fee en eee Entre Casablanca et Agadir, Essaouira par Monique NUYTEMANS LA PRESSE. Autrefois, Essaouira s’appe- lait Mogador. En fait, jus- qu’en 1955. Les _historiens croient que les Pheniciens fréquentaient déja le port de Mogador. Les Romains apres eux. Mais ce n’est qu’au XlIéme siécle que le port de- vint vraiment prospére. C’est au XvVIIléme siécle que le souverain Abdellah donna a Cornut, prisonnier et architecte francais, l’ordre de construire une ville. Mogador fut alors créée avec des rem- parts, des tourelles, des ter- rasses pour batteries de ca- nons. Un cadre digne qu’on y joue Othello. C’est en effet parmi ces murailles havtai- nes que se tourna le film “Othello”, avec Orson Welles comme vedette. Des canons de bronze du XVieme_ siécle sont une cu- riosité a laquelle on s’attar-~ dera en faisant la visite des remparts. A leurs pieds la mer se brise avec fracas sur les rochers, tandis que dans le port des pécheyrs font cuire des sardines sur la braise. Car Essaouira,tout en étant une ville de villégiature fort recherchée, est aussi le deuxiéme port sardinier au devait signifier “aucune im- portance” en arabe, et avec un mouvement circulaire, ample et rebondissant de leurs mains sur mon ventre, ces bonnes femmes me prédi- rent — toujours avec l'aide des plantes sous l’oreiller... — un beau bebé dans Il’an- née! Essaouira est également cé- lébre pour ses produits de marqueterie faits du bois de racine de tuya. Cet arbre de hauteur moyenne posséde une racine énorme, qui ressemble a ume vaste roche et est presque aussi dure. C’est a partir de cette racine que se font ces jolies tables de mar- queterie, coffrets a bijoux et boites a cigarettes. On emploie de tout jeunes gens a faire ce travail de minutie et de patience qui consiste a incruster d’infimes bouts de bois dans des cases correspondantes creusées dans la table. A les voir ainsi a l’oeuvre, on comprend pourquoi on les prend aussi jeunes, ces artisans: ce tra- vail exige des yeux aussi précis que ceux du faucon. Si Une des places les plus fréquentées de Marrakech. © monde. Plus loin s’étend une vaste plage qui forme demi- cercle devant les murailles. C’est 1a qu’on prendra ses ébats aprés avoir visité la ville. 2 Tout en humant Jair pi- quant et frais qui fait revivre aprés les journées torrides passées a Marrakech, on se dirige vers le quartier arabe de la ville, appelé “Medina”. On y fera un bref arrét “instructif” @ un “souk” qui semble étre un marché de 1é- gumes. Mais on n’y vend que des aphrodisiaques et des philtres d’amour sous forme . de plantes séchées, de fruits ratatinés et. de caméléons, vi- -vants ou frits. _ Les souks et leurs trésors , C’est 1a ou, a grand renfort ‘de gestes,*des femmes ac- -croupies et édentées me. fi- rent comprendre que si je mettais quelques herbes sous mon oreiller je serais assu- _-rée dé trouver un mari dans trai mon alliance, elles me “trai “mon alliance, elles me firent de la téte un geste qui yous aurez l’occasion de voir ‘une forét d’arganiers. Cet arbre, aux branches basses, ressemble. un peu a I'olivier et porte un fruit nommé !’ar- gane. Les chévres en sont trés friantes et ne dédaignent pas de grimper jusque dans les plus hautes branches pour en cueillir. Et c'est un spec- tacle aussi cocasse qu’inat- tendu que de voir trois ou quatre chevres, telles des oi- seaux, se partager les fa- veurs d’un arbre! Taroudant Visitons maintenant une oasis, a la porte méme du désert. Située au sud d’Agadir vers Tintérieur du pays, Tarou- dant est une des plus ancien- nes villes du Maroc. Elle «a conservé tout son cachet du passé. C’est aussi, a cause de sa géographie, une des villes les plus chaudes du pays. Ancienne oasis entourée de jardins d’oliviers, élle est ceinturée par une - muraille de pierre ‘rose datant du XVileme siecle. Derriére cette muraille on découvre ~ Sur le chemin du retour une petite ville tranquille, ot on aimera faire une paisib!e promenade, tout en admirant les produits de l’artisanat local qui vont du cuir re- poussé au cuivre faconné, de la confection de babouches a celle de kaftans. : On y trouve aussi de fort beaux poignards en argent, avec crosse garnie de pierres semi-précieuses, ou garnie ‘d’ambre véritable. Ony verra dans certaines échop- pes des bijoux qui forment de véritables tapisseries mu- rales. On ne sait quoi choisir et neuf fois sur dix, on n’a- chéte rien. Pourtant, c’est 1a ou il faudrait se forcer d’a- cheter la premiére breloque venue. D’abord elle ne vous cofitera-pas cher; et ensuite, si vous en voyez des milliers la-bas, ici elle sera toujours Vunique et vous l’aurez rap- portée du fin fond du Maroc, a deux pas du désert. Cela a aussi sa valeur..sen- timentale. “Ja perle du sud’, Taroudant est appelée “la perle du Sous’. Ce n’est pas une er- reur de frappe, c’est le nom de cette région du sud maro- cain. La Palmeraie Dans cette perle du Sous, vous trouverez un hotel ap- pelé .“La Palmeraie’. C'est un ancien harem. Il faut y , prendre un repas afin de voir dans quel cadre évoluaient autrefois pacha et concubi- nes. Ce pacha conservateur ne possédait — par économie . sans doute — que trois fem- mes. Chacune avait ses ap- partements, son patio, son jardin. Des clotures séparent encore les trois jardins. On y sert un repas typique- ment marocain qui consisie de calamars frits, de salade marocaine et de poulet au ci- tron. Mais avant de se délec- ter de ces mets délicats, il faudra faire trempette dans Ja piscine recemment creusee dans l’un des trois jardins. Dans cette eau idéalement bleue d’une piscine en forme de coeur et tres vingtieme siecle, se mire la haute mu- raille rose et trés dix-sep- tieme siecle. L’effet n'est ‘as banal et ajoute a la saveur de ce pays de contrastes. Si Marrakech est appelée Jeune fille Taroudant transpor- tant l’eau de source 4 la cruche A “La Palmeraie” on mange sous les bougainvil- liers, Jes hibiscus, les bana- niers et les palmiers, pen- dant qu’une fontaine babille a nos pieds. C’est un endroit enchanteur; si le temps vous le permet, il faudrait y pas- ser la nuit. Les chambres sont les an- ciens appartements des con- cubines et on y arespecté le décor mystérieux qui devait y reégner autrefois. Un lit ‘sculpté en est le meuble principal. Une lampe multico- lore, retenue par une chaine de cuivre, bouge au moindre geste, au moindre souffle... donnant a la piece des effets d’ombres chinoises. A terre, des coussins invitants sur des tapis de Rabat. Dans un jardin attenant, pamplemousses ct bananes poussent a portée de la main. On s’y croirait dans un décor des Mille et Une Nuits.. et on n'est plus étonné d’apprendre qu’‘‘Ali- baba et les Quarante Vo- leurs’ -avec Fernadel, fut tourné a Taroudant! Et ce ne sont 1a que quel- ques unes des excursions qui vous ‘méneront en dehors des sentiers battus et qui vous laisseront des impressions d’autant plus durables qu’e!- les auront été “différentes” ‘vous laissant la sénsation id’avoir fait -dix voyages au ‘lieu d’un seul... Groupe de femmes de Thierhir dans le Haut-Atlas. LE SOLEIL DE VANCOUVER, 26 MARS 1971, XV.