(LES MINORITES “Dans notre temps, |’enseignement se donnait en anglais a l’école mais le francais régnait dans la cour de ré- création. Aujourd’hui c’est l’inverse qui _ Se produit.” tte remarque d’un jeune avocat de "Regina, M. Guy Duperrault, décrit assez bien la transformation survenue depuis 1968 dans la lutte que les francophones de l'Ouest ménent depuis 75 ans pour faire éduquer leurs enfants en francais. Il existe aujourd’hui des possibilités d’enseignement en francais mais les jeunes préferent l'anglais et les parents sont plutot réticents a réclamer les droits que leur accordent les nouvelles lois scolaires. eres le francais en cachette et cacher tout livre francais a la venue du surintendant’”, telle fut en effet la consigne jusqu’a la fin des années 60. En méme temps que le gouvernement fédéral lancait une bouée de sauvetage aux minorités francophones menacées d’asphyxie cculturelle, les gouverne- ments provinciaux des prairies adop- taient de 1967 4 1970 des législations permettant un certain pourcentage d’en- seignement en francais. s transformations législatives ne - sont pas completement identiques pour les trois provinces, mais la complexité des lois scolaires — les prairies ressem- blent au Québec sur ce point — ne per- met pas d’entrer ici dans les détails. En gros, la loi permet l'utilisation du francais comme e d’enseignement pour 100% des cours au Manitoba (de- puis 1970), pour 50% dans les écoles élémentaires en Saskatchewan et pour 50% en Alberta avec permission d our ande — menter ce pourcentage aprés dem: au ministre de l’éducation. L’application de ces nouvelles lois se fait progressivement et varie selon les endroits. Dans certaines écoles, le programme de francais est déja offert jusqu’a la quatrieme année de l’élémentaire; dans d’autres, on ne fait que commencer avec la premiére an- née. Le degré de francais utilisé varie également: certaines écoles n’ont que le programme francais, d’autres ont deux programmes paralléles, d'autres ‘enfin n’ont que quelques classes of- frant le programme francais. . La tendance générale semble favo- riser l’enseignement en francais pour la religion et les ‘sciences humaines, Tenseignement des sciences exactes étant dispensé en anglais. Il revient a la commission scolaire d’établir des classes offrant le pro-. gramme francais. Au Manitoba, on spé- cifie que la commission scolaire est tenue de le faire quand 28 parents (23 au secondaire) le réclament. En Saskatchewan et en Alberta, on ne parle ue d’un nombre suffisant de parents emandant I|’école francaise ou d’un nombre suffisant d’éléves pour rendre une classe viable, 3 Les lois sont en somme assez flexi- bles pour permettre aux francophones — il ne faut pas oublier qu’ils consti- tuent un faible pourcentage de la popu- lation et qu’ils sont souvent dispersés sur des centaines de milles — de s’en prévaloir selon les concentrations fran- . caises desseryies. D’autre part, l’am- biguité de ces lois en assujettit sou- vent l’application 4 la bonne volonté! des commissions scolaires controlées| par la majorité anglophone. C’est ainsi qu’a Willow Bunch et a Debden en Saskatchewan, l’obtention, dune “école désignée’ — c’est ainsi qu’on nomme dans cette province’ les et dispensant le programme fran- gais — a nécessité une lutte acharnée de deux ans et dans le cas de Debden le remplacement du directeur général de la commission scolaire. wa L’école secondaire J.H. Picard, qui Ouvrira ses portes en septembre, sera la seule a offrir le programme fran- ¢ais 4 Edmonton. On nous assure que la chose n’aurait pas été possible: si la présidente de la commission scolaire (qui parle le francais, est mariés avec — un francophone, et s’assure que ses enfants parlent francais) n’avait inter- cédé personnellement pour les fran- cophones. n autre exemple montre peut-étre encore mieux combien aléatoires sont les avantages scolaires obtenus par’ les francophones. Au Manitoba, ot “phones ont réussi a se Les minorités revisitées 3) Les jeunes préférent l'anglais” les districts scolaires ont été divisés de facon a favoriser les concentrations francophones, le district de la Seine constitue un des plus francais de la province. Tandi€ que le maire de Sainte-Anne M. Roger Smith, qui travaille comme trésorier 4 cette commission scolaire, se dit trés-confiant et cite l’exemple de son village qui possede une école francaise, le président de la commission scolaire, M. Grossman, considere que le programme francais augmente les coiits et n’y est, en conséquence, pas trop favorable. ~ Toujours dans la méme commission scolaire, le maire de La Broquerie, M. Roger Lacoste — de mere alleniande et donc plus a l’aise en anglais qu’en francais — envoie ses enfants dans la municipalité voisine depuis que |’école de son village est devenue “trop fran- (aise... Plus en effet que l’absence de mai- tres et de manuels, plus que l’opposition des commissions scolaires, ce sont les réticences des parents francophones qui: constituent le principal obstacle a. implantation du francais comme langue d’enseignement. Les leaders francophones des trois rovinces sont d’accord sur ce point et is orientent l’action de leurs animateurs sociaux en ce sens. Au Manitoba, le gouvernement Schre- yer vient d’accorder une subvention de pres de $40,000 4 la Société franco- manitobaine pour faire la promotion de la nouvelle loi scolaire aupres de la population francophone. Les réticences des parents provien- nent de leur propre ape: Leur manque de maitrise de la langue anglai- se leur a souvent fermé le marche du travail et ils veulent éviter cet écueil a leurs enfants. Les dirigeants des sociétés provincia- les des francophones sont convaincus que cette peur est injustifiée et qu’actuelle- ment les jeunes francophones ne cou- rent aucun risquedececoté. - | Le directeur du Secrétariat des rela- tions culturelles fédérales-provincia- les du Manitoba, M.: André Martin, ré- sume assez bien les propos tenus par les leaders francophones. “Les gens pensent, dit-il, que parce qu’ils sont francais, ils connaissent bien le francais et ignorent l’anglais. Avec Yambiance anglaise qui regne partout, c’est le contraire qui est vrai.” La majorité des fanconuanes nest cependant pas d’accord et il faut souvent : quelques années de preparation avant qu'elle n’accepte l’idee d’envoyer leurs enfants dans les classes francaises. Un des animateurs sociaux rappelle que les gens n’ont pas oublié un rapport paru il be quelques années et qui situait les ranco-Manitobains juste apres les In- diens au bas de échelle des revenus moyens. il En plusieurs occasions ce sont les professionnels anglophones (désireux de voir leurs enfants devenir bilingues) qui ont mené la bataille pour l’ecole. francaise. Il en fut ainsi a la paroisse Notre-Dame-du-Sacré-Coeur de Win-. nipeg, qui posséde la seule école fran- ¢caise privée encore existante au Manitoba. Suite au refus de la com- mission scolaire d’en faire une école ublique francaise, la SFM a vainement té de rallier les francophones et de monter un mouvement de protestation. - Ce sont- les professionnels fonctionnai- res, protesseurs d’universites. . .) an- glophones qui ont pris la chose en main et:qui semblent sur le point de réussir. _A Edmonton, les cinq maternelles francaises sont surtout frequentées par les petits anglophones. Les maternelles n’étant pas subventionnées par lEtat en , les francophones n’‘ont pas les moyens financiers ou la motivation pour rencontrer les frais qu’occasionnerait tena de ces enfants a ses maternel-: En résumé, on peut affirmer que les francophones ont obtenu au cours des” derniéres: années les droits scolaires‘ jj) réclamés depuis 70 ans. L’utilisation de ; ces droits présente cependant des obs- - tacles qui sont encore loin d’étre sur- wie ee ute ue Tanco- ee ie pe ite place aux niveaux collégial et universitaire, grace a des affiliations avec les universités nea Au Manitoba, le College Saint-Bonifa- ce, grace a son affiliation a l’univer- sité du Manitaba, offre des programmes conduisant au baccalauréat és arts et au baccalauréat és sciences. L'Institut pédagogique francophone, ui sera sous la responsabilité du Col- lege Saint-Boniface, accueillera ses premiers étudiants en septembre. Un édifice d’un million de dollars sera construit au cours de l’année grace a des subventions du fédéral (75%) et du provincial (25%). ‘ En Saskatchewan, le collége Matthieu de Gravelbourg ne dispense plus que - lenseignement secondaire.. Bien que ce soit la seule école secondaire fran- caise de la province, l’on n’arrive pas a recruter les 175 étudiants francopho- nes qui rendraient l’institution viable. Le seul enseignement collégial et universitaire dispensé dans la provin- ce se trouve au Centre bilingue du campus de Regina de l’université de la Saskatchewan et au Centre d’études franco-canadiennes au campus de Saskatoon. . : En groupant les étudiants francopho- nes, ces deux centres arrivent a offrir 40% des cours du premier cycle en francais et le baccalauréat obtenu con- tient la mention ‘‘bilingue’’. En Alberta, le College Saint-Jean qui accueille environ 300 éléves jouit d'u- ne affiliation avec |’université de Alberta qui en fait en quelque sorte le “campus francais’ de cette univer- sité. On y offre les premiéres années du cours universitaire dans les matié- res ou il est possible de grouper suf- fisamment de francophones. ~ IV, LE SOLEIL, 6 OCTOBRE 1972 2) % e