; ors d’une visite trop longuement attendue dans VOuest canadien, Vensemble musical de Québec Les Violons du Roy a comblé les attentes d’une cour hélas éparse samedi soir au Chan Centre. -prenant des — Les Violons du Roy Un concert & guichets fermés n’aurait pas surpris, compte tenu de la réputation grandissante du groupe et, surtout, du talent de ses musiciens, Le programme, com- oeuvres de Haendel, Geminiani, Mozart, et le monumental Stabat Mater de Pergolése, était prometteur. Les trois pre- miéres oeuvres, instrumen- tales, furent jouées avec une fougue et une fraicheur exceptionnelles : la proximité sonore était presque irréelle, les qualités acoustiques du Chan Centre honorant a irchets anciens, instruments -LEs VIOLONS DU ROY Photo : Paul Labelle LE POUVOIR DE LA FICTION Saga de Tonino Benacquista suis -erplexe... Je perplexe... Le der- nier roman de Tonino Benacquista, un auteur francais, vogue dans des eaux incertaines. En lisant Saga, on se sent tour a tour, pareillement au narrateur et personnage principal, dans un ~drame psychologique, une comédie de moeurs, une série B @espionnage et un film de guerre. Lhistoire de base est simple et propice a une critique sociale cinglante. Une chaine de télévision, pour faire face aux quotas de productions locales imposés par l’équivalent francais du CRTC, engage quatre supposés minables scénaristes - ou, véritablement, quatre écrivains sans le sou et sans emploi - pour écrire une série télévisée. Leur défi, si défi il y a: écrire une série qui passera de 4h 45h pendant la nuit, sans plus de 10 personnages et de 4 décors, aucune scéne extérieure et... faire un total de 80 heures @antenne (ce quil faut pour atteindre le quota). Sils respectent ces critéres, les scénaristes peuvent faire 1Wimporte quoi. Et c’est 1d tout Pintérét de ce qui va suivre. Empruntant au mythe du gargon élevé par les loups, au cinéaste Bergman, aux supér- productions américaines, ils — invrai- semblances, les digressions qui leur passent par la téte. écrivent toutes les Pendant le premier deux tiers du roman, nous assistons a-oulécriture --et:.a la production de cette série intitulée « Saga ». Et c’est, pour lauteur, l’occasion de mettre en place une satire de la télévision d’état : manque complet de culture chez les producteurs et dirigeants de la station, administration fonc- tionnariste du milieu arlistique, intrusion =a outrance de tout un chacun dans le processus créateur. De méme, l’auteur prend plaisir d exposer les _ différentes relations que le public entretient avec ce puissant média. Le tout est raconté sur un ton léger, sans exces, comme si tout allait de soi, laissant le lecteur juger par lui- méme de cette — satire. Benacquista posstde cette agilité d’écriture pour nous entrainer, comme les télé- spectateurs du roman, a Pintérieur de Vunivers du téléroman : nous sommes pris au piége de la série comme ceux dont il fait la critique. Dans un méme élan, il nous laisse espace nécessaire pour Le vendredi 13 mars1998 15 merveille.. ce type de formation. Un chandelier monumental d’un poids de quelques 37 000 livres avait pour la circonstance été rapproché de la scéne et, telle une épée de Damocleés, planait au-dessus des musiciens, sans pour autant que cela semble affecter leur jeu ! La soprano Karina Gauvin et la mezzo-soprano Catherine Robbin rejoignaient ensemble pour le Stabat Mater. Gauvin, qui progressait avec aisance et fluidité dans cette oeuvre contrastée, ou les passages solo alternent avec des ~duos aux _ structures complexes, aura charmé, sinon subjugué. Son inter- prétation du « Vidit Suum Dulcem Natum » était sai- sissante - un de ces moments magiques ou le temps est suspendu - et démontrait une maitrise parfaite jusqu’aé la résolution finale du passage. Fondé en 1984 par son dirigeant actuel Bernard Labadie, l'ensemble Les Violons du Roy, constitué de 15 musiciens, se caractérise remettre en question notre attitude. Continuel- lement, il nous améne dans ce va-et-vient. Toutefois, la suite - la série B d’espionnage et le film de guerre - nous laisse ahuris. Une fois le dernier épisode du téléroman terminé, une cassure se produit, dans le ton, le style, Vhistoire. Mais ce changement de cap m’a laissé perplexe. La ot la folie était tout en douceur dans la premiére partie, elle devient frénétique, presque — incon- trélable dans la derniére. La ot. la satire se déployait subtilement, elle se transforme en un pamphlet sans grande LOAEFNES par une grande cohésion, un jeu souple et audacieux et un style d’interprétation fidéle a celui de l’époque des oeuvres. Jouant sur des instruments contemporains avec des archets d’époque - une approche musicale hybride qui réconcilie les anciens avec les modernes - Les Violons du Roy parviennent a offrir une sonorité qui combine chaleur, spontanéité et précision. Le jeu est dynamique et empreint d’une fraicheur rare dans les cercles baroques. Car, contrairement & ce que le bon sens pourrait indiquer, le son proprement baroque des instruments 4 cordes dépend en grande partie de l’archet et dans une moindre mesure de instrument lui-méme. Le résultat est un enchantement ceux qui n’auront pu assister 4 ce concert le découvriront a travers une discographie prolifique, saluée par la critique, sur le label Dorian. BERTRAND PICHENE imagination. D’une _shis- toire plutdét simple et bien cons- truite, on tombe dans un mon- de ot la démesure est reine, comme si le rocam- bolesque de la série télévisée envahissait le réel, comme si la fiction débordait du cadre de la télévision, comme si la série, une fois achevée, voulait vivre sa propre existence. Benacquista force la mesure, en quelque sorte, et nous démontre (particuliérement dans les derniéres pages) le pouvoir de la fiction sur la vie ou comment de bons auteurs peuvent conditionner votre histoire. ANDRE LEVASSEUR Saga de Tonino Benacquista (Gallimard, 1997) est disponible a la librairie Manhattan, 1089, rue Robson & Vancouver