ENSEIGNER ET APPRENDRE LE FRANCAIS... On pensait ainsi stimuler le pouvoir intellectuel “formaliste” et, aussi, de repérer les éléments potentiellement capables. Des écoles secondaires furent créées 4 Nanaimo, New West- minster et Victoria. Le profil de la population étudiante révele, par niveau et matiére enseignée, un mélange de vieilles attitudes britan- niques victoriennes envers les classiques et d’idées pragmatiques nord-américaines. TABLEAU 1 (voir p.21) NOTES 1. Source: 2. L’école secondaire de Victoria était organisée selon 4 “divisions” ou “années grades”, Vancouver en 5, New Westminster en 2 et Nanaimo en 1. Les éléves sont agés de 12 a 20 ans, le rapport numérique nombre d’éléves/enseignant allait de 1:1 4 59:1 selon les classes et les matiéres. 3. Matiéres non considérées dans cette discussion: “Lecture Ge niveau”, dictée et orthographe, dessin géométrique, géographie, rédaction, réthorique, anatomie, histoire de Rome, histoire de la Gréce, histoire de l’Antiquité, histoire générale, comptabilité, arithmétique, mesures, géométrie, trigonométrie, philosophie, botanique, zoologie, astronomie et chimie. (*): (1) Lecture Ge niveau, (2) Dictée & Orthographe (3) Géographie, (4) Algébre (5) Latin, (6) Grec, (7) Frangais, (8) Littérature anglaise, (9) Musique, (10) Civisme, (11) Gymnastique. En 1897, Alexandre Robinson, le Principal de l’école secondaire de Vancouver, demanda que le latin et le grec soient obligatoires et tout spécialement pour ceux qui se destinent a l’enseignement. L’effet de cette politique se réfléte dans sa propre école ot le frangais se trouvait au deuxiéme rang des matiéres enseignées. Ailleurs dans la province, le francais était aussi populaire que le latin, non loin derriére la grammaire anglaise, matiére obligatoire. Cette grande importance des langues—y compris le francais—-a de quoi surprendre quand on sait que l’école secondaire préparait généralement les éléves pour l’entrée a l’université, pour les examens et les “métiers”. Ceci peut s’expliquer a la lumiére des examens d’enseignement et de sortie (15). En 1897, les éléves quittant l’école secondaire étaient supposés pouvoir écrire en frangais les nombres cardinaux de 1 a 100, de conjuguer au présent et au futur les verbes suivre, aller, connaitre et de traduire en anglais un paragagraphe assez difficile d'un texte d’Anatole France (16). Ceux qui passaient l’examen d’enseignement travaillaient des textes de Du Bellay et de Voltaire (17). En dépit du niveau relativement bas du statut de la profession enseignante de l’é€poque, les futurs instituteurs des écoles primaires étaient censés passer cet examen. II semble que I’enseignement du frangais dans la plupart des écoles secondaires de Vancouver était percu comme relevant de la responsabilité civique des citoyens. Ceci est particuliérement surprenant a la lumiére du matériel d’enseignement de grande abstraction que devaient utiliser les éléves de Vancouver. Dans l’ouvrage de Fraser et de Squair —le “classique” dans les écoles de la Colombie Britannique—la grammaire et la lecture étaient arrangées selon l’ordre suivi dans l’ouvrage publié en 20 1820 par Kennedy sur le Latin Primaire (18). A l'exception de nombreuses orientations sur la prononciation du francais (19), l'accent était mis sur la grammaire en se basant sur la “littérature de qualité”. 249. Utilisation des impersonels. 1. Verbes dénotant des phénomeénes naturels et un lien sont impersonnels,comme en anglais: il tonne, il a plu; il pleuvra. . . Il a gelé hier; il dégéle. . . et l’exercice pertinent, 300 pages plus loin: Ex. XVIII, a. 1. Si le temps le permet, nous irons ramer cet aprés-midi. 2. S’il pleuvait cet aprés-midi.. . (20). L’objectif poursuivi était d’enseigner les structures formelles, d’abord en corrigeant de longs exercices a structure décousue. L’enseignement du frangais a Vancouver portait, dés le départ, les germes d’une maladie redoutable : le formalisme. Le formalisme soutient que la compétence linguistique “formelle” est “transférable” en dehors de l’éventuelle “performance” de la langue. Donc, un bon étudiant en grammaire francaise devrait automatiquement étre bon en arithmétique ou dans ses taches professionnelles ou encore dans la conduite de sa vie. Bien que Thorndike montre la non-validité de cette position dans ses recherches de 1920, cette croyance n’en continua pas moins dans les écoles de Vancouver (21). Dans la pratique actuelle, le formalisme revenait 4 une mémori- sation de la conjuguaison des verbes et de listes de vocabulaires, un tableau noir couvert de phrases bien structurées et de modéles de phrases (et parfois de tentatives de traduction par |’étudiant) (22). Certains commentateurs pensaient que les Vancouvérois ne pourraient apprendre a parler et a utiliser la langue francaise si le formalisme était remplacé par une pédagogie vivante et pratique. Mais ces voix mal assurées ne furent pas entendues (23). 2. Comment le FLS résista au progrés: 1925-1960 Le pourcentage des éléeves du secondaire suivant des cours de francais 4 Vancouver est demeuré relativement élevé (entre 80% et 94%) depuis 1925. Et pourtant, le recensement de 1981 montre que le pourcentage de résidents nés en Colombie Britannique et utilisant journellement le frangais était bien en-dessous de 1%, comme cela avait été le cas depuis un siécle. Ceci suggére que les réformes pédagogiques espérées en 1920 n'ont peut étre pas encore effective- ment eu lieu. De fait, ces réformes ont lieu, quoique lentement. En 1925, l’enquéte de Putman et Weir “Survey of Public Education in British Columbia” montre que “les écoles secondaires de la Colombie Britannique . . . suivent un programme étroit et rigide—pas nécessairement rigide dans son intention ou en théorie mais dans... son résultat pratique. Ces écoles répondent aux besoins capricieux de deux classes d’étudiants—ceux qui espérent entrer a Puniversité et ceux qui veulent enseigner” (24) L’enquéte recommanda que le francais devienne encore plus une matiére a option qu'elle ne l’était déja, mais ne dit rien quant a changer sa pédagogie (25). Cela se passait douze ans avant le changement des programmes provinciaux. Et quand cela arriva, ce Le chronographe Volume III no. 1-2, Printemps-Eté 1986