Octobre 1967 L?APPEL page 5 Sur un livre de Gérard Tougas “La Francophonie en peril” Il n’est pas nécessaire de conclure, avec Gérard Tougas, a l’inévitable colonisation ou “acculturation’’ de Voccident et du tiers-monde par Vempire anglo-saxon pour trouver dans son livre, l’analyse la plus directe, la plus consciente du péril qui menace présentement, non seulement la francophonie internationale, mais, aussi, les valeurs spirituelles et intellec- tuelles de notre civilisation, tout court. Nous assistons, impuissants, depuis la der- niére guerre mondiale surtout, au phénoméne irrésistible d’un néo-colonialisme de Vlesprit par la matiére, sous impact de la plus grande puissance que le monde ait connue, celle des Etats-Unis. Ot l’Angleterre a di laisser, son élan a été repris par son héritier naturel d’ou- tre Atlantique. Avec la naiveté du Terreneuve qui renverse tous les meubles de la maison pour lécher la main de son petit maitre, les Etats- Unis se sont tout 4 coup découvert le réle de dé- fendeur et d’arbitre mondial. Pays extrémement riche de ressources ma- térielles, les Etats-Unis ont pu attirer les sa- vants et les chercheurs de l'Europe et supplan- ter cette derniére a la faveur de la reconstruc- tion d’aprés-guerre et du mythe de la menace communiste. Insidieusement, mais strement, les valeurs nouvelles symbolisées par la tech- nologie américaine ont érodé et aliéné le voca- bulaire international au point de rendre vas- saux du plus vaste empire de tous les temps, les empires récemment décolonisés. M. Tougas s’intéresse particuliérement a la francophonie, c’est-a-dire aux pays dont le francais est la langue ou l'une des langues officielles. C’est done le francais en tant que langue universelle qu’il voit reculer, souvent par la faute de ceux qui en détiennent 1’hérita- ge, parce que réduit a un role d’arriére-garde de valeurs qu’il semble impuissant 4 harmoniser avec le triomphe de la médiocrité spirituelle, contrepartie de la puissance matérielle du capi- tal et de la productivité. Certains critiques ont été durs a 1’endroit de Gérard Tougas et l’ont accusé d’avoir démis- sionné devant le mastodonte qu’est devenu le nouvel empire anglo-saxon. Notre impression est peut-étre différente parce que, comme Gé- rard Tougas, nous vivons dans un milieu d’ot la scéne nous apparait en perspective. Nous ne croyons pas que Tougas s’est soumis a l’impla- cable destin. Son évocation du Canada fran- cais, dont il est, et de sa présence stratégique au coeur méme de cet empire, est un indice de ce qu’il entrevoit comme contribution a une révolution inévitable de Vhomme contre sa propre deshumanisation. De toute facon, il faut lire “La Francopho- nie en péril’’ de Gérard Tougas. S’il vous cho- que, tant mieux. Souhaitons qu'il soit traduit en anglais. Il éclairera peut-étre la lenterne de nos compatriotes anglophones qui se deman- S. H. le juge Louis Deniset représente le Conseil de la Vie Francaise C’est le juge Louis Deniset, de Winnipeg, qui a représenté le Conseil de la Vie Frangaise en Amérique au congrés annuel de la Fédéra- tion Canadienne francaise de la Colombie Bri- tannique. Ji fut le conférencier d’honneur au banquet de cloture. Le président sortant de charge, le Dr Henri St-Louis, présida aux diverses séances du con- grés ainsi qu’au banquet. Il présenta les invi- tés d’honneur qui ont donné a la féte un carac- tére représentatif. En effet, ont répondu a 1’in- vitation, les autorités civiques de New West- minster, les deux universités en déléguant un membre chacune de leur faculté respective de francais, le nouveau consul général de France, M. Raymond Vezzavona et son épouse, le pré- sident de ]’Alliance Francaise, M. Charles Bloch-Bauer et son épouse, le nouveau président de la Fédération, M. J.-B. Goulet. Etaient aus- si nos invités d@honneur, M. Georges-H. Da- gneau, directeur du service du Canada frangais d’outre-frontiéres du Ministére des Affaires Culturelles de la province de Québec, Mme Léo Comeau, élue Dame de l’année, lors de la féte de la St-Jean-Baptiste, en juin dernier. M. Louis Deniset fut présenté aux convives par M. Gérald Moreau, représentant de la Co- lombie au Conseil de la Vie Francaise. M. De- niset, aprés nous avoir fait part des voeux du Conseil, de son secrétaire, Mer Paul Emile Gos- selin, parla plus particuliérement des nouveaux développements en matiére d’éducation fran- caise dans sa province, le Manitoba. Comme la plupart le savent déja, la provin- ce du Manitoba a décidé, au cours de la derni- ére session de sa législature, de redonner, en partie, les droits scolaires qu’elle avait enlevés, en 1916, aux Canadiens de langue frangaise. Maintenant, V’instruction peut étre donnée en francais jusqu’a concurrence de 50% de I’ho- raire scolaire. Un bon nombre d’écoles se sont déja prévalues de ce droit. Le conférencier a toutefois fait remarquer un phénoméne qui mérite d’étre noté: ¢’est la part active qu’ont dai prendre les chefs de file franco-manitobains pour convaincre les familles francophones de prendre avantage des amendements a la loi. Le conférencier y voit la le réflexe naturel quand il semble que le combat n’est plus nécessaire. Les familles at- tendaient confortablement que le gouvernement prenne l’initiative. Le Consul Général de France, M. Raymond Vezzavona, fut invité & se présenter aux Cana- diens francais avec qui il avait son premier contact, vue sa récente nomination. dent ce qui motive l’affirmation actuelle du Canada francais et qui n’ont pas conscience de vivre dans l’oeil méme de l’ouragan. R. Paquette