16 - Le Soleil de Colombie, vendredi 24 avril 1987 francophonie de I'an 2000, dans l’optique du Congrés ’87 de la Fédération des Franco-colom- biens, qui aura lieu 4 UBC du 15 au 17 mai. Congrés 87 Alors continuez. Vous n’avez plus qu’un mois pour faire connaitre dans Le Soleil votre position sur un des thémes du Congrés. Assimilation, position des femmes [double minorité?], impact du financement fédéral sur la communauté, immersion [probléme ou allié?], pouvoir politique et économique: voici quelques-uns des sy fat qui seront abordés pendant les deux jours du vous le vivez. s. Faites-nous savoir ce que vous en pensez. Faites-nous savoir comment Et dépéchez-vous! La date du congrés approche... Le futur commence aujourd’hur I] ne faudrait pas se surprendre que personne ou presque n’ait répondu 4a l'invitation d’émettre son opinion sur le futur de la francophonie. D'abord l’apathie des Francophones de la Colom- bie-Britannique est bien connue et puis n’avons-nous pas le plus haut taux d’assimilation de tout le Canada? Mais ne soyons par trop pessimistes, aprés tout la francophonie c’est nouveau dans notre vocabulaire. En effet ce mot n'est apparu que trés récemment dans le Robert et le Larousse. On le définit comme un regroupement d’humains parlant francais. Mais malheu- reusement ou heureusement les Francophones ne sont pas que des humains, ils appartiennent a des cultures et des histoires différen- tes. Aussi derriére ce terme unificateur se trouve une grande hétérogénéité qui rend difficile le rassemblement de tous ces Francophones et leur apparte- nance 4 cette francophonie. Par exemple un Francophone originaire de France, _méme s'il frangais ne s'identifiera que trés rarement comme “canadien- francais”, identité monopolisée par les Francophones dont Vhistoire a pris racine en terre canadienne il y a longtemps et dont la langue parlée est une des principales caractéristiques. Et chez ces Canadiens frangais, il y a ceux qui a partir des années 1960 ont commencé 4 se_ dire québécois, et il.y a les autres éparpillés un peu partout au Canada et qui sont en fait et en pratique la majorité des Franco- phones hors-Québec. Ceux-ci, divisés 4 tort ou a raison en franco-ontariens, franco- manitobains, franco-albertains, fransaskois et franco-colombiens vivent en marge de la francopho- nie officielle du Québec. Et enfin il ne faut pas oublier les Francophones venus d’Europe, du Moyen-Orient et méme d’Asie. Malgré cette appartenance commune 4 la langue frangaise, lidentification consciente a cette grande entité n’est pas aussi simple qu’elle peut 4 prime abord paraitre. Pour certains l’existen- ce d’un enseignement en francais adéquat comble leurs attentes, pour d’autres ce n’est pas assez, il faut développer une véritable culture propice au développe- ment du_ potentiel de la population francophone et pour plusieurs le mieux est tout simplement de se laisser assimi- ler, du moins leurs enfants. Si nous jetons un regard sur le présent, car n’ovt “ons pas que le présent c’est aussi le futur, nous pouvons remarquer qu’au niveau international, la francophonie (regroupements de pays franco- phones) prend de plus en plus d’ampleur. Créée en réaction a l’émergence des grandes concen- trations politiques et culturelles et a l’envahissement de la culture populaire nord-américaine et anglo-saxonne, la francophonie est devenue un outil trés utile au développement de la culture francaise. Ainsi la France, grand centre de cette culture, a réussi a raffermir ses liens avec ses anciennes colonies et d'autres pays francophones qui y voient aussi leurs propres intéréts et a batir un véritable réseau de communication. Chaque année il y a des sommets francophones sur la coopération technique et culturelle qui débouchent sou- vent sur des ententes en matiére d’éducation, de communication et de culture en général. Il n'y a qu’a_ regarder les récentes ententes Canada-Québec-France en matiére de radiodiffusion. Par contre au niveau national et provincial, la francophonie canadienne prend des allures Les subventions du secrétariat d’Etat: un bien ou un mal? En effet, c'est une grosse question qui demande beaucoup de réflexion. Je suis en Colombie-Britannique depuis cing ans; durant cette période jai fais partie de différents organismes francophones, sub- ventionnés, comme je lai remarqué trés rapidement, par le Secrétariat d’Etat. J'ai aussi été trés surpris de voir les conflits internes, ayant rapport trés souvent a |’administration. On se bat dans la mauvaise direction, on oublie le but principal des organismes franco- phones qui devrait étre de se “regrouper” et non de s'éloigner les uns des autres. On ne s’amuse plus, on se perd dans la paperasse, on paie des loyers trop chers; en somme, on s’en va directement dans la fosse avec toutes ces allocations du gouver- nement qui se comparent a de Vaide sociale (l’argent gagné sans difficulté a perdu sa valeur, on n’a plus d’ambition) . Il serait mieux 4 mon avis de recruter, de construire et de cesser d’attendre aprés les suvbentions gouvernementales. Francophones, il faut arréter ces querelles, ces esprits de clocher, il faut s'unir et batir pour survivre. Francois Adam Prince George PEMIERE QUesTIOW; guest gue A FWOPIOUIE WLAN «£000 ? ic particuliéres. Evidemment il y a le Québec, le grand centre, mais pour le reste tout n’est pas aussi rose. Oui nous venons de passer 20 ans de bilinguisme, oui des législations ont été mises en place pour protéger le fait francais. Mais n’oublions pas que celles-ci sadressaient avant tout aux Canadiens frangais afin de leur montrer et de leur prouver que le Canada frangais ne s’arrétait pas aux frontiéres du Québec. C’est grace aussi aux _revendications politiques des Canadiens francais que le concept de francophonie a été capable de faire sa place dans le paysage canadien, ceci sans vouloir diminuer le réle des Francophones de toutes origines qui ont appuyé ces luttes et continuent de faire pression pour faire mettre en application ces principes de droits et ces politiques. Tout ‘ce* cadre politico-juridi- que a-t-il véritablement réussi a permettre l’émergence d'une francophonie vivante et dynami- que. La présence d’une structure politique et d’associations franco- phones de toutes sortes 4 travers le Canada, subventionnées par le gouvernement du Canada, est- elle suffisante? Y-a-t-il une véritable volonté politique d'aide au développement de la franco- phonie hors-Québec ou celle-ci n’est-elle qu’une balle dans le jeu politique canadien? Certes chaque région a sa propre réalité dépendant bien souvent du nombre, car ne Youblions pas le nombre c’est aussi des -votes. Aussi les Franco-ontariens, plus nom- breux, ne vivent sirement pas tout 4 fait les mémes problémes que les Franco-colombiens. Les institutions fédérales com- me Radio-Canada, l’ONF, le Conseil des Arts, le Secrétariat d’Etat, ont-ils joué et jouent-ils véritablement un réle qui permettent l’émergence d’une culture francophone ou du moins l’expression d'une littérature, d'un cinéma, d’une télévision et d'une radio ayant sa propre vision? Car c’est bien de vision qu'il va falloir bientét parler, histoire doit commencer quel- que part et a la limite c'est souvent dans l’utopie qu’elle prend le mieux racine. Si l’on se fie a la vision actuelle de nos élites au pouvoir et en autorité, il semble que la francophonie hors-Québec plus particuliérement celle de l'Ouest, coate trop cher et qu'il faut couper. Il faut que les Francophones se prennent en mains et s’autofinancent, nous dit-on, comme siils étaient les seuls 4 étre subventionnés. Il faut rentabiliser, couper le gras, comme si on en avait a perdre. C’est le temps de s’en remettre au libre marché. Si un marché ne peut attirer une clientéle assez nombreuse, c’est naturel et méme peut-étre bon qu'il meure. Ainsi-soit-il, que ce soit un livre, un film, une langue, une culture ou méme un pays (Free-trade, vous connaissez) . Dans le cas qui nous regarde, on nous dit qu’on va faire son possible pour l'éducation mais pour le développement culturel et social, il va falloir nous mettre alheure du Québec. A noter que les attitudes de supériorité du Québec vis-a-vis les Francopho- nes hors-Québe¢ n’aident pas les choses. On n’a oublié que les Leclerc, Vigneault et Julien étaient bien petits lorsqu’ils prirent le chemin de la France avant de devenir les poétes nationaux. Eh oui, c’est bien connu, il faut étre reconnu ailleurs avant de J’étre au Québec. Complexe de colonisé n’ayant pas la confiance nécessai- re pour distinguer le vrai du faux. A-t-on déja oublié que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Aussi on continue de nous dire qu'il n’y a pas de marché pour lexpression culturelle franco- phone, et puis, vous étes trop “régional”, ajoute-t-on. Aujour- d’hui il faut faire des choses nationales et surtout internatio- nales. Au mot privatisation, attendez-vous de plus en plus d’entendre le mot international qui. décrit un monde de Vimaginaire beaucoup plus inté- ressant que n’importe ~ quel endroit ot vous pouvez vous-. ~ mémes vous trouver, un monde hors du tempset de l’espace, libre des préoccupations triviales du vrai monde. Ah vous pouvez toujours €crire ce que vous voulez, mais n’essayez pas d’étre publié si votre création, je m’excuse, votre “produit” n’est pas national ou international. Le Canada n’en est pas a une ironie prés. A l’4ge électronique ou les distances ne veulent plus rien dire, on penserait qu’il serait possible de mettre en place un- véritable réseau de communica- tions permettant l’expression d'une solidarité francophone a tous les niveaux et a double sens entre le Québec et le Canada francais et 4]’intérieur de celui-ci entre les différentes régions. Aprés tout nous possédons un des » équipements les plus sophistiqués " en matiére de communication sur toute la planéte. Et nous ne sommes quand méme pas un pays pauvre. Mais, mais, de temps en temps quelques-uns se rendent compte que quelque chose ne va pas, qu'il manque quelque chose, ils se sentent invisibles et ils n’aiment pas cela. Ils deviennent cons- cients que s’en remettre 4 des critéres de libre entreprise, de centralisation et de rentabilité dans le cas de la francophonie c’est en fait organiser l’oubli et que dans un monde ot l’oubli est en vitesse accélérée, il n’y aura bientét plus de paradis du futur pour la francophonie mais plutét qu'un paradis perdu, et les faiseurs de mythes écriront leur version de l'histoire, celle des gagnants. L/histoire joue des tours et n’oubliez surtout pas que le futur commence aujourd’hui. La rébellion des Patriotes de 1837-1838, vous connaissez. “Un optimiste” Pierre Grenier ~_ ae