Le Moustique je me suis tenu des deux mains a un des madriers horizontaux et, dans un beau mouvement de balancier, j’ai lancé les jambes vers la cabine. Comme une barquette au bord de l’eau, la nacelle, sous le poids de mon corps, s'est écartée du mirador, me laissant suspendu dans le vide. - Ce n’est pas ainsi que |’on entre dans une télécabine, a dit ma fille sentencieuse. - Sans doute ! Mais alors, comment fait-on ? - Enléve-toi de la que je te monire. - C’est justement la que réside le probléme, dis-je en sentant mes doigts glisser du madrier. Comment fait-on pour s’enlever de la ? - Ne lache pas prise surtout ! Et cela, sans conteste, était un excellent conseil. La journée avait donc été extrémement longue : nous arrivions enfin au camps alors qu’il était déja cing heures dans l’'aprées-midi. Nous avions vu tous les paysages, fourni tous les efforts, ressenti toutes les frayeurs et, surtout, nous avions, ce jour-ci, parcouru neuf kilométres. Trois fois plus que d’ordinaire. C’était la confirmation que nous n’arrétions pas de nous améliorer. Le camp a Camper Bay est confortable. Un sable blanc adoucit et absorbe le poids des muscles fatigués. Une riviere fraiche et chantante passe devant la tente dans un dernier méandre, pour se jeter dans la mer ou elle s’enfle avec la marée. Le repas est agréable, le coucher du soleil roman- tique quand il méle ses derniéres flammes avec celles du feu de bois. La oluie n’a pas percé les sacs. les draps Volume 4 - 3° édition Mars 2001 sont secs. La vie n’est pas désagréable en fait. Et la nuit a été excellente. C’est Paube, enfin presque ; il doit étre sept heures. Le soleil est déja haut. Tiens ! Ii ne pleut plus ! Quelqu’un gratte a l’entrée. Que se passe-t-il ? Que nous veut-on ? Ma fille tire la fermeture éclair. Le grand gars dhier est a la porte. Les genoux dans le sable, il tient dans les mains deux grandes tasses qui sentent bon le chocolat chaud. On le sent mais on ne le voit pas car, par-dessus le liquide, il y aune épaisseur de creme fraiche mouchetée de paillettes d’un chocolat noir de qualité. La surprise est totale. L’escogriffe est la, avec un immense sourire plus charmeur que jamais. Il nous tend les boissons avec un gentil compliment que nous ne méritons certainement pas a cette heure matinale, au levé du lit. Je vois fondre ma fille comme la créme sur le chocolat. Et moi-méme, je dois le reconnaitre, je trouve l’initiative des plus sympathiques. Je commence a comprendre a présent ce que ma fille voulait dire quand elle affirmait que sa présence a mes cétés, dans cette aventure de la céte ouest, serait une aide et un réconfort. Je n’imaginais pas que son assistance prendrait un tour aussi subtil. A peine choyé, je me sens déja gaté : avant méme de tremper mes lévres dans le breuvage, je me suis posé la question de savoir si nous allions avoir droit 4 ce régime tous les matins. Cela deviendrait une randonnée magnificente. Alors, tant pis pour la performance si le luxe est a ce prix. Ma fille aura été d’une aide inestimable. A suivre... Page 13