oo z a 2 — ee 8, Le Soleil de Vancouver, 19 juin 1970 CARNET D’UN PROMENEUR par Roger DUFRANE PSLERINAGE AUX SO Pélerinage aux sources?C’est— a—dire 4 la nature par la voie la plus naturelle, Reprenons la marche et retrouvons—y les in— tenses satisfactions des hommes primitifs. Le sentiment de la nature a évolué au cours des ages, En Europe occidentale, 1*homme médiéval se levait plus tdt 1’été que l’hiver et adaptait étroite— ment sa vie au rythme des sai— sons. Plus tard, aux siécles classiques, les villes plus ur— banisées, la société, du moins une certaine portion de la so— ciété, préfera se réunir dans les salons ou errer dans des jardins symétriquement dispo— sés. Cette évolution se percoit dans la littérature: des romans médiévaux ot 1’on parle de chas— ses, de chants d’oiseaux; et des romans classiques fort intellec— tualisés, of la peinture des a— mes l’emporte sur celledes pay— SageS. Pour en venir au Canada, nous constaterons que le sentiment de la nature y a évolué aussi. Les Indiens et les coureurs des bois éprouvaient au contact quo— tidien de la forét vierge un sen— timent si profond, si religieux, qu’ils s*identifiaient avec elle, En ce temps—1a , ’homme amé— ricain ne révait pas encore de s*enfermer plusieurs jours dans une fusée en vue d’aller titu— ber sur la lune, Des appareils a petites lumiéres et a fils mul— tiples ne l’entravaient pas en— core. Il se contentait de me— surer la nature & la force de son poignet et a la résistance de ses muscles; et il s’exta— siait & voir la lune blanche cou— rir, toute ronde, au faite des sapins, L’homme se sentait une infinie parcelle de cette nature, ‘que, des vegétaux aux animaux et aux brises des matins et des soirs, embrasse la création, L’homme blanc est venu dans l%ouest. [1 s%est construit des cabanes, des bourgades, des vil— les. 1 s*est déplace 4 pied, puis en charfot; enfin en chemin de fer, en auto et en avion, Peu & peu, il a perdu le contact direct avec la nature. Dans les grandes villes, le béton gagne de plus en plus sur les parcs et les jardins, Etnous nous plai— gnons que les usines nous enfu— ment sans prendre la peine de considérer qu’elles ne forment que quelques taches noires sur l‘immense étendue verte de ce continent. Nos instruments nous enchainent, Quand nous voya— geons, nous croyons par le tru— chement de nos jumelles et ca— méras mieux nous pénétrer des spectacles du monde, alors que CES T= ces écrans interposés entre nous et les paysages nous en éloignent, En bref, nous devenons les dupes Ye nos inventions, Comment réagir? En sachant parfois nous arracher de nos ma— chines pour retourner, seuls d’e— tre vivant & @tre vivant, dans la nature. Il faut couper le mal a la racine et sortir de l’enli— sement, J’en connais qui, par un dimanche de soleil, regar— dent des films sur les papillons a la télévision, I] existe des femmes qui ne tourneraient pas un coin de rue sans la voiture, et qui, déprimée par le manque d’exercice, acquierent un appa— reil ou elles pédalent dans un sous—sol, les yeux sur uncomp— teur. Il ne faut pas croire qu’en dévorant des distances derriére un volant 1%0n voie davantage. Le moindre coin de jardin peut dis— penser de ]’air pur et renfermer tout un monde, Les romanciers qui se sont longuement penchés sur un sol exigu, Gaston Chérau, Colette, Louis Hémon, parvien— nent a captiver intensément par une intrigue qui tourne autour d’une ferme ou d’une maison de campagne. Tl existe un art de se promener ou de voyager. N’oublions ja— mais que si nous nous hatons, les images entrevues, troprapi— des, s’oublieront. C*%est assis a une terrasse de café que ]’on voit le mieux. Paris. C’est as— sis sur un banc de pare que l?7on communique le mieux ayec la nature. Les yeux grands ouverts et l’esprit en éveil, voila les se— crets du voyage. En pays étran— ger, il faut tacher de comprendre l’influence du milieu sur les moeurs, ne pas s*esclaffer stu— pidement si les montagnards de Bolivie payent leurs denrées avec des plumes, et si les collégiens anglais exhibent des cravates aux couleurs de leur college et larges comme des écharpes. Sous les tropiques, les gens se montrent plus ouverts et chan— tent au soleil dans les rues; dans les pays du nord, ils se mon— trent plus renfermés, se cachent pour manger ou pour boire, Si les villes en. damier fagonnent Vesprit direct et prosaique des ~ américains, nous constaterons que les cités européennes, en étoile, avec un rond—point au milieu, ont formé des imagina— tions plus compliquées et plus romantiques,. Partons! Nous y gagnerons l’indulgence et la sagesse, Et meme le mauvais temps, méme les déboires, s*ensoleilleront dans nos souvenirs, Marius et Olive bavardent : — Alors, Marius, cette récolte, elle s‘annonce bien ? — Oh, peuchére, non ! Elle s‘annonce mauvaise au pos- sible. — Comment ca? Ca ne pousse pas bien ? Alors Marius : — Ca ne pousse pas du fout! Dans mon champ de blé, les moineaux sont obligés de se metire @ genoux pour se nourrir ! V’ECOLE FRANCO- MANITOBAINE Récemment, M,. Hervé Cyr, responsable de l’orientation du programme des écoles francai— ses de 1]?Ontario, participait 4 l’assemblée annuelle des éduca— teurs francoemanitobains.I] ena profité pour souligner comment l?école francophone en milieuan— glais peut préserver 1 *identité culturelle du groupe minoritaire sans l’isoler ‘¢ du grand courant de 1%évolution et du progres pé— dagogique de sa province’’, M. Cyr, qui est un spécialiste de la question, estime 4 bon droit que l’école doit permettre 4 1?6— tudiant francophone de s*identi— fier 4 sa culture, tout en lui as— surant une bonne connaissance de la langue anglaise dont il aura besoin plus tard, et tout en lui garantissant aussi des cours de premiére qualité, Or, comme 1’a dit M. Cyr, l’%école ne permettra a 1’étu— diant francophone de s’identi— fier vraiment 4 sa culture , que si la langue de communication et d’enseignement est le francais. Les deux langues ne peuvent @— tre mises sur le méme pied. Le frangais doit jouir d’une tres nette priorité. C%est en francais que les matiéres importantes et difficiles doivent@tre enseignées. Langlais doit @tre traité sans ambiguité comme langue seconde. M. Cyr, a rappelé que dans sa province on a adopté des régle— ments pour imposer des ** quo— tas” d’@leves anglophones dans chaque école francaise. Ces *« quotas’? sont trés importants car autrement l’école francaise ne représente plus le milieucul— turel nécessaire 4 1’@panouisse— ment d’une communauté franco— phone. L’anglais finit par y triompher. j Evidemment, le climat frangais de 1’école ne pourra @tre assuré que par des maitres francopho— nes qui auront été eux—m@mes formés ™ dans des établissements distincts des anglophones”’, Ce point est lui aussi capital dans la pensée de M. Cyr et de tous ceux qui ont étudié ce probleé— me d’un peu pres. Au fait,on ne devrait plus par— ler d’écoles bilingues mais d*é— coles strictement frangaises pour les minorités francophones des autres provinces. Nous 1’avons souvent dit et nous le répétons 1’école ne parviendra a assurer Wessor de la culture frangaise en milieu anglais que si l’en— seignement, du moins au niveau élémentaire se donne exclusive— ment en francais et par des pro— fesseurs de mentalité francaise. Tout autre type d’ecole pourra peut—@étre faire des francopho— nes des citoyens qui connaissent mieux le francais que leurs con— citoyens anglais, elle ne produi— ra sur le plan culturel, que des anglophones de seconde zone ou des hybrides. Vincent PRINCE, LE DEVOIR Définition médicale de la ran- cune: Forme aigiie de la mémoi- re. (Propriétaire: J. Bauché) Hétel de famille, Dans le centre—ville. Prix raisonnables. On parle frangais. 320 rue ABBOT VANCOUVER 4, B. C. Tél.—681—6154 LES LIVRES par Roger DUFRANE “LA PORTE ETROITE” par André GIDE (Le livre de poche No, 574) On retrouve ici la maniére can— dide et complexe, ** ne pas avoir lair d*y toucher’’, de Gide dans ses recits, L*’homme, rebu— tant d’immoralité, séduit par sa connaissance profonde du coeur humain, Il projette dans ses récits une image idéalisée de lui—m@me, de ce qu*il aurait voulu @tre. Mais qu’on analy— se cette image; elle se trouble; sous le cristal de eau git un sable pollué. On pardonne beaucoup a Gide en faveur de son romanesque, Dans ses récits, les héros se meurent encore d’amour. Et si dans la Porte étroite trans— paratt un violent désir de la fem— me il n’apparatt pas que ce soit de la femme de chair, mais plu— tot dela femme idéale, éthérée, des anciens Cathares, Le récit de la porte étroite rappelle par sa course a l’amour le mécanisme du drame raci— nien; Jérome aime Alissa, qui aime Dieu; et, en écho & l*in— trigue principale, Abel aime Ju— liette, qui aime Jérome, L’histoire peut se résumer en quelques mots; deux amis d’enfance, cousins par surcroit s*’aiment. Mais en avancant en Age Alissa se promet Dieu et décourage par sa froideur son ami, Elle dépérit et meurt. Plus tard, son journal révélera 4 Jérome ce qu’elle a enduré pour consommer le sacrifice. ‘A la fin du journal, sa foi sem— ble chanceler; elle titube devant le gouffre. Et Gide décrit son état avec une hallucinante so— briété; ‘¢ ... Une angoisse s’est em— parée de moi, un frisson de la chair et de 1’%ame; c*etait comme _ Véclaircissement brusque et dé— senchanté de ma vie. Ifmesem— blait que je voyais pour la pre— miere fois les murs atrocement nus de ma chambresee.?? Notons comme Gide laisse au lecteur le soin d*interpréter les actes. Sonstyle clair, pur, se tient &-la limite du vague et lais— se beaucoup 4 l'interprétation personnelle, Jérome, Alissa, sont ce que Gide les a fait, 4 quoi s*’ajoute ce que le lecteur leur donne, Une these semble cacher entre ces pages; unréquisitoire amer contre l’ascétisme religieux.Les personnages de Gide, les lieux exquissés, sont toujours subjec— tifs. D?un subjectivité indirec— te, ils semblent vus, non par 1’au— teur, mais 4 travers les yeux et les sentiments de ses héros. Si les personnages de Gide a— gissent irrationnellement, ils l’ignorent et le lecteur le sait. Leur comportement suit l’on— doiement de la vie humaine, Gi— de n*immobilise jamais ses ca— racteres. Généreux ou égoistes, sincéres ou menteurs envers les autres ou envers eux—memes,ils sont tout cela avec une candeur * désarmante, Observons Alissa, Elle subit 4 son insu l*’atavisme d’une me— re créole et coquette. Elle se montre &@ Jérome tour 4 tour sous la rigide figure d’une nonne ou sous l’apparence aimable d’u— ne fiancée. allant jusqu*’a l*invi— ter &@ lui porter des roses dans sa chambre, Quand elle ne sera plus, Jérome apprendra ala lec— ture du journal dela malheureuse que sil avait ose, d*un geste il eut conquis Alissa. Pauvre Jérome! Alissa l’aime. Elle l’attire et l’éloigne tour 4 tours mais Dieu l’emportera, et Jero— me jette ce cri poétique et pro— fane; i . "Alissa, pourquoi t’arraches— tu les ailes]** ‘LAIL est bon pour votre. SANTE DEMANDEZ A VOTRE DOCTEUR OU PHAR MACIEN. L’ail est un antiseptique qui purifie les canaux sanguins et élimine les microbes qui causent la putréfaction. Les perles d’ail ADAMS con—} tiennent l*huile d’ail vtilisée en médecine depuis de nombreuses années, Au cours des siécles,des mil— lions de personnes ont trouvé dans {’ail un reméde aux pro— priétés cicatrisantes et forti— fiantes. Conservez vous aussi force et santé! Achetez dés aujourd’hui une boite de perles d’ail ADAMS chez votre pharmacien, Vous pouvez vous sentir mieux portant,plus robuste,et faire face 4 des rhumes moins fréquents, grace a4 ces capsules sans gout (annonce), ni odeur. SPRCIAL NOEL Vient de paraitre Par DIALPHANE ‘LEARNING TO SWIM??? Harry McPHEE Tel est le titre du livre qui vient de paraitre chez Mitchell Press Limited Vancouver, par Harry Me Phee. Monsieur Mc. Phee fut bien connu comme pro— fesseur de natation et ce livre nous démonire certaines techni— ques additionnées de photos pri— ses par l’auteur, Comment respirer—flotter—le crowl— la brasse—le plongeon etCeee Il est agréable de cons— tater que ce livre parait 4 une période de l’année oli le plaisir que procure la natation va en s’aggrandissant et les fervents de ce sport deviennent plus nom— breaux. Avec 1’été et la sortie récen— te de ce livre, il n’est plus de raison de se morfondre tout en regardant les autres nager avec envie sans oser apprendre, —---+ NOEL: SPECIA European News 1044, rue Robson ieee