane dans un de mes. campe- ments, soit dans les bois, sous une lune d’argent, et je. n’en ai jamais ressenti une impression désagréable. Au contraire, je trouvais que rien n’était plus pénible et déprimant que ce grand silence sous ces arbres oua- tés de neige, ob tout parait mort et comme appartenant a une autre planéte. Et quand parfois ces grands oiseaux s’envolaient, il sem- blait que c’était un vol imma- tériel, comme sur |’écran d’un cinéma sans voix. Sur la piste gelée qui crissait sous les patins de fer, les chevaux,. bien repo- sés et bien nourris, encen- saient de la téte, marquant ainsi leur bonne volonté. Il faisait trés froid —25 sous zéro, 4 la porte du relais et certainement davantagge quand le jour se léverait. Heureusement, l’air était calme et sans vent. Pendant quelques centaines de mé- tres, nous suivimes la piste sur la rive car, sur la riviére elle-méme, des glaces bri- sées venant des premiers froids s’étaient amassées dans une courbe de I’Atha- basca, formant des «bordil- lons» difficiles & passer. Puis nous reprimes le che- min de glace ov nos attela- ges avancaient d'un bon pas; et sur nos charges nous laissions vagabonder nos pensées vers les prochains horizons du printemps. Cependant, le col de la canadienne relevé, les mains au fond des moufles et les jambes enveloppées dans les couvertes des chevaux,nous commencions a sentir vrai- ment le froid de la riviére ot nous avions perdu !’abri de la forét et ot Yair circulait comme dans un vaste corri- dor. Le jour hivernal était maintenant levé et devant nous s’étendait l’immense ruban pétrifié du fleuve, Devenez membre de la Société Historique Franco-Colombienne Cotisation annuelle: $4.00 membre individuel $10.00 membre groupe A/S MME Catherine Lévesque, 211, 46eme avenue ouest Vancouver, C.B. V5Y 2X2 sous lequel coulaient inlas- sablement les eaux drainées aux glaciers des Rocheuses. La matinée s’avancait dé- ja, dans la monotonie d’un parcours que rien ne venait rompre. Aucun probléme de direction ou de repére ne pouvait nous troubler, car nous savions que le cours de l’Athabasca était le fil di- recteur vers le confluent de la petite riviére des Escla- ves que nous devions remon- ter ensuite jusqu’au lac du méme nom. C’était d’ailleurs prés de cette fourche que nous allions camper le soir, dans un stopping-place situé a cdté du poste de la Hud- son’s Bay. Et le lendemain devait voir le terminus du voyage par la livraison du courrier au débouché du Slave Lake ou d’autres atte- lages seraient la pour pren- dre le relais. Jean menait le train car, avec un team plus lourd, il était normal d’imposer son allure au deuxiéme attelage en principe plus rapide. J’a- vais presque l’idée de stop- per pour le repas de la mi- journée et la pause habituel- le, et je regardais souvent vers le haut de la rive, pour découvrir un arbre sec apte a nous batir un bon feu. A quels impondérables _ tien- nent souvent des moments importants de notre vie? Tout a coup, comme dans un de ces mauvais réves qui vous éveillent en sursaut, je vis le team de Jean basculer comme sur ung balancoire, en méme temps qu’un cra- quement se faisait entendre, aussi fort qu’un éclatement de bombe et qu’une gerbe d’eau recouvrait la glace; Jean, d'un grand élan, sau- tait sur le rebord encore intact, ses longues jambes venant ainsi a son secours... Quant a moi, en quelques secondes, je réalisai la catas- trophe: c’était bien 1a la rupture de la glace, assez rare mais si redoutée. For- cant a plein les rénes sur la droite, je tentai de tirer mes chevaux vers la rive, mais ma charge chavira, elle aus- si, et je me sentis plongé dans l'eau glaciale tandis que nos pauvres bétes battaient éperdument des pattes pour essayer de se maintenir a la surface. Avec l'aide de Jean qui me langa, comme un cable, sa canadienne qu'il avait rapi- dement étée, je pus remon- ter 4 mon tour sur un re- bord solide. Et ce fut alors pour nous un véritable cau- chemar de voir sous nos yeux l'agonie de ces braves animaux qui, hennissant vers nous et comme répon- dant 4 nos appels et & nos encouragements, faisaient des efforts désespérés pour essayer de remonter sur les bords de la cassure qui se brisait de plus en plus. Nous ne pouvions rien faire pour tenter un quelcon- que sauvetage. Il nous aurait fallu des perches pour aller vers eux et essayer, avec les plus gros risques, de couper les traits qui les retenaient aux traineaux; des cables pour les haler; mais tout était resté avec le charge- ment et, dans ces conditions, il était dangereux et quasi impossible de nous appro- cher du trou béant qui faisait au moins douze a quatorze métres de diamétre. Et nous étions seuls, dé- sespérément seuls face a notre malheur, et en dix minutes, tout était consom- mé: nos chevaux avaient disparu dans un dernier bouillonnement et il ne res- tait plus 4 la surface que quelques sacs de courrier flottant encore sur l’eau. Et le grand silence s’était refait sur cette nature indifférente _ et hostile. Hébétés, nous restions la sans une parole devant ce désastre. Il y avait d’abord pour nous ce choc au coeur,,, non point d’avoir frélé la mort mais surtout d’avoir vu périr sous nos yeux, et sans pouvoir leur venir en aide, nos brayes chevaux, nos bons compagnons de travail. Et puis nous perdions, en quelques instants, une gran- de partie de ce que nous avions pu acquérir par notre travail et au prix de beau- coup de fatigues et de peine, et qui conditionnait pour nous Nos espoirs et notre avenir. Enfin, quand tout fut fini, quand la riviére eut repris son visage de chose morte, il fallut prendre une décision. Je n’en pouvais plus, les vétements mouillés gelés a bloc sur moi. Tant. que le drame s’accomplissait, seule comptait cette vision d’hor- reur. Maintenant, il fallait agir, car c’était question de vie ou de mort. Faire un feu était impossible, puisque les haches avaient disparu. Je n’avais qu’une ressour- ce, une seule, c’était de marcher pour conserver la circulation du sang et éviter, si possible, la gelure d’un membre. Il fallait donc at- teindre le poste de la Hud- son’s Bay pour alerter les habitants et envisager le sauvetage de ce qui pouvait encore étre récupérable. Di- re ce que fut pour moi cette marche pendant un ou deux miles, alors que mes jambes, _ prises dans leur carcan gelé, pouvaient a peine se plier, est impossible. Seule me soutenait la volonté forcenée de vivre. _(ASUIVRE) ' a oe er Me he Me MF. CMCC a EO OOO i ee