Le Moustique volume 3 - 6 edition Juin ZUUU ... Suite et fin des chroniques Victoriennes Et cela, on le ressent trés fort 4 bord des bateaux. Un certain samedi, je suis monté sur le "Spirit of Vancouver Island" qui représentait assez bien l'état d'esprit des habitants de l'ile de Vancouver, en ce moment. A peine le navire avait-il commencé de vibrer sous la puissance de ses moteurs que le temps s'est obscurci et que la pluie s'est mise 4 tambouriner sur les plages, terrasses et carapace. A peine rassurés de ce que l'on ne nous ait pas distribué, par soucis d'économie, des rames a l'entrée sur la passerelle, nous nous sommes vus forcés de fuir dans les salons, a l'abri de la tourmente. Tout s'était-échappé en un moment, les passagers d'abord, mais aussi le soleil, la transparence de I'air et les merveilleux paysages. Il ne restait qu'une occupation possible : la boulimie compensatoire. Aprés dix minutes de lyrisme romantico-touristique, le reste du voyage s'est passé a consommer dans un des restaurants-cafétarias. II serait plus exact de parler de cantine ou réfectoire. Pour ce qui regarde la gastronomie 4 bord, les bonnes intentions sont apparemment trés rapidement tombées a l'eau. C'était cher, mais je peux encore comprendre que la compagnie s'essaie 4 rembourser les dettes en augmentant outrageusement le prix de la nourriture qu'elle nous sert. Pour la table, je suis prét a payer le prix si la bouche se régale. Mais 1a, on découvrait rapidement combien I'insularisme était favorable au développement du goat anglo-saxon. Un argument solide, mais amer, a ma théorie. Je me rabattis donc sur le café, car j'avais vu une réclame alléchante sur les capucini préparés dans une machine crachotante et fumante, curieusement dédaignée par les consommateurs. Pas pour rien non plus, le café ! Mais j'ai aussi le bec sucré et je prétends volontiers qu'un repas sans dessert et café c'est un peu comme des bélons sans Muscadet, un canard aux cerises sans Chateau Margaux ou encore un foie gras de canard sans Quarts-De-Chaume des Coteaux du Layon. Bien des choses charmantes que l'on ne voit pas fleurir encore sur la terre vigoureuse de notre ile. Dés la premiére gorgée, j'ai eu conscience qu'il me serait impossible de jeter ce café par-dessus bord si je tenais vraiment a protéger les baleines. Je n'imaginais pas que la situation fut grave a ce point. Si la compagnie de ferry-boat n'était pas encore en faillite, elle se vengeait déja cruellement sur tous ses passagers. Au méme instant, je lisais dans un journal son intention, dans le futur et aux fins de rentabilisation, d'exiger de ces passagers, déja traumatisés, une réservation 4 chacun de leurs passages. C'était le comble ! Cela voulait-il dire que le pauvre touriste ayant retenu sa place sur le bateau, pourrait fort bien se voir annoncer, a son arrivée au débarcadere, la suppression de son voyage parce qu'il n'y a pas suffisamment de monde ? Aprés avoir détruit la plupart des industries locales afin de favoriser celle du tourisme, ce serait une excellente maniére de se retrouver sans l'une ni les autres, sur une ile désertée. Jack Blacke.