Le Soleil, février 1993 Le Soleil, février 1993 Une «premiére») fracassante Passe-temps auto-neige Un vrombissement inhabituel envahit les rues de Valcourt durant les vacances de Noél de 1922. La neige vole en |’air, les piétons s’égosillent et s’éparpillent lorsqu’un €trange appareil motorisé traverse la rue principale et retourne d'oi il provient, la maison des Bombardier, aprés avoir parcouru une distance _ d’environunmille. Armand Bombardieralors agé de 15 ans vient de mettre au point la premiére autoneige. Le véhicule, propulsé par une hélice et le moteur a quatre cylindres d’une vielle Ford T, glisse sur les patins d’un traineau a chevaux. Sur les ordres de son pére Alfred, Joseph-Armand aidé de son frére Léopold, doit démonter sa plus récente création. Malgré cet échec apparent, Armand est intérieu- rement trés fier de son invention qui a bien fonctionné pendant —, ~ En quelques mois, la clientéle augmente rapidement et il engage trois demande. Cependant, Joseph-Armand Bombardier n’oublie pas que les déplacements dans la neige sont difficiles etil poursuit parallélementses expériences pour développer un véhicule motorisé capable d’affronter I’hiver. Dés que la neige tombe en 1927, ilcongoitsonpremier modéle d'autoneige. Le véhiculealesroues avant plus rapprochées que celle d’une voiture normale pour pouvoir emprunter les orniéres laissées par les traineaux a chevaux. Les roues arriére sont jumelées et Equipées de chaines pour améliorer la traction. Année aprés année, Joseph-Armand Bombardier perfectionne son prototype d’autoneige. Il remplace les roues avant par des skis, et les chaines par un systéme de chenilles. Il se livrea des essais, utilisant moteurs ethélices. [labandonneles hélices par mesure de sécurité car elles sont a découvertetne permettent pas au véhicule de faire marche arriére lorsqu’ils’enfonce dans la neige. Il modifie également la Carrosserie pour la rendre plus légére et plus aérodynamique. Les modéles changent beaucoup d’une année a l’autre. Travailleur solitaire et déterminé Armand aime travailler seul, parfois méme la nuit, pour perfectionner ses inventions. I! s*enferme dans son garage pour y concevoir ses plans. II dessine ensuite les croquis et les montre a ses employés qui les commentent. Un jour de I”hiver 1934, un appel urgent de sa femme le force a quitter son garage. Leur fils Yvon est malade, il souffre de terribles douleurs abdominales. Le médecin arrive en vitesse et informe les parents que ’enfant doit tre transporté immédiatementa l’hopital de Sherbrooke. Il est cependant impossible de s’y rendre car les routes sont bloquées par les amoncellements-*,. de’ neige. Un peu plus tard, |’enfant meurt d’une crise d’appendicite aigué. Méme s’il i est brisé par'le chagrin, Joseph-Armand voit plut6t cet événement comme undéfiason ; génie: il doit construire ce véhicule qui va vaincre le é ZA dur hiver. SA oY Enfant tres curieux, Armand a vite découvert |’atelier de menuiserie a la ferme de son pére. A neuf ou dix ans, imitant son pére et ses oncles, i] n’hésite pas a participer a la réparation des machines agricoles. A quinze ans, il surpasse tous les membres de la famille. La ov les experts échouent, Joseph-Armand réussit 4 comprendre et 4 réparer tracteurs et batteuses. On ne doute plus de lui, il est doué pour la mécanique. _ Lorsquesa famille déménage en ville, Joseph-Armands’empressed’acheter chez le bijoutier, ressorts, leviers, roues dentées, moteurs et autres mécanismes d’horlogerie. Sans relache et avec passion, le jeune inventeur monte, démonte et fabrique toutes sortes d’objets. I] met au point un petit tracteur motorisé qui fait l’envie de ses compagnons, un petit canot automobile, un canon miniature construita partir d’un vieux pistoletet une ae “— @l locomotive. Presque toute la ville de Valcourt connait les exploits mécaniques de l’ainé de la famille Bombardier. Sa carriére de découvreur, de créateur " = et méme d’inventeur est déja lancée. autres personnes pour répondre 4 la. perfectionner et adapter aux hivers canadiens plusieurs " modéles de véhicules a nei~ Au fur et a mesure qu’il poursuit ses études, Armand est de plus en plus convaincu qu’il va devenir mécanicien. A seize ; ans, le crcateur en herbe débute sa carriére comme apprenti M€canicien dans un garage de Stukely, et plus tard dans un garage l’industrie de la neige comme les , de Montréal. I apprend a une vitesse folle. Il suit méme des cours de génie €lectrique et de mécanique par correspondance. Sasoif motonei ges, les surfaceuses, les _ de savoir n’a pas de limites. Sib | L’hiver apprivoisé En 1935, Bombardier met au point une innovation technique qui lui permet de faire d’immenses progrés. i] invente un systéme de barbotins (roue dentée recouverte'de caoutchouc servant d’engrenage ala chenille) et une chenille faite de deux bandes de caoutchouc-coton reliée par des traverses d'acier pour améliorer la traction. La création d’un véhicule enfin adapté a la circulation sur la neige est imminente. Lerévede vaincre]’isolementhivernal des populations éloignées va se concrétiser en 1937, aprés 10 ans de recherche et d’efforts. L’autoneige B-7 (Bombardier 7 passagers) répond aux exigences de l’inventeur québécois qui change le nom de Garage Bombardier a l'Auto-neige Bombardier, une compagnie quisera incorporée en 1942. Les principaux usagers de ce véhicule sont les médecins de campagne, les vétérinaires, les commercants, les professeurs et 6léves des écoles rurales, les employés des compagnies d’électricité ou de téléphone et méme les entrepreneurs de pompes funébres. L’hiver est vaincu mais Joseph-Armand continue 4 créer différents modéles de véhicules. I] invente notamment des machines adaptées aux conditions d’exploitation forestiére, pétroliére et miniére tel le tracteur Muskeg qui, connait un succés, mondial.- 4 Par eau, par mer et par voie terrestre, l’>homme a toujours su se déplacer de plus en plus rapidement au fil des années. Dans les régions d’hiver de Il’Amérique du Nord, la motoneige fait fi dés vastes terrains enneigés, des bancs de neige et du froid depuis plus de 50 ans, grace au génie créateur de Joseph-Armand Bombardier. II a su De Montréal 4 Helsinski retourne a Valcourt et ouvre son propre garage. La grande aventure débute. dameuses, utilisées sur les pistes de ae . ski alpin, ien qu’a 19 ans, il igen oP om BOMBARDIER a, D'autre part, pour les amateurs d’activités aquatiques, lacompagniea mis au point la motomarine Sea-Doo qui permet de se déplacer rapidement sur|’eau. La compagnie fabrique aussi des véhicules de transport public: le Skytrain de Vancouver, les voitures des métros de New Yorketde Montréal, les trains-navettes destinés au tunnel sous la Manche, des avions et bient6t peut-€tre un TGV canadien. Cette — compagnie qui a débuté modestement — a Valcourt est maintenant présente — dans plusieurs pays: les Etats-Unis, la _ France, le Mexique, |’Autriche, la — Belgique, Le Royaume-Uni et la Finlande. Le réve de Joseph-Armand | Bombardier a dépassé les fronti¢res du Québec et du Canada. Le réve devient réalité Leréve de Bombardier de fabriquer un petit véhicule individuel ne s’est pas encore réalisé. Vingt ans aprés |’apparition du B-7, il congoit une autoneige fiable, puissante et légére, qui prendra le nom de motoneige. II tient mordicus 4 remplacer les traineaux a chiens dans le Grand Nord pour faciliter le travail des trappeurs. I] fait I'essai d'un modéle 4 Valcourt durant I'hiver. Les ajustements et la mise au point terminés, il n'y a plus de neige a Valcourt et il se rend dans le grand Nord québécois. Le 3 avril 1958, Joseph Bombardier fait l’essai de son Ski-Dog dans le grand Nord québécois. II tire sur le cordon pour faire démarrer le véhicule et il s’€lance sur ja grande surface blanche sous les regards ahuris des trappeurs et de son ami missionnaire. Un trappeur achéte la toute premiére motoneige qu’il va conduire pendant 10 ans. C’est une véritable aubaine pour le trappeur qui va prendre deux jours au lieu de quatre pour faire la tournée de ses piéges. D’autre part, il lui est plus facile et plus économique de mettre de l’essence dans la motoneige que de nourrir son attelage de chiens esquimaux. Le réve de Bombardier de créer un modéle a une ou deux places est réalisé: la neige est enfin apprivoisée. Aujourd’hui la = motoneige est utilisée a des fins de loisir pour s’évader sur la poudreuse (neige fraiche) et sur les bancs de neige partout a travers le Canada. DES POSTES « sae MémesiJoseph-Armand Bombardier est décédé en 1964, la compagnie qu’il a fondée en 1942 perpétue son génie inventif et son esprit d’entrepreneur. La compagnie Bombardier fabrique toujours des véhicules reliés a