etna Done yam iil VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 16 décembre 1988 - 15 Par Jean-Claude Boyer Katmandou, capitale du Neé- pal, 26 mai 1985. Aprés le petit déjeuner, je retourne dans le hall de I’hdtel voisin de l’American Express, ou j’ai osé faire la sieste, avant-hier, en attendant l’heure d’un rendez- vous. (Le réceptionniste, a qui jai ensuite raconté mon aventure de «café drogué» en Inde et I’interminable attente du remboursement de mes _ ché- ques de voyage, s’est montré si indigné qu’il a promis, pour m’aider a oublier ces «infa- mies», de. me procurer des billets de spectacle a prix réduits, des informations dé- taillées sur les principaux sites a visiter et un traitement de faveur au restaurant de son frére, en plus de m’offrir un bon thé «pur».) Billet en poche (2$), je loue une bicyclette pour la journée. Temps splendide. Je pédale en sifflotant le long de rues peu encombrées- en direction de Patan (une ancien- ne capitale), la-bas, de |’autre cété du pont. Je demande un renseignement a un _ jeune cycliste arrété a un feu rouge. II s'iimprovise guide aussitét, pourvu que je veuille l’aider a améliorer son anglais. A la bonne heure, _ Nous roulons bientét dans - d'étroites rues désertes aux batiments délabrés. J’ai vite V'impression que toute cette décrépitude est mise au rang de «beauté pittoresque». Que de vieux temples bouddhistes et hindous! Quelle surabondance de sculptures délicates! Un véritable zoo de pierre: élé- phants, lions, paons, serpents, monstres mythiques... Que de superstitions! Mon ami lui- méme s’y perd vite. «Je ne crois pas du tout a ces balivernes», s’empresse-t-il de conclure. J’aime ces vieilles pagodes mélancoliques aux toits gra- - cieux. Les commentaires de mon guide pourraient résumer ainsi: Patan, ville- musée de_ fondation trés ancienne et centre de péleri- nage. Nous nous attardons mainte- nant devant des ateliers de poterie, de tapis, de sculpture sur bois. Des artisans peignent avec une minutie de religieuse, sur des tissus sombres, des motifs qui me paraissent extrémement compliqués. Dans une cour intérieure, je parviens a immobiliser une petite troupe d’enfants déguenillés, un point rouge sur le front, pour les besoins d'une photo. Mon guide aimerait se faire photographier, lui aussi. Clic! En nous quittant, quelques heures plus tard, il me fait promettre de lui se envoyer cette photo et une de .moi-méme. «Ecris-moi et je te les enverrai», \ui dis-je sur un ton enjoué. Je griffonne son nom dans une marge: Rabin- drahal Amat Ya. (A mon retour a Vancouver, je trouvai, en effet, dans mon amoncellement de courrier, une lettre de Katman- dou. Je lui envoyai ces photos avec plaisir.) Vers la fin de l’aprés-midi, je moffre un repos bien mérité _ Récitd’un tour du monde Le seul spectateur! dans ma modeste chambre d’auberge avant de me rendre a pied al’hdtel Manasalu, ot aura lieu le spectacle folklorique - dans un petit théatre adjacent. Je léve souvent Ja téte vers les palmes élégantes, presque immobiles dans le déclin du jour. Par une porte grande ouverte, j'apercois unetrentaine d’hommes affairés devant des machines a coudre a pédale. Et me voici a |’hétel Manasalu a attendre, seul, l'heure .du spectacle. Quelques minutes avant I’heu- re indiquée sur le billet, je suis fort étonné de me retrouver toujours seul, programme en mains, dans une salle d’environ quatre-vingt sieges. Un préposé me prévient que la levée’ du rideau. devra 6tre retardée jusqu’a l’arrivée d’un bus de touristes. Je l’assure que’ cela ne m'importune pas du tout. Une quinzaine de minutes plus tard, je suis encore seul, comme un dindon dans une basse-cour abandonnée. On vient s’excuser, me demandant d’avoir |’obligeance de patienter encore un peu. Je suis visiblement mal a_ l'aise. J'insiste pour que le spectacle soit contremandé. «// n’en est pas question», réplique une tierce personne qui s’avance vers. moi calmement. «Vous avez payé, vous avez droit a la représentation». Et me voila bientét plongé dans |’obscurité, ‘au. centre de_ l’assistance fant6me, bien conscient de ne pouvoir ni dormir, ni bailler, ni paraitre distrait, ni quitter les | lieux, ni méme aller toilettes. Tous pour un! Un maitre de cérémonie - aux C’est-a-dire une voix derriére le rideau rouge - «nous» présente briévement l’ensemble du spec- tacle, puis, € mesure, chacun des numéros au programme. En tout, seize «morceaux» d’une -mosaique culturelle aux com- leurs vives ou sombrés, empreintes souvent d’exubéran- ce juvénile. Devant une toile de fond représentant les sommets enneigés de |’Himalaya, vingt- six musiciens, danseurs et chanteurs, les Himalchulis, (tous pieds nus, dans des costumes traditionnels ot dominent le blanc et l’orange), recréent |’ame des multiples ethnies qui composent le peuple népalais. C’est la féte de l’unité dans la diversité. Quelques échantillons. Des pionniers de la vallée de Katmandou, croyant que les mauvais esprits r6dent libre- ment dans la nuit, se rassemblent pour condamner un «malheureux» pris en flagrant délit d’adultére. (Le danseur me dévisage comme pour me crier: «Tout ca c'est de ta faute!» Je me fais tout petit.) Lorsque celui-ci promet d’exé- cuter, chaque nuit d’un certain festival, une danse qui évoque sa peur de l’esprit malin, il se voit gracié. Je n’ose pas applaudir, mais sors mon appareil-photo pour cacher mon embarras a moi-méme. Le numéro suivant est une succes- sion enlevée de claquettes exécutées pieds nus par une «gay community of travellers» (selon les termes mémes du programme). Temps de retrou- vailles et de réjouissances avec la parenté que la vie a dispersée et retenue au loin. On mange, boit, chante et danse dans un tourbillon de joie de vivre. J’ai parfois |’étrange sensation que tous et chacun cherchent a me dévisager, moi |’unique «cause» de cette représentation. : Entre en scéne |l’inévitable Sorcier, chasseur de mauvais esprits et guérisseur: malade se tordant dans les convulsions, incantations au rythme d’un tambourin, avec feu et gesticu- lation élaborée, flammes étein- tes dans la bouche méme du grand Sorcier, magie salvatrice, jubilation. Suivent des varia- tions sur le théme de l'amour: plaisanteries entre garcons et filles, demandes en mariage, refus, insistance, _hésita- tions..., transports de joie. La grace des mouvements | et l’expression des visages ren-~ dent bien la _ subtilité des émotions ressenties. Le rideau s’ouvre maintenant sur des fermiers rassemblés autour d’un totem pour implorer le ciel de leur envoyer de la pluie. On cherche toujours a me dévisager, dirait-on. Se succé- dent ensuite chants et danses qui accompagnent la tradition- nelle cérémonie de mariage des régions éloignées de lacapitale, cérémonie ot la spontanéité est pour ainsi dire de rigueur. Dans un autre numéro, trois déesses fulminantes (masquées) des- cendent sur terre afin d’anéantir les esprits malfaisants. Aprés une série de cadences aux pouvoirs ocultes, un paon vient se pavaner, seul sur la scéne. Roulements de tonnerre. Le volatile au plumage somptueux se met alors a danser de bonheur pour finalement faire la roue. Enfin, une fldte et un tambour accompagnent les déhanchements frénétiques de jeunes. femmes devant leurs prétendants. Le spectacle se termine par un numéro spécial : un percussion- niste se déchaine sur une dizaine de tam-tam de dimen- sions variées. Solo éblouissant. J’applaudis briévement. Dernier coup d’oeil incrédule autour de moi, puis je «vide» la salle. En sortant, je rencontre le directeur de la troupe, Gobinda Singh, qui me donne sa carte et une étiquette autocollante des Himalchulis (danseuse se dé- hanchant au-dessus de |’Hima- laya aux cimes blanches). Je le remercie chaleureusement et le félicite, méme si jai plutét envie de m’excuser. Il m’invite a leur fairedelapublicité en racontant cette situation privilégiée. Je rencontre également quelques- uns des artistes qui se disent heureux de m’avoir fait passer une soirée... mémorable. Ce soir-la, avant d’éteindre la lumiére pendue au-dessus de mon lit, je remplis une nouvelle page de journal, que je termine ainsi : «Pour profiter aplein d'un tour du monde a_ budget restreint, il faut vivre une journée ala fois, éviter les exces et bien dormim. J’aurais sans doute pu ajouter qu'il faut aussi s’attendre a tout. 2600 OCEANIC PLAZA BUILDING 1066 WEST HASTINGS STREET VANCOUVER, BRITISH COLUMBIA CANADA V6E 3X! JACQUES BARBEAU, 0.C. BARBEAU, SUTHERLAND, FaLkK BARRISTERS & SOLICITORS TELEPHONE (604) 688-7911 TELEX O4-SO8768 TAXCORP VCR TELECOPIER (604) 688-0473 CABLE ADORESS “TAXCORP” ENGLISH BAY TRAVEL LTD., Philippe Gohier 1267 Davie Vancouver, V6E.IN4. . 223.6253... .. 687-8785 Membre du Barreau de Québec - 1982 Membre du Barreau de la C.B. - 1985 ‘CARLA COURTENAY Gourlay et Spencer ‘718-808 rue Nelson, Avocats Vancouver, CB V6Z 2H22 \(604) 687-6637 A.D.L. ASSURANCES ET INVESTISSEMENTS _ Daniel Lavariére 400-1445 rue Georgia ouest .... Auto 644-2095 Vancouver, V6G 2T3 ... Bur. 683-4458 CINE-NOEL L’Alliance Francaise décembre 4 16 heures (a Alliance au 6161 Cambie). Retrouvez Cosette, Jean Valjean, les Thénardier,... dans un film d’animation en francais (sous-titré en an- glais) qui dure une heure 10. Membres et enfants de membres: gratuit. Non- membres: 2$. Banque fédérale de développement M. Bill Tsakumis La Banque fédérale de dévelop- pement est heureuse d’annon- cer la nomination de M. Bill . Tsakumis, de Vancouver en Colombie-Britannique, a son conseil d’administration. M. Tsakumis, restaurateur et propriétaire d’une entreprise d‘import-export, est égale- ment promoteur immobilier et courtier en valeurs mobiliéres. La Banque fédérale de dévelop- pement est une société d’Etat qui favorise la création et le développement d’entreprises au Canada, en particulier les petites et moyennes entre- prises. Elle offre des préts a terme et des cautionnements de préts, du capital de risque et un vaste éventail de services de formation en gestion, de consultation, de planification et d'information.