Ser a a a ee a rayne eae _ ee te az Le mile francais Cing lecteurs, dont le soussigné, ont Kégerement ébranlé les colonnes du Devoir en prenant position sur le trip- tyque joual, québécois, francais. Le premier aime le queébécois, qu'il n’assimile pas forcément au joual. Le second croit au francais international, une fois faite la part des choses. Le troisieme préconise le joual en se réclamant de la linguistique descrip- tive, pardon, des ‘‘vrais linguistes”’ (O exclusivisme du ‘“‘free for all’’!) Le | quatrieme semble arriver aux mémes con clusions en se placant a un point de vue politique. Le cinquieme, pedagogue-lin- guiste-pratiquant, essaie, dans un loua- ble effort de syncrétisme, de faire plai- sir a tout le monde. Un mot turc Apres le NON de notre premier mi- nistre, les colonnes du Devoir repri- rent leur sévere caractere politique. Voici qu’un visiteur de Terre des Hom- mes a remis indirectement la question sur le tapis pour n’avoir vu que des ins- criptions en anglais au pavillon belge. On ne peut que souscrire & sa- protes- tation et l’en féliciter, car nous ne ré- partissons pas toujours nos énergies 3 bon escient quand il s’agit de protes-* ter. Si bon nombre de visiteurs avaient Suivi cet exemple, les intéressés auraient été obligés de tenir compte du fait pour- tant évident que c’est dans la proportion de 80 pour cent que nous sommes fran- cophones en cette province. Cet Etat plutét (Ceci dit non dans une intention Politique mais du point de vue de 1’ex- actitude: une province est gouvernée et un Etat gouverne... En principe du moins On aurait aimé, toutefois, que cette protestation ne fut pas affaiblie par deux anglicismes: littérature dans le sens de textes explicatifs, dépliants, inscriptions, etc., et kiosque dans le sens de compar- timent commercial. Les lecteurs qui re- jettent le joual parlé et le québécois écrit savent, ou admettront sans peine, qu'un texte publicitaire n’est pas de la littérature, mais bon nombre d’entre eux se rebifferont a l’idée qu’il faille cor- riger un anglicisme par le mot anglais stand. Toute la: question de savoir quelle langue nous devons parler se pose avec cet exemple. A un auditeur qui s oppo- sait (en québécois: s objectait) a l’em- ploi du mot stand — cela se passait a l'Université de Montréal — M. Dagenais avait demandé quel mot il proposait. Et l'auditeur de répondre: ‘‘Mais... kios- que ! ’’ Et M. Dagenais de répondre: “Mais... kiosque est un mot turc! ”’ Réservons kiosque aux abris des mar- chands de journaux ainsi qu’aux pavillons de jardins privés, ow l'on joue les amou- reux, et a ceux des parc municipaux, ou l'on joue les ouvertures. Nous som- mes en présence de deux mots d’origi- ne étrangere qui ont des sens précis et auxquels il ne semble pas possible, sauf quand on s’appelle M. Etiemble, de trou- ver des équivalents qui satisfassent. Pourquoi accepte-t-on un mot turc (ou italien comme bravo ou hollandais com- me yacht) et non pas un mot anglais? Deux raisons. Instinct de conservation bien sir, ce qui est tout 4 fait compré- hensible et louable. Connaissance insuf- fisante du vocabulaire étendu que le fran- cais — enrichi comme toute autre langue vivante de l’apport de vocabulaires étran- gers — met a notre disposition. Insuf- fisance qui s’explique partiellement par une ‘‘difficulté d’etre’’, qu’on ne sau- rait nous reprocher, et partiellement par notre culte de l’a peu pres. Il est fa- cile de traiter les Francais de pointil- leux (‘‘Sont assez fatiguants, ils veulent toujours employer le mot juste. ’’ Enten- du a Paris de mes propres oreilles) ou en- core de snob (snob? c’est pourtant un mot anglais! ) ; il est moins facile de faire un effort et de se donner la peine de s’instruire en allant aux sour- ces. _ Cette facon de traiter par-dessus la jambe les Francais — ce qui peut étre regrettable mais non dramatique — et la langue francaise — ce qui est grave — enleve 4 ce que peut avoir d’émouvant Yinstinct de conservation qui nous a op- posés, par la langue, 4 une complete assimilation. La’ génération de cégé- piens, me dit-on, et meme quelques-unes de celle qui l’ont précédée, comme le récent échange d’idees l’a démontré, pla- ce instinct de conservation dans quement d’un point de vue québécois. A nous, il peut sembler affecte de dire ou d’écrire mile. Mais il y a belle lurette que les Francais ne se servent plus du mille terrestre et quils le réservent uniquement au mille marin, de sorte ‘quils préferent écrire mile plutdt que mille anglais. Nous avons I'habitude de tout acheter | a la pharmacie alors que ce.n’est que pour faire remplir leurs ordonnances que les Francais vont 4 la pharmacie; ils achétent leur papier hygiénique au drugstore, terme qui fait se gausser : tous ceux qui ont I’habitude de ‘‘deman- der’’ des questions, qui choisissent un “plan” d’assurance ou “partent’” un{: Magasin. A cause de certains exces que les Francais déplorent eux-mémes, ne créons pas les faux problemes qui don- j* nent une fausse bonne conscience et em- péchent ainsi l’initiation 4 un vocabulai- re précis. Il est plus francais qu’un mot ait un emploi approprié qu’une al- lure francaise. A Vopposé, il ne faut pas faire du joual un épouvantail absolu. Une per- : sonne que j’estime me téléphona pour me dire combien elle approuvait ma prise de: position: elle ne comprenait pas, cependant, que j’admire les pieces de Tremblay. Se méfier sous toutes ses formes de lintolérance qui nous fait passer, en definitive, a cote du but qu'on se propose en faisant croire trop facilement que la correction consiste surtout a éviter le joual (‘Une belle temperature’, ce n’est pas du joual, ce n’est pas du francais non plus, c’est de Tanglais camouflé). Ce genre d’attitude rappelle celle des adversaires de art abstrait qui croient a l’oeuvre di’art quand ‘‘ca représente quelque chose au moins”. Une oeuvre de création réussie } © doit demeurer un beau monstre excep- tionnel si elle est écrite en joual, car le joual ouvre la porte a toutes les fa- cultés, mais elle ne devrait pas étre éliminée a priori. Et il y a des occa- sions particuliéres, une bonne blague | - a faire, un cri d’indignation qui vous sort des tripes, ot le joual prend une valeur expressive, parfois irrempla- cable. Les deux raisons invoquées ne} | sont pas, on le voit, sans avoir un cer- tain rapport. : Le joual intellectuel Le pire joual a éviter, c'est le joual intellectuel, c.-a-d. une enfilade mal construite, avec, par exemple, des “que” a la place des ‘“‘dont’’, et des embardées a couper le souffle, et ot les mots a la le, pris dans des sens trés approximatifs, cherchent a ‘‘struc- turer” “au niveau’ des ‘‘incidences’’ et “sur le plan’ des “extrapolations” une pensée tautologique ou, comme on dit maintenant, répetitive. Il est vrai, qu’a ce compte-la cer- tains Francais parleraient également le joual. Ou plutot le francais déguisé en cheval: ils savent articuler. Au risque de prendre le-ton du pro- fesseur, si ce n’est déja fait, je me permettrai de faire une troisieme re- commandation, mais sans entrer dans le détail car cela nous entrainerait trop loin: ne pas considérer l'anglais uniquement comme avantage pécunier et culturel ouvrant les portes des af- faires et de la littérature anglo-saxonne mais le considérer aussi comme moyen efficace pour nous, tout paradoxal que cela parait, de mieux approfondir le francais, de mieux faire la différence entre les deux génies, de facon 4 mieux éviter les pieces de _ Jl'anglicisation clandestine. Dans la livraison de La Presse du samedi 10 juillet, M. Réginald Martel a écrit un bel article sur la langue: En voici quelques extraits: “La littérature révele, 4 travers les oeuvres de ses conservateurs et de ses novateurs, ce que chacun des peuples francophones peut apporter d’original a lédification d’une francophonie vi- vante... Ce n’est pas faire preuve de chauvinisme culturel ou linguistique que de multiplier prioritairement les contacts avec les littératures nationales ‘des gens qui, autrement, n’auraient pu €tre touchés L‘“Histoire du Québec” en bandes dessinées... On a procédé au lancement de la premiére tranche de 1%*Histoire du Québec’’ en bandes dessinées selon l’interprétation historique de Léandre Bergeron, auteur du Petit manuel d’histoire du Québec, un best-seller québécois. Cette premiére plaquette, d’une série de quatre ou cing, contient 48 pages et porte sur le régime frangais en Nouvelle-France. Elle s’étend donc de la découverte du Canada en 1534 par Jacques Cartier jusqu’a 1740, peu de temps avant la conquéte. Puisqu’il s’agit de bandes dessinées, il va de soi qu’il: y a humour. Mais, a précisé Léandre Bergeron, on n’a pas voulu se servir de l’histoire du Québec pour faire de l’humour. L’humour, au contraire, doit servir la compréhension, estime-t-il, de notre histoire en touchant par le message politique de 1’auteur. De présentation fort agréable et en format pratique, la premiére plaquette ne saurait toutefois prétendre 4 la qualité technique de bandes dessinées internatio- nales puisqu’il s’agit, en quelque sorte, d’une premiére québécoise et qu’on a dQ préférer le noir et blanc 4 la couleur afin de pouvoir mener a bon terme le projet. Dues au talent artistique de Robert Lavaill, ces bandes dessinées historiques, ont été tirées 4 10,000 exemplaires et avant méme d’étre mises en vente, les Editions Québécoises sont occupées 4 une. premiére réédition puisque la demance des libraires laisse entrevoir que ‘cette premiére plaquette devrait se vendre aussi bien que le Petit manuel d’histoire du Québec, lequel a franchi le cap des 75,000 exemplaires. Les autres plaquettes de l’Histoire du Québec devraient étre publiées A raison d’une tous les six mois. La seconde portera sur la conquéte de 1760 et le régime anglais, la troisi¢me sur la rébellion de 1837-1838, la quatriéme sur la confédération canadienne. d’expression francaise... Nos meilleurs écnivains ont acces 4 un public millions de lecteurs-qui partagent av eux, au-dela de mille différences, moyen d’expression qui s’inscrit da ce que la conscience individuelle et col une autre perspective. Puisqu’il est de mode de parler d’objectifs 4 court, moyen ou long terme, je dirai qu’a mon avis cette perspective n’en est pas une a long terme. On veut, a linstar de Ri- chard III troquer un empire contre un cheval. Le roi, lui, se sentait perdu. Avons-nous déja perdu la bataille du ff francais que nous nous sentions préts a Pabandonner et a nous isoler définitive- } ment? : Certains d’entre nous qui n’ont abdiqué, qui ne veulent s’isoler, ‘condamnent pourtant a la legere des an- glicismes, nés a Paris, en jugeant uni- lective a de plus profond.” z La Fédération des Franco: Colombiens -1013-B Brunette Maillardville (B.C.) Tél. 526-9616 Le ‘Comité scolaire de la Fédération des Franco- Colombiens commencera ses activités au début du mois d’octobre 1971. : Les objectifs de ce Comité : - Il devra tenir compte de la résolution adoptée lors du dernier congrés disant que les droits du francais, langue d’enseignement pour les citoyens francophones, soient revendiqués dans le cadre des lois provinciales existantes. - Ce Comité devra étudier les possibilités de négocia- tions avec le gouvernement provincial et les conseils d’écoles régionales, de soumettre des propositions & cet effet au Comité exécutif de la Fédération. - Si vous désirez vous joindre A ce comité, veuillez s’il vous plaft contacter la fédération par téléphone (526-9616) ou par lettre ( Fédération des Franco- Colombiens, 1013B rue Brunette, Maillardville, B.C.) 4 LE SOLEIL, 10 SEPTEMBRE 1971, V