ri ate { a [Midi D’or et De Feu par Roger Dufrane’ La conférence de Monsieur Claude Bouygues 4 1’Alliance Frangaise, différée depuis le printemps, nous a enfin ete donnée. Causerie instructive sur la Croisade contre les Albigeois, et dont nous sor- tons plus admiratifs encore de la civilisation provenc ale. Celle-ci fleurit au douziéme siécle et fut piétinée au trei- ziéme par les fer-vétus du nord de la France. En ce temps-1a, de vastes régions, Ile-de-France, Normandie, Bourgogne, se guerroyaient. La France §’enfantait dans la douleur. Peu & peu, les provinces du Nord, frustes, s’entendirent pour envahir le Midi plus raffiné, ou s’était maintenue la flam- me de la civilisation romai- ne. Certaines villes jouis- saient d’un régime démocra- tique. Des intellectuels y dissertaient sur la philoso- phie; et la science des a- rabes d’espagne s‘enseignait dans les écoles. Les sou- doyers des pays de langue d’oil vinrent combattre les populations des pays de lan- gue d’oc. La défaite du Midi hata l’unification de la France. Mais les Ames sensibles et les esprits impartiaux dé- plorent la fin d’une culture qui pronait l’amour courtois et la douceur de vivre. Un reflet de cette gentillesse avait d’ailleurs pénétré la littérature seigneuriale du Nord. Dans les romans cour- tois alternent bravoure et tendresse, et la femme do- mine. Elle impose 4sonser- de moeurs encore lear Prat MA vant, mille épreuves qu’il surmonte pour le don d’une écharpe, d’un baiser, ou un abandon plus secret. Je remuais ces pensées dans la salle de 1’Alliance fran- gaise,le mercredi soir 3 no- vembre dernier. Mais voici que les rumeurs se taisent. Monsieur Kardos, le Pré- sident, nous présente le con- férencier. Homme du Midi, poéte, historien et profes- seur, Monsieur Bouygues nous raconte avec précision la Croisade contre les Al- bigeois et nous la fait re- vivre. Cette civilisation oc- citannienne, détruite par le fer des soudards et le feu des bQchers, Monsieur Bouygues nous explique sous quel prétexte elle le fut: l’hérésie. Les Albigeois ou Cathares, influencés par le maniché- isme de l’Orient, voyaient le monde osciller entre deux poles: Dieu et le Démon, le Bien et le Mal. La doc- trine des ‘Parfaits’ consis- _tait 4 détruire en soi, par l’ascétisme et la purifica- tion morale, l’esprit de la matiére, celui du mal. Sans -entrer dans les rites étran- ges de cette secte, retenons que Rome ne put tolérer une doctrine qui s’éloignait par -trop de la sienne. Le pape essaya d’abord de la persuasion, sans succés. Puis on recourut 4 la force. Simon de Montfort se vit chargé de diriger la croi- sade. La résistance du Midi dura de longues années. Des villes furent saccagées; des hérétiques, ou prétendus tels, bralés par centaines. Monsieur Bouygues avance qu’un million de personnes périrent. Aprés sept siécles, le Mi.di _aient converti les foules? ne s’en est pas encore re- levé. Cela ne se discerne pas} sous le ciel bleu de la Pro- vence. Pourtant, remarque en substance Monsieur Bouygues, il subsiste dans le subconscient des francais méridionaux une instinctive défiance des Frangais d Nord; en méme temps au’u profond regret, celui d’avoir perdu une civilisation pré- pondérante autrefois, et un langue aujourd’hui descen- due au rang de dialecte L’histoire des ages révolu -apparaft comme une ancien- ne tapisserie aux figures 4 demi-effacées. Elle four- mille d’énigmes et de vides. Comment le pays de la joie de vivre, le jardin des trou- badours qui chantajent 1’a- mour des belles et ne se| contentaient pas toujours d’ un sourire, mais s’adon- naient aux plaisirs sensuels, a pu cultiver la religion désincarnée des cathares? Est-il croyable que les pro- sélytes de cette doctrine Pour moi, j’hésite 4 le croi- re. D’ailleurs, que serait-il advenu d’une Provence et d’ une Septimanie s’adonnant tout entiéres 4 des dogmes qui interdisaient tout com- merce charnel, méme dans le mariage ¢ Plus efficace- ment que la croisade, cette abstinence efit détruit la race. Jsaurais voulu deman- der 4 Monsieur Claude Bouy- gues ce qu’il en pense. Mais 4 l’heure du café, il se trou- vait accaparé; et je suis re- tourné dans lapluie nocturne en remuant des songes. Ainsi Font Font par Jennifer Luiham. Comment fait-on pour jouer du Moliére lorsque la dis- tribution demande douze co- médiens et l’on n’en a que six Eh bien, si on est ‘‘Les Jeunes Comédiens de Qué- bec, on se sert de marion- nettes, et ceci trés habile- ment. Leur version de Moliére, robuste, accélérée et jouée sans entr’actes, semble étre’ cans la tradition du Com- media dell’Arte. Un Scapin a la barbe noire et avec un air de pirate, c’est Paul Savoie. Doté d’une belle voix et d’une bonne diction, Scapin était le plus facile 4 com- prendre pour les éléves an- glophones. I] est excellent dans la scéne ov ilessaie de persuader Géronte de se ca- cher dans le sac. Ceci est une vraie épreuve de versa- tilite pour un comédien qui doit imiter des régiments entiers qui s’approchent tout en intercalant des propos de Scapin lui-méme. Peut-étre aurait-il pu montrer plus de malice car son jeutrop franc ne montre pas pourquoi il se plaft 4 tourmenter les deux péres. - Remarquons Claudie Ver- dant, une jeune actrice qui posséde une belle présence en scéne. Les costumes, de couleurs gaies, jaune, orange, rose abricot et turquoise ajoutent A cette ambiance de carna- val. A la fin, les péres sont représentés par de grosses tétes genre ‘‘Mardi Gras’’. Scapin est diminué, il a joué son rdle et maintenant 1’ autorité paternelle est réta~ blié. Les décors ingénieux sont de Wendell Dennis. Livres Depuis que j'ai appris le fonctionnement du monde de l édition, j entends dire que le livre se porte mal au Québec, qu’il y a des problémes de tou- te nature: distribution, vente, remise spéciale, manuels sco- laires, etc. : La situation, si l’on en croit les voix autorisées du- monde de l'édition, n’aurait pas été corrigée par la création du Ministére des Affaires cultu- relles, et les modestes tenta- tives sur des marchés étran- gers, n’ont donné que de bien pauvres résultats. Le dilemme qui se pose pour le livre est le méme qui se pose dans les autres secteurs de la vie intellectuelle et ar- tistique: devons-nous _at- tendre de I’Etat des solutions miracles a toutes les sai- sons? : D'autre part, quand on con- nait les atermoiements, les petites Ts et le manque @efficacite du Ministére des Affaires culturelles du Qué Andrée Maillet: un nouveau-né .. bec, on ne peut que sourire aux réves qui se discutent a coups de mémoires ou de discours ministériels. Ce qui caractérise également l’action gouvernementale dans le domaine du livre (on re- trouve la méme chose ail- leurs), c’est qu’elle survient généralement_ quelques _an- nées trop tard. De’ felle sor- te que tous les ‘i és. sont mécontents et- que%les réfor- mettes ultérieures-sne font qu’envenimer és chiéses. Et il faut bien le dire: le Québec est pauvre, tres pau- vre. s A L’ACTUELLE, la question se présente de facon un peu différente a cause de I’affilia- tion de la maison au groupe Sogides: ainsi nous bénéfi- cions des services d’impri- merie, de maquettes, de dis- tribution et autres, qui sont solidement installés et dont l’efficacité est bien connue. L'ACTUELLE entreprend sa deuxiéme saison; depuis la fon- dation de la maison et jusqu’au ‘jour ol parait ce bref bilan, nous aurons publié onze nou- veaux romans et nous en jau- ront réédité huit autres. Nous aurons créé le Prix du Ro- man de l’ACTUELLE (dé- cerné en mars dernier 4 Gilbert Langlois pour LE DOMAINE CAUSSAUBON et nous aurons aussi créé Je Prix de ACTUELLE JEUNESSE décerné en sep- tembre dernier a Pierre Sylvain Fournier (l5ans) pour son roman CRIMES A LA GLACE. La saison qui s’amorce se presente fort bien-et nous pu- lierons, comme prévu, un nouveau roman tous les mois, peut-€tre méme 4 toutes -les trois semaines, car nous rece- Claude Jasmin: “L'Outagarasipi” ... Suite 4 la page 9. VIII, LE SOLEIL, 19 NOVEMBRE 197]