anal 7a Vancouver et canaux 3 et 8 a Victoria Programme de la télévision francaise de Radio-Canada VOL.3 NO.26 Vendredi 30 mars 1979 Une oeuvre admirable d’une indéniable grandeur «Qu'est-ce que la venue du Christ? C'est l'apparition, en chaque homme, de I'Homme intérieur» , Raymond Abellio Depuls bient6t deux mille ans, la venue de Jésus de Nazareth a marqué en profondeur le des- tin de I'Occident; mais elle con- cerne aussi chaque humain qui pense, qui aime et qui souffre. Jamais personne avant Lui n’a- vait parlé de facon aussi subli- me et c’est ce qui convainc des millions de chrétiens qui recon- naissent en cet Homme le Mes- sie, le Sauveur de I’humanité. II est d’ailleurs peu d'incroyants qui ne Le révérent de quelque facon et méme un Nietzsche, pour Le nier, dut le combattre jusqu’a l'éclatement intérieur... Cette incomparable Figure est tellement exaltante qu'il aura toujours fallu aux croyants, en plus des Evangiles et des textes sacrés, des représentations vi- suelles profanes de la Nativité et de la Passion. Depuis les Jeux du Moyen Age jusqu’aux films hollywoodiens, en passant par le théatre et les Chemins de la Croix d’Oberammergau, la vie de Jésus de Nazareth sert d'inspiration supréme aux chré- tiens. Mais toujours ces films, ces piéces, ces Jeux, péchaient par quelque imperfection majeu- re, par ignorance, mauvais goit, outrance. Rares furent les spec- tacles dignes de ce grand sujet. Enfin Zeffirelli vint et, avec l'appui matériel du Vatican et des Télévisions anglaise et ita- lienne, il produisit un Jésus de Nazareth considéré par les au- torités religieuses, les critiques et des millions de téléspecta- teurs, comme l'une des biogra- phies du Christ les plus presti- gieuses et fastueuses qui aient été créées. Le grand cinéaste italien Fran- co Zeffirelli n’a en effet rien né- gligé pour faire de ce Jésus de Nazareth une oeuvre monumen- tale 4 la hauteur des Evangiles - qu'il a d’ailleurs suivis a la let: tre. De méme. il fit appel, pour les grands réles, 4 une pléiade de vedettes internationales. Ce que Zeffirelli a voulu faire Mais en quoi surtout cette remarquable version différe-t-el- le des autres? Interrogé par de nombreux journalistes tout au long des huit mois de tournage, Zeffirelli a d’abord fait remar- quer qu'un film d’une durée de six heures change déja toute la perspective: on peut aller plus en profondeur et ajouter un grand nombre de détails impor- tants. Ensuite, ayant eu la bon- ne fortune de travailler avec des gens extraordinairement doués, et des conseillers religieux de premier ordre; il ne pouvait se faire que la moindre séquence ne soit inspirée et que |’ensem- Pour la Semaine sainte Jésus de Nazareth Mercredi 11, de 20h30 4 22h30; jeudi 12, de 20h30 a 22h30; vendredi 13, de 20h00 4 22h30 Lorenzo Monet ble ne refléte la lumiére, et ne révéle les prodigieux trésors que recéle I’histoire du Christ. Non seulement des interprétes et des techniciens de premier ordre obtinrent d’eux-mémes le meilleur, mais Zeffirelli exigeait les plus hauts standards de qua- lité dans tous les domaines comme dans les moindres dé- tails matériels. Tous sentaient qu'il ne s’agissait pas d'une his- toire comme les autres et qu’ils participaient 4 une grande en- treprise. Chaque prise de vue devait 6tre parfaite et aucun détail, dans chaque épisode, ne devait prévaloir sur les autres. Tout moment de la vie de Jésus est d'une importance capitale. Avec cette biographie du Christ dont il savait que c’était une tache quasi insurmontable, Zeffirelli n'a pas voulu répéter les autres créateurs et il s'est refusé au «jeu sacré» comme 4 l'inspiration personnelle. Il a vu son film non comme une «lé- gende chrétienne» 4 _ illustrer, mais bien plut6t comme une ta- pisserie géante qui représente- rait toute I'époque ou vécut cet Homme inspiré. Et il a voulu montrer, prioritairement, que Jé- sus était avant tout un Juif. Le christianisme ne vint qu’aprés. Il s’agissait pour lui d’attirer l'attention du public sur le dra- me du peuple juif qui, en atten- te du Messie, doit affronter le Christ. Ce Jésus qui a hérité de |’im- mense patrimoine spirituel juif en est stimulé et il veut renou- veler- ces Ecritures devenues avec le temps des eaux stagnan- tes. Aprés, ga devint un énorme océan, dont les vagues déferlé- rent sur le monde. Le Christ, pour Zeffirelli, est l'homme to- tal et complet: tuel, rapsychologue, faiseur de mira- cles, etc. Et le mystére de son origine divine autour de laquel- le évolue la conscience humai- ne depuis deux mille ans n’a pas fini de fasciner les hom- mes. humain, spiri- philosophe, politique, pa- - Olivia Hussey Les bases de I’inspiration En premier lieu, ce sont les Evangiles qui ont servi d’inspi- ration et de base a ce Jésus de Nazareth empreint de l'insurpas- sable climat dramatique des Ecritures. D’ailleurs, selon Zef- firelli, tous les événements de l'époque du Christ ont des pa- ralléles dans la n6étre et il es- pére avoir réussi a le montrer. Pour établir son script, if a donc trés scrupuleusement suivi les ‘Ecritures et, singuliérement, |'E- vangile de saint Jean, vérita- ble scénario de film avec dialo- gues inclus. Source primordiale qu'il n’eut qu’a filmer avec ses caméras. A la recherche de I'ab- solue objectivité, le cinéaste a évité toute imagination ou sen- _ sibilité personnelle afin de tou- cher plus sirement Je plus vas- te public possible. Zeffirelli vou- lut une présentation dramatique fidéle a la lettre et a l’esprit des Evangiles, qui souléverait l'intérét chez les personnes les plus différentes. Le personnage de Jésus L'excellent comédien anglais Robert. Powell a longtemps hé- sité avant d’accepter ce rdéle écrasant de Jésus qui fascine néanmoins tous les interprétes -du monde. Vivre le personnage du Christ pendant six heures lui paraissait un défi écrasant qu’il accepta finalement pour cette raison. Une chose déja. pouvait l'aider quelque peu: la forme de” son visage qui rappelle l'image de Jésus la plus universellement acceptée et que des maquil- leurs excellents contribuérent a parfaire. Selon Zeffirelli, Powell a bien réussi a capter l’esprit et le caractére de Jésus et c’est d’au- tant plus remarquable qu'il est agnostique. “Sans 6tre_irréli- gieux, Powell ne s’était jamais intéressé vraiment aux Evangi- les ni au Christ. Cependant, de- puis cette expérience, il peut affirmer que, comme homme et comme comédien, il a été mar- qué & jamais par ce réle. Il sent que cet Homme, Jésus, est sans doute le plus remarquable qui ait jamais existé. «Je pense, dit- il, que personne nest venu dans le monde avec un idéal plus pur, tout en disant les choses les plus magnifiques sur et pour les hommes». Zeffirelli et Powell déclarent n’avoir pas voulu précher la re- ligion mais seulement raconter l'histoire d’un homme remarqua- ble et la raconter aussi honné- tement que possible, en espé- rant qu’elle «intéressera, exal- tera et fera bouger». Quoi qu'il en soit, ce Jésus de Nazareth, incarné par Robert Powell, appa- rait aux autorités religieuses et aux millions de téléspectateurs comme le plus juste et le plus | probant @ ce jour. Les douze Apétres Avec son sens de la perfec- tion, Zeffirelli a montré, par exemple, que la Nativité, la pre- miére manifestation humaine du Christ, en fut une de grande il- lumination et qu'elle marque la nouvelle alliance entre Dieu et l'homme. Il montre que ce n'est pas ce que le peuple juif atten- dait comme Messie et que c'est pourquoi il ne crut pas en Lui. Jamais les Hébreux n'‘accepté- rent que le Fils de Dieu soit né le plus pauvre parmi les plus pauvres. Quant au choix des comé- diens qui devaient incarner les douze Apétres, le cinéaste l’a effectué un peu comme Jésus lui-méme qui n’a pas procédé au hasard mais a soigneusement choisi chacun individuellement pour sa personnalité et sa capa- cité 4 suivre son enseignement. Rien dans le choix de Jésus ne fut fortuit, et ses disciples aban- donnérent tout pour Le suivre. Zeffirelli a voulu que ses co- médiens représentent, tout com- me le Christ l’avait compris, toutes les nuances du caractére humain. tl lui a fallu montrer aussi pourquoi Simon Pierre, homme physiquement fort mais faible de caractére, buveur, vio- lent, a été choisi comme pierre angulaire de |’Eglise. Pierre a- vait, 4 un degré que les autres n’avaient pas, une foi aveugle, absolue, inébranlable. lH! était la foi. On voit donc déja un peu que le Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, qui sera présenté en trois parties de deux heures chacune a la chaine francaise de Radio-Canada durant la Se- maine sainte, soit les 12, 13 et 14 avril, est une oeuvre excep- tionnelle tant du point de vue de l’inspiration que de celui des exigences artistiques et techni- ques. Un moment unique dans histoire de la télévision mon- diale. René Houle J Société «es? Radio- ‘Sye’ Canada