VOLUME 7 — 10 EDITION — ISSN Elle acceptait volontiers et sans faux orgueil les vétements d'occasion. Elle se contentait de repas maigres pour économiser. La petite Polonaise désirait la chaine d’or. Quatre ans d’économie. Fiére, Maria descendit du tram 94 et s'introduisit avec assurance dans la boutique. D’un frangais cassé mais charmant la jeune femme demanda le bijou tant convoité. Le joaillier le coucha soigneusement dans son écrin et demanda le montant dd. Maria lissa la liasse de billets sur le comptoir en comptant attentivement. Puis, elle prit son trésor et, le tenant prés de son coeur, sortit du magasin la téte haute. Elle venait de faire une bonne affaire. Le propriétaire la suivit des yeux, content pour elle. Il était de bonne humeur ce jour-la. Depuis ce jour, Maria portait la chaine autour du cou, quoiqu’il advint. Elle s’arrétait pour l'admirer dans les vitrines et les glaces. Elle la tatait distraitement des doigts quand elle ne pouvait la voir. Quelques mois plus tard, un matin fort pluvieux, Maria attendait le tram quand son téléphone portable se mit a sonner. Elle se débat- tit avec son sac a dos dont la tirette collait par temps humide, |’ou- vrit et extirpa la petite machine. - Allo? — Maria, s’exclama une voix prise de panique a |’autre bout du fil. - Maman, qu’est-ce qui t’arrive, demanda-t-elle en polonais. - C’est Josef. — ll est trés malade, il n’arréte pas de vomir depuis quelques jours, s’écria sa mére, haletant. Josef ? Malade ? Il n’avait jamais été malade un jour de sa vie. Ce gamin de huit ans était robuste. Le tram 93 passa, arréta a peine avant de poursuivre son chemin. Inquiéte, Maria attendait le 94 et retrouva enfin sa voix. - Qu’est-ce que je peux faire d'ici, demanda-t-elle, la voix étran- glée. — Les médecins ici n'y peuvent rien. Je dois I'emmener a Bialys- tok. Bialystok ? C’est la ot se trouvait I’hépital pour enfants. Les lar- mes gagnérent Maria. — Je dois rentrer auprés de lui, prononga-t-elle dans un soudain élan.