Le Moustique Volume 2 - 11" édition Novembre 1999 Page VU prenais a cause toutes ces précautions et ces ruses de sioux. J'étais sir a présent que j'allais les voir, les surprendre avant qu'ils ne disparaissent. C’était une nuit sans lune, oui le jardin a demi sauvage était a peine éclairé par une myriade d'étoiles figées dans une épaisseur hyaline bleu noir. Je connaissais le chemin par coeur et avangais avec prestesse, le cceur battant, entre les buissons et les essarts qui se dessinaient en ombres indécises dans un fond a peine plus sombre. Lair, relativement frais, a peine chargé de senteurs fauves et de bois bralé, caressait mollement le visage et laissait présager une nuit pas trop peuplée de moustiques. Habillé légerement d'un short et d'une chemise a manches courtes, j'étais d'ordinaire leur cible favorite. Plus méfiant en regard des serpents, je portais de longues bottines qui me protégeaient les pieds jusqu'a la cheville. Protection bien illusoire car, aussitdt arrivé a mon poste de guet, je m'asseyais sur une petite termitiére, les cuisses nues au raz des herbes. Le danger n’'était toutefois pas bien grand : il a été reporté qu'en Afrique centrale plus de neuf morsures sur dix étaient dues a de tous petits serpents de nuit de quelque vingt centimétres de long. Le ventre blanc grisatre et le dos gris sombre, ces petits reptiles ressemblent a des orvets et n'ont pas les muscles pour se dresser bien haut. Les victimes étaient le plus souvent des Africains se promenant la nuit les pieds nus et la morsure jamais plus dangereuse qu'une piqire de scorpion. La place était surtout inconfortable pour les mille choses rampantes dont on ne pouvait distinguer ni la forme ni les intentions. Ce poste de guet était situé 4 quelques centaines de metres de la maison et faisait face a une sorte de clairiére ou plutét une trouée encombrée de taillis courts et de tres jeunes arbres dispersés. La petite termitiére qui me servait de siége, taraudée par de nombreux animaux et en grande partie fondue par les pluies, a la lisiére d'une végétation a la fois plus haute et plus dense, était sise au pied d'un arbre vénérable. C'était un wengué enti¢rement effeuillé mais cependant chargé d'épaisses grappes de fleurs papilionacées mauves, le faisant ressembler a un chéne déguisé en glycine. La nuit, beaucoup moins rassurant, il composait un immense trou noir dans lequel je disparaissais entiérement. De cet endroit, si je ne pouvais étre vu, les yeux habitués a l'obscurité, je pouvais par contre surveiller, devant moi, l'échappée blafarde a peine éclairée par le ciel immense. Mais déja, je ressentais une profonde déception. Désole, je constatais que l'endroit était toujours aussi obscur, sans lumiére aveuglante, sans méme la moindre réflexion phosphorescente, verdatre comme je l'avais ima- giné, comme je l'espérais depuis tant de nuits. Etaient-ils déja passés ? Allais-je devoir attendre une autre nuit entiére ? J'étais pourtant str quiils seraient la. Les signes m'avaient paru si favorables. Le fait que le secret ait été dévoilé par mes parents, mais surtout qu'ils m'aient laissé continuer d'agir de la sorte était I'indication que quelque chose devait se dénouer. Toutefois, ils auraient di déja se manifester ! J'étais la, les bras ballants, a la fois consterné et dépité par I'échec, quand un grand froissement de feuilles seches se fit entendre sur la gauche, a l'autre bout de la clairiére. C’était le bruit d'une chose passant pres d'un bosquet desséché, en partie briilé par les feux de forét. Une chose étrange car elle était accompagnée de petites lueurs faiblement teintées de vert, éblouissantes dans les ténébres environnantes et dansantes, comme des lucioles en vol ralenti. Katana. Suite dans le prochain Moustique.