levererers ben Le Soleil de-Colombie, vendredi 12 janvier 1979 ts Par Keith SPICER VANCOUVER. — Comme le dieu romain Janus qui a donné son nom au mois de janvier, les perspectives pour l’année nouvelle s'ou- vrent a la fois sur le passé et sur l'avenir. Un survol de l'année poli- tique 1978 au Canada vous montre un pays empétré dans la mesquinerie et dé- boussolé par des défis qu'il percoit comme autant de dé- sastres. En fait, le trait marquant de l’homme poli- tique canadien pourrait bien étre son génie — qu'il s'agis- se de la langue, du pétrole ou des investissements étran- gers — pour transformer les chances en problémes. Comme tout peuple, nous avons nos problémes. Nos 919,000 chémeurs, notre taux d’inflation de 8.7%, notre dollar 4 85 cents, tout ¢a, c'est du réel. Ajoutons-y, pour compléter le tableau, les souffrances de nos peu- ples indigénes, nos usines qui s’évaporent, notre habi- tude de décourager inven- teurs, petits entrepreneurs et fermiers, nos deux solitu- des, la francaise et l’anglai- se, et nos régions méconten- tes. Mais notre mentalité de croque-mort pousse les cho- ses un peu loin. En 1978, notre vue du Canada s’est embourbée dans des maré- cages de rivalités hargneu- ses et de minables récrimi- nations égoistes. Dans |’un des meilleurs livres de l'année, Le Chemin de fer ne suffit pas, d’'Hea- ther Menzies, on entend, d’un océan a l'autre, des voix qui parlent non d'une nation aimée et servie, mais d'un catalogue d’appétits. Regardons la scéne poli- tique pour 1979, et ce n’est guére plus reluisant: rien et personne a l’horizon pour nous donner une opinion un peu plus élevée de notre pays. Une élection fédérale mettra en relief les mauvai- ses nouvelles, les promesses extravagantes et les divi- sions de toutes sortes. Dés le lendemain des élections d’Ottawa, M. Lévesque va lancer une campagne de pro- pagande pour convaincre les Québécois que l’enfer, c’est es autres... Canadiens. Le premier ministre de 1!’ Alber- ta, Peter Lougheed, et celui de la Colombie Britannique, Bill Bennett, réclameront tous deux des mandats pour obtenir une plus grosse part: du g&ateau canadien; Bill Davis, le premier ministre de l'Ontario, en fera proba- blement autant. La plupart des experts prévoient que l'économie ira Me AAR Se Sse eee - de mal en pis. Une réces- sion aux Etats-Unis nous | entrainera comme d’habitu- de dans son sillage. Avec la levée du contréle des salai- res, plus d’un million de f travailleurs frustrés vont négocier de nouveaux contrats, et l’on peut s’at- tendre a beaucoup de pique- tages pénibles devant des f usines vides. Mais ce n’est pas en : regardant des détails passés ou futurs que l’on a la meilleure vue du Canada. Les vérités les plus pro- ‘fondes nous viennent d'une double perspective: vers I’in- térieur et vers |’extérieur. Pour voir le Canada vers l'intérieur, avec les yeux des autres pays du globe, prenez donc un de ces avions qu’Air Canada et CP Air vous per- mettent d’emprunter pour visiter tout autre pays que le Canada a un prix raisonna- ble. .La plupart des étrangers vous montreront que le Canada est l'un des rares pays (il y en a 25 environ sur les 180 du globe) qui offre a ses citoyens une honnéte ration de liberté, égalité et prospérité (pour ce qui est de la fraternité, nous n’en espérons pas tant pour le moment). Un dixiéme 4 pei- ne des étres humains jouis- sent de nos libertés poli- tiques; notre systéme de justice sociale (en dépit de toutes ses défaillances) ne. rougit pas de la comparaison avec les modéles scandina- ves, et nous offrons a tout individu débrouillard des chances économiques que seuls les Etats-Unis peuvent se targuer de surpasser. Voulez-vous des exem- ples? Droit a la parole a la radio et a la télévision nationales (méme pour par- ler sécession), droit de pu- blier un magazine sans peur d’étre arrété, droit d’ouvrir -votre propre stand de pata- tes frites et d’étre votre ‘patron, droit aux hépitaux et aux écoles, droit vital, géné- ralement, a un travail bien payé, ou sinon, a des alloca- tions-chémage plus élevées que les salaires des neuf- dixiémes de l’humanité. Nous sommes fiers d’échapper aux classes et aux castes; bien qu'il soit le premier dans son cas, Ed Schreyer, enfant des campa- ghes nommé gouverneur-gé- néral, est un magnifique symbole de nos vues sur lavancement au mérite. Ajoutez a tout cela la qualité que les Américains apprécient par-dessus tout chez nous: une société pai- sible ot, grace a des insti- tutions stables et au respect des lois, nos rues sont sires et nos moeurs politiques civilisées. Dans la plupart des pays, un débat sur la sécession d'une province déclencherait l’émeute; au Canada, la dis- cussion pousse chaque pro- tagoniste 4 souligner le bon sens et la nature civilisée de l'autre. Ici, quand on entend . le ‘mot “indépendance”, ‘on! = i ae ee vee ee Ties = ew rome a am aww ewer L ne sort pas son revolver, mais plutét le vin, le froma- ge et les agendas, pour poser une demande conjointe au Conseil des Arts en vue d’organiser un colloque. Mais c’est en regardant vers l’extérieur que nous, aurons l’occasion de voir dans le Canada autre chose que 23 millions d’égoistes. Pour commencer, si nous méditons sur le Liban, Chy- pre, l'Irlande, l’Ouganda ou Indochine, parmi une cen- taine de foyers de haine, nous verrons que si_ le Canada peut revendiquer un prix d'’originalité, c’est bien comme modeéle de coopéra- tion 4 peu prés respectueuse entre traditions différentes. Nous tenons 1a la différen- ce fondamentale entre le pays étroit, unilingue et soi- disant “normal” que veut René Lévesque et le pays accueillant, ouvert et “‘ex- ceptionnel” que Québécois et autres Canadiens pourraient batir ensemble. Ensuite, le Canada pour- rait rehausser sa vocation pacifique en redécouvrant lVidéalisme lucide de la poli- tique étrangére de Lester Pearson: son role actif pour le maintien de la paix, dou- blé d’une aide considérée comme porteuse de dialogue avec le Tiers-Monde. Les mini-Metternich de Ventourage de M. Trudeau l’ont persuade il y a dix ans d’abandonner cette appro- che, naive selon eux. Les naifs, c’était eux. Ils ont dé- pouillé notre politique étran- gére de tout ce qui pouvait canaliser nos énergies ou élever nos esprits. Résultat: Le Canada: double vision pourle nouvel an. la plupart des Canadiens croient aujourd’hui que la diplomatie est triviale. Finalement, notre nombri- lisme incessant sur “l’avilis- sement de la reine”, le rapa- triement de la constitution, les pouvoirs accrus aux pro- vinces ou la victoire au réfé- rendum québécois, nous a fait perdre de vue une perspective qui rapetisse im- médiatement toutes les jéré- miades et tous les griefs du Canada en l’an de grice 1979: un conflit nucléaire. Selon certains observa- teurs de poids, nos enfants ont grosso modo une chance sur deux de griller vifs dans les vingt ans 4 venir. Pen- dant que nous pleurons dans notre champagne sur les mauvais tours que Dame Fortune 4 joué aux Cana- diens, nous négligeons les problemes .— nationalisme, intolérance, cupidité — qui pourraient déclencher l’hor- reur, et notre indifférence parait pathétique, voire cri- minelle. Non que nous puissions a nous seuls conjurer une tragédie universelle. Mais, comme le dit la’Charte de YUNESCO, “la guerre com- mence dans l’esprit des hom- mes . Révons un peu: imagi- nons, juste un moment, un Canada en harmonie avec lui-méme et engagé dans le monde pour la paix. L’exem- — ple pourrait, sait-on jamais, renforcer un tantinet et partout l’espoir que, pour nos enfants, il y aura encore des dizaines et des dizai- nes de mois de janvier. _Leréverbére et le papillon de nuit Il y a plusieurs années maintenant qu'il est mort mais sa présence est encore aussi forte qu’avant. Jusqu’a l'époque ou je le rencontrai, javais une existence quel- conque et monotone: la terr¢ était sombre la nuit donc je Véclairais. Personne, nulle créature n’apercevait la lumiére que je donnais, 4 moins qu’une. tempéte ne descendit. Bien que vous compreniez, j’ajou- te que j’existais sans espé- rance, sans aucune émotion, et en outre sans gott de faire.mon ouvrage. J’existais, car c’était mon destin, quoiqu’il en soit, d'illuminer un trés petit cercle du monde pour que toutes les créatures perdues puissent retrouver leur che- min. Cela dura jusqu’a la nuit ou il arriva qu'un papillon de nuit dansa avec une joie incroyable parmi les rayons de lumiére que ma lampe dispersait. En somme, !’aspect morne de mon Ame et ma lour- Te 43 & ent, 9 x Al rs a Sane e aes méme temps que mon Ccau- chemar s’échappa pour ne jamais revenir. : Aprés cette rencontre, a moins que la nuit ne vint plus jamais sur la terre, il venait tous les soirs pour danser. Moi, je commen- cais a vivre d'une fagon que le temps ne peut mesurer. J’éclairais un cercle du monde assez grand et lui, il dansait parmi les rayons de ma lumiére qui se glissaient vers le sol. Tous les matins lorsque le petit jour mon- trait sa téte, il disparais- sait mais le soir arriverait et jentendrais le battement de ses ailes, quoiqu’il fit encore loin de moi. Notre vie se déroula ainsi jusqu’a ce que sa fin arriva. Je me souviens, au mo- ment ot l’ombre de la nuit s’étendit sur la terre, de cette présence enchantée qui pénétra mon @tre tout _ entier et ainsi que l’ombre veloutée de la nuit reste toujours en moi, cette pré-. sence demeure aussi. Madeleine Wakefield étudiante a l'Université de A bdtons rompus par Jean-Claude Arluison Ayant garé la voiture dans le pare de stationne- ment d’un magasin de fruits et légumes situé prés de la ville chinoise, nous avons eu un choc; une téte a émergé de la grande poubelle-“container”; ‘homme a sauté, a secoué ses vétements et s’est éloigné d’un bon pas, satisfait, un sac a la main: il venait de faire son marché... Notre technicienne en composition, Lyne Paradis, vient de reprendre le collier, aprés deux semaines de vacances dans sa famille, au Québec, a Malartic, dans l' Abitibi. Elle en a rapporté la grippe: aprés la grippe asiatique, voici celle de Malartic. De plus, Lyne tape plus mal qu’avant: elle est “malarticulée”. Ce paragraphe a été concu par Yvon Thivierge. Finalement, vous avons réussi le tour de force de nous réveiller suffisamment t6t pour pouvoir aller prendre le petit. déjeuner au Centre Culturel Colombien. C’est un rendez-vous bien agréable auquel sont conviés les francophones et les francophiles, chaque dimanche matin entre dix heures et midi. “Le déjeuner des paresseux’” dit l’annonce, alors qu'il conviendrait de l’appeler le déjeuner des courageux. Car se lever a l’aube le dimanche matin demande une force de caractére peu commune. PE by bet y je d’h per: n trés connue dans la communauté franco-colombienne. Envoyez-nous vos réponses. Le gagnant recevra une photo dédicacée (récente) du sujet représenté. Si vous ne gagnez pas ce grand concours ne soyez pas désespéré: car, comme l'on dit en Iran, il n’y a pas: 1a de quoi fouetter un Shah. “Une journée ou l'on n’a pas ri est une journée. perdue” a écrit un écrivain francais. Nous nous rallions entiérement a son point de vue. L’humour est un atout précieux dans les temps difficiles que nous tra- versons. a en a $9 Rasy, 6s, aoe CSET S capt aes ‘s a he Bo ey Chronique haineuse par Le Mesquin Cette nouvelle chronique est ouverte 4 tous. Car Le Mesquin n’a pas d’identité. Ce sera tant6t un membre du personnel du Soleil, tantét des lecteurs. Cette rubrique nous permettra tous de nous défouler, de laisser éclater nos frustrations, de vider notre fiel, — notre venin. Nous proposons la création d’un nouveau club dont le besoin se fait sentir de plus en\ plus: “le club des haineux”. Ses réglements pourraient étre les suivants:. — Adhésion: $150; age d’or et étudiants $200; cela donnera aux membres une raison valable de hair le club. — Les membres du comité exécutif seront des volontaires élus au suffrage universel indirect a trois tours. : : ; — Tout membre qui dira une parole aimable a un autre membre sera immédiatement exclu. Grace a ce club et, en attendant sa naissance, grace 4 cette chronique, nous pourrons tous laver notre linge sale en public et nous poignarder dans le ventre plutot que dans le dos. - ‘eebes iste seer tree's eat att La NER ety ts Sn CRIM "der Hag RG Ae ee eee as a ae ae SUL RS ee int teh Sahn sor CA