Alors, pour Léa, commenga une longue attente. . . Le temps qui avait été doux et pluvieux en ce début de l'année 1944 se rafraichit brusquement le 14 février et tomba 4 - 5° le matin. Pendant quinze jours le vent du Nord le disputa a la neige. Vers la mi-mars I'air enfin se réchauffa et l'on sentit que le printemps était proche. A Montillac, Fayard scrutait le ciel avec inquiétude. Cette sécheresse faisait le désespuir des agricul- teurs qui n€ savaient comment nourrir le bétail et voyaient la future récolte de foin compromise. Les rapports entre ceux du « chateau » et Fayard, le maitre de chais, étaient au bord de la rupture depuis l'examen par un comptable des livres de comptes de la propriété, L’homme de la vigne avait da reconnaitre ses ventes de vin aux autorités d'Occu- pation malgré interdiction que lui en avait faite Léa et, avant elle, son pére. Pour sa défense, le bonhomme avait fait valoir gph ONE IY A * ~. qu'ils seraient bien les seuls propriétaires du département a ne omy “s«.pas vendre Jeur vin aux Allemands; qu’ils en vendaient, d’ail- leurs, bien avant la guerre et que la plupart des responsables “e+ buches de la région étaient d'importants négociants en vins dans leur pays; que beaucoup avaient des correspondants 4 Bordeaux Ps depuis plus de vingt ans. Certains méme étaient des relations de Ss longue date; mademoiselle ne se souvenait-elle pas de ce vieil gH ami de monsieur d’Argilat qui était venu'les saluer durant les vendanges de 1940? Léa s’en souvenait trés bien. Elle se souvenait aussi que son y pere et M. d’Argilat avait prié 'honnéte négociant munichois, § devenu officier dans la Wehrmacht, de ne plus leur rendre visite tant que durerait la guerre. Fayard reconnu avoir mis « de cété » les sommes provenant de ces ventes car connaissant les idées de = mademoiselle... mais affirma avoir toujours eu l'intention de les lui remettre. De toute facon, une partie de cette argent avait été utilisée pour l'entretien et le renouvellemen- du matériel. Made- moiselle ne se rendait pas compte du prix de la moindre futaille. Le comptable termina son travail, et conseilla, étant donné la situation, de négocier avec Fayard ou de le faire poursuivre pour détournement de fonds. Léa refusait I'un et l'autre solutions. Sans le petit Charles, qui mettait un peu de gaieté par ses jeux et e ses cris, l'atmosphére de Montillac aurait été sinistre. Chacune faisait pourtant des efforts pour cacher ses angoisses aux autres. Extrait de Le diable en rit encore de Régine Deforges (éd. Ramsay)