eatin =P ee LCL ENVERS DU DECOR Tous les .ans, aux ap- proches de l’ouverture des cours d’été, 1’Université de © la Colombie Britannique re- vét sa robe verte A semis de fleurs. Cette année, ren- due peut-étre frileuse par un hiver tenace, elle a long- temps hésité 4 se dépouil- ler de son manteau de gri- saille. Il n’y a pas si long- temps encore que les étu- diants contournaient les chantiers pour patauger jus- qu’a leurs classes, ces chan- tiers qui se mueront, dit-on, en pelouses etmassifsre- couvrant les salles souter- raines de la nouvelle biblio- théque. Pour l’heure, 1’Université s’étend, pareille 4 un jardin botanique, sous la coupole du ciel bleu. Assises sur le mur d?un parterre, quelques jeu- nes filles jabotent et rient. Ce sont des employées de la bibliothéque. Tout 4 l’heure, au signal de l’*horloge-pylone dont l’aiguitle d’ombre tourne sur les pelouses, elles vont reprendre le tra- vail. Les unes veillent au tourniquet ot on leur tend une earte d’emprunt qu’elles passent nonchalamment dans une machine. Les autres er- rent par les galeries et s’ar- rétant devant les rayons pour y replacer des livres. D’au- tres encore, assises comme des écoliéres 4 de longues tables, y classent sempiter- nellement des fiches biblio- graphiques. Heureusement que la présence de ces filles illumine de l’éclair de leur robe ces lieux aystéres. El- les. dispensent ici 1’¢l1ement humain, et nous rappellent que l’allure d’une jeune fille, son regard, son sourire, va— lent mille fois mieux que trois ‘cents pages de lecture. L’Université concilie les deux pdles de l’univers poésie et prosaisme. D’un cété, bétons, machines et bouquins ; de l’autre, ruis- seaux, femmes et verdures. Hélas, les jardins, les al- lées, les bosquets, doivent, pour les universitaires, se reléguer dans l’ombre et s’abandonner aux oiseaux. Professeurs et étudiants ne peuvent s’y attarder. [1 leur faut passer le plus clair de leurs heures dans les ruches de pierre ot ronronnent les . appareils et dorment les re- liures. Dans les locaux de la facul- té des sciences, parmi des relents d’éther et d’acétone, des chercheurs observent le frémissement, dans des bal- lons de pyrex, de poisons violets. Des jeunes filles se penchent sur des vapeurs. Et quand l’une ou l’autre se détourne un instant pour re- garder qui passe, on se dit : quel dommage ! quel gaspil- lage ! une si charmante cré- ature victime de la science, et si propre 4 inspirer l’a- mour ! D’ot vient cet entétement des femmes d’aujourd’hui A. concurrencer les hommes? Comment leurs mains si fi- nes peuvent-elles inoculer un virus 4 un lapin pour le progrés de la biochimie et 1?indépendance, peut-étre il- lusoire, de leur féminine -meront les sentiers du do- - née. personne? Avides de s’af- franchir de Phomme, elles se lient 4 la communauté. Que je regrette le temps ot les femmes évoluaient en d’autres domaines ! Au- trefois, une fille pour un garcon, un garcon pour une fille, cela offrait quelque - chose de mystérieux et d’at- tirant. La femme de la bonne société feignait de se plier 4 l’égoisme de 1’homme. Elle se mariait avec celui qui avait cru la choisir et qu’en| fait elle s’était choisie. Elle lui donnait l’impression de cominander tout en l’asser- vissant aux rénes invisibles de sa féminité..Est-il rien de plus lourdaud qu’un hom- me aux prises avec une fi- naude? Les temps de l’homme fort et de la femme enjdleuse s’éteignent. Dans un des la- boratoires de l’université, une jolie savante filtre de la pyridine et empeste les couloirs. A midi, elle se hate vers la cantine pour un! rapide casse-crofte ; et ja- mais ne s’arréte aux oi- seaux ou aux fleurs. Pa- tience ! Un jour, détachée de ses poisons, elle sur-| prendra, sur le chemin de la bibliothéque, le regard de l’homme qui l’aimera et qu’} elle aimera. Et en leur hon- neur les arbustes od pen-} dent des grappes jaunes dont jiignore le nom répandront leurs senteurs et transfor- maine en chemins d’hymé- LE COIN DES POETES Evariste Monsecours Tu penses que tu sais Ce que je pense. Je pense que je sais Ce que tu penses. Qu’est-ce que tu penses? Qu’est-ce aus je pense? Penses-tu ET moi, est-ce que je pense? Nous savons, vous savez, que Les autres savent rien. Les autres, eux, savent que Nous sommes ignorants. Je pense que tu penses Que je pense rouge, Mais je pense bleu. Tu penses bleu mais Je crois que tu penses rouge. Est-ce qu’on pense en couleurs % - Rouge et bleu ou bleu et rouge? Je pense en couleurs Et toi? Collectivement, ensemble Nous pensons que vous pensez Que nous sommes, sans erreur Des colons. Paysans. D’ailleurs, en groupe Soa | Vous pensez que nous pensons Que vous étes tous 6 Je pense que tu penses que Je pense que tu penses que Je pense comme tu penses. Mes parents pensent que je Pense comme eux. Non. _ Je suis certain que je ne pense} Pas comme eux. Certain ! Des snobs. Ecoeurants. Mais je pense que tu penses Que je te trouve stupide. Et tu penses que je pense Que tu es idiot. Mais comment, pourquoi ? ~ Je suis leur fils _ J’ai pas de téte 4 moi Ma téte est leur téte Leur téte est la mienne. Je n’ai pas de pensées Tu n’as pas de pensées Mes pensées sont les tiennes Les tiennes sont les miennes. Pas Vrai ! Quelle faillite ! ETRE A LU ECHELLE par Jennifer Lutham. Citystage (nom grandiose pour une salle modeste) con- tinue ses programmes 4 mi- di. En ce moment vous pou- vez y voir unprogramme jeune et spirituel. Cela con-; siste en des courts mor- ceaux ‘Babel Rap’? un duologue par John Lazarus et ‘*The Hero’’, un mime aussi pour deux, par Ar- thur Kopit. Dans le premier, deux ou- vriers sont sur une échelle juchée sur une estrade. Un ‘travaille avec un marteau et l’autre se détend avecune cigarette. Le martelier, joué par John Lazarus, est conformiste, matérialiste et préfére le statu quo. Son partenaire, 1l’expressif Alexander Diakun a des traits opposés ; il est ré-, veur, questionneur et révo- . lutionnaire. L’échelle représente la Tour de Babel, déja trés. haute, comme le prouve le passage d’un adorable nuage mousseux. La piéce consis- te en un dialogue amusant entre ces deux personnages qui disputent d’abord la va- leur de leur travail, l’exis- tence de Dieu et la raison d’étre méme. Dieu se mani- feste au cours de cette dis- cussion par un coup de ton- nerre magistral quirenforce la foi vacillante des hom- mes. Lazarus a écrit un dialo- -gue qui s’enchafne avec beaucoup de naturel, les ac- teurs se déplacent sur, sous et autour de l’échelle avec grace et précision. C’est -trés habile et spirituel. Seu- lement, j’ai trouvé la fin trop abrupte et pas assez’ motivée. Il est certain qu’ avec ses dons, John La- zarus va écrire des pié- ces sans ce défaut. Il pa- raft qu’il s’est donné le dé- fi d’écrire une piéce sur n’importe quel objet et son oeil est tombé sur une échel- _le. D’od, ‘‘Babel Rap”’, quia été écrit en une soirée. Le mime est aussi d’un fantaisie délicieuse. Un clo chard bohéme, Gregory Rei rencontre une clocharde so lide, Anne-May McKellar. Galamment, il lui tend s crofite rassie. A la fin, il sont assis, l’un 4 cdté d l’autre 4 regarder le solei couchant. Ce programme est A as fiche jusqu’au 14 juillet, to les midis 4 12h15 et 4 1.15. Citystage est situé au 591, rue Howe, prés du carre- four Howe-Dunsmuir. Vous y passerez 40 minutes de plaisir pour un dollar seu-' lement. Une affaire !_ XII, LE SOLEIL, 14 JUILLET 1972 , a tare