20—. Le Soleil de Colombie, vendredi 21 juin 1985: Voyage Viva Veracruz Par Roger Dufrane Mercredi § avril 1985 qui semble sortie d'une se- maine de Suzette romantique. La gamine, dépose sur mes Samedi, mariage d'une jolie créole avec un Indien du peuple des Zapotéques qui vivent dans l’Etat de Oaxaca. Les parents du garcon por- teront bijoux et atours de leur nation. La mére de la future mariée est une dame éminente genoux, en riant, Tintin chez les Picaros, en traduction espagnole. Sa maman la gron- de et me fait admirer de la au loin. On prend I’apéritif et une galette. logia, le Mont Perote qui brille. La future mariée est vétue: de Xalapa. Raffinée, cosmo- polite, elle se met au diapason des gens qu'elle invite, avec moi un peu francais et un peu canadien. Elle sait recevoir, connait toutes les danses in- diennes, espagnoles, améri- caines, et gére sa jolie villa, solidement grillagée, avec un bataillon de servantes. Pour revenir au mariage, je m’at- tends a une expérience uni- que, de quoi colorer mon carnet. Pays insondable que ce Mexique ot de nombreuses marées culturelles ont déposé leurs sédiments. J'observe plus a loisir que le touriste or- dinaire, et je ne vois encore rien. Je ne connais qu'une infime portion de l’Etat de Veracruz. Je n’ai pas eu en dépit de mes cing voyages, la pyramide de Tatlin , I'lle- aux-singes, la jungle du Sud. En attendant, allons porter un cadeau de noces qu domi- cile de la fiancée, et trois douzaines de “galettas” con- fectionnées par mon hétesse. Je trouve a la maison de la fiancée sa mére, en noir, le fiancé indien, en blanc, et deux soeurs, de la future épouse l'une qui habite New- York, avec son mari améri- cain, et la plus jeune douze ans d’un sari. Un grain de beauté maquillé sur le front, elle semble la fille d’un Maradjah. Est-ce la coutume, ou bien le jeu d'une jeune fille, qui se retourne une derniére fois vers les images de La semaine de vu qu’en images. Des “cam- pesinos” aux larges chapeaux de paille discutent devant les portes ouvertes. Une jeune femme étend sa lessive sur un pré. Sur le trottoir, une gamine, debout devant une table de poupée, tapote des crépes minuscules. La pous- sire est ébouissante. A la Concepcion, une haute che- minée envoie dans l’azur une fumée brune épaisse, aux odeurs de racine brilée. Le village vit de la conversion des cannes a sucre en produits bruts ou raffinés. Onze heures du matin! Le marché, sur la ‘tours de Xalapa, enfouis dans Suzette et de Tintin en version chaussée en pente et aux espagnole? trottoirs sans bordure, bat’ son plein. Oi sommes-nous? A Influence une foire médiévale? En espagnole Afrique du Nord? Au milieu d’un campement de Romani- chels? On trouve de tout sur ce marché, pour vivre frugale- ment, heureux peut-étre, puis- que passe une jolie fille qui fait rver: une cabane et un coeur! Des fruits, des légumes, des fleurs, des robes pour les jeunes filles, des outils pour les jeunes hommes, des espa- drilles, des jouets, des ballons. Et, au bord de la chaussée, de rafraichissants jus d’orange qui font pénétrer plus de vie dans le coeur. Au retour, sur la pente d’une colline, dévale un troupeau roux de petites ca- hutes autour desquelles voltige un nuage blond comme le miel. Il s’agit d'un essaim d’abeilles, qui virent et virevol- tent au-dessus des ruches. Et Jeudi 4 avril 1985 Hameaux perdus aux alen- les lois sombres, o& je réve d’Olméques et de Toltéques, descendants appauvris d’an- cien irréductibles a ]’implanta- tion espagnole. Expagnols sont les noms de lieux, car les envahisseurs effacent le plus souvent les appellations primitives. Tant- tét cruels, tantét implorants, ces noms sont toute 1’ame hispanique: Banderilla, La conceptcion et autres vocables contrastés. Nous quittons la route de Naolinco pour un large che- min de poussiére. Hameaux aux massures colorées, toitures de tuiles ou de palmes, je pense au Portugal que je n'ai jamais 2 Soa