VOYAGES

Le Soleil de Colombie, vendredi 25 mai 1990 - 11

Les fouilles du « GRAND LOUVRE»

Par Jean-Claude Boyer

Paris, dimanche 21 octobre
1984. Le métro m’améne de la
basilique Saint-Denis, premier
grand monument gothique et
nécropole des rois, jusqu’au
Louvre, l’un des plus riches
musées du monde. Je m’y rends
non pas pour continuer mes
visites entreprises en 1979 mais
pour voir de mes yeux les
fouilles commencées il y a huit
mois (mars 1974) dans la cour
Napoléon. C’est 1a, parait-il,
avec des travaux semblables
exécutés dans deux autres
cours, le plus grand chantier
archéologique d'Europe.

Arrivé sur les lieux, j’'apercois
une longue file, comme il se
doit, et des affiches intitulées
«Portes ouvertes sur l’archéolo-
gie». C’est la premiére fois que
le public est admis - pour deux
jours seulement. Le chantier
fermera a 17h00 aujourd’hui. Je
m’empresse donc de faire la
queue, espérant qu’il ne soit pas
déja trop tard.

Deux heures diattente a
écouter des avalanches de
paroles oiseuses et a suivre le
va-et-vient des retardataires
décus. Notre tour, enfin. Le
préposé annonce d’une voix
forte que nous sommes
|’avant-dernier groupe a pouvoir
pénétrer sur le site. Un
" archéologue barbu. nous sou-
haite la bienvenue. (Je décrirai
briévement ma visite et |’enver-
gure de cette entreprise a partir
des commentaires notés dans
mon journal, bien sdr, mais
aussi d’un article et d’un court
vidéo que m/’a fournis le
consulat frangais de Vancou-
ver.)

Le Louvre accueille prés de
trois millions de visiteurs par
année. Le temps est venu de
développer les surfaces qui lui
sont réservées pour I’aménage-
ment des équipements d’ac-

cueil nécessaires dans la
conception des musées moder-
nes en prévision d’un potentiel
de cing millions. Mais d’abord,
les cours ont été laissées aux
archéologues.

L’objet des fouilles de la Cour
Carrée du Louvre est de dégager
le chateau  construit par
Philippe-Auguste alafin du Xlle
siécle et qui a été transformé en
palais d’habitation par Charles
V. Par ailleurs, le but essentiel
de l’opération archéologique
dite «Cour Napoléon» est
d’obtenir une connaissance
globale d’un quartier d’habita-
tion qui s’étendait entre le
Louvre ancien et la _ rue
Saint-Nicaise. C’est dans cette
derniére cour quej’ai le privilege
de me retrouver, en cette fin
d’aprés-midi, pour observer ce
rare spectacle a «coeur ouvert».

Nous circulons apas lents sur
des passerelles lelong delarges
excavations. Le guide-archéolo-
gue nous informe sur |’ensem-
ble des vestiges du quartier,
préservé depuis le XIVe siécle.
Fascinant! {| s’agit d’un
systéme de construction de
grands hdtels dont la particula-
rité essentielle est d’avoir de
grands réseaux de caves et,
principalement, des_ latrines
dans lesquelles les gens avaient
Vhabitude de jeter leurs
ordures. Ces latrines consti-
tuent donc pour les archéolo-
gues un réservoir tout a fait
important d’objets de la vie
quotidienne: céramique, vais-
selle, verrerie, couteaux, cade-
nas, ainsi que des objets plus
rares qui ont été perdus, tels
que piéces de monnaie, petits
bijoux, etc. L’obscurité nous
enveloppe rapidement. On peut
encore distinguer ici et la des
maconneries entiérement ou
partiellement dégagées. «Ce
nest qu’en 1987, conclut
l’archéologue, que les visiteurs
pourront découvrir les sous-

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sols du «Grand Louvre».

La visite se termine dans des
laboratoires mobiles ot nous
admirons sur tables et tablettes
les précieuses découvertes de
formes, couleurs et motifs
divers, objets ébréchés, collés,
rouillés ou méme en parfait état.
Une spécialiste, reconnaissable
ason T-shirt Snoopy, décrit les
procédés scientifiques d’identi-
fication, classification, net-
toyage, assemblage, collage,
conservation, etc. Clic!, clic!,
photos-souvenirs. Une grande
affiche montre des débris de
faience tels quiils viennent
d’étre trouvés au pied d’un mur
de pierre. Les commentaires
admiratifs des gens qui
m’entourent me donnent davan-
tage l’impression de vivre des
moments historiques.

(Ajoutons a ces lignes un mot
sur la fameuse pyramide de
verre placée depuis au centre de
la Cour Napoléon. Cet ouvrage
de structure fort simple, en
apparence du moins - on a fait
appel a des_ technologies
avancées - est venu de la
nécessité d’avoir éclairage,
lumiére et volume dans un hall
souterrain qui donne acces aux
trois entrées du musée. Les
controverses provoquées par sa
construction ont ranimé, dit-on,
Vintérét du public pour le
Louvre. J’aime cette conclusion
de «Sous /e Louvre, huit siécles
dhistoire!» par Jean-Pierre
Babelon: «Vouloir faire du
Louvre dans les dix ans a venirle
plus grand musée du monde,
cest reconnaitre a | 'édifice une
valeur architecturale exception-
nelle; c'est aussi s ‘inscrire dans
la vocation dynamique de |'un
des monuments-symboles les
plus célébres du monde. Huit

Hééée!!

Yale feu

dehors!
(a fait peur, d'abord. Mais
en suivant les conseils
de LAVIEILLE DAME, vous y
verrez plus clair. Dressez
tout de suite un plan de votre
maison qui prévoira, pour
chaque piéce, deux facons
d'échapper a un incendie.
Etudiez-le soigneusement
avec tous les membres
de votre famille et-c’est tres
important —faites-en I'essai
plusieurs fois. Tous s'en sou-
viendront mieux!

© Fiprecan. Prévention des incendies-
Canada et les pompiers de votre localité.

siécles ont été nécessaires pour
le faconner. Crest ce que
l’achévement des fouilles vient
enseigner au visiteur de 1989.»)

La visite de ces fouilles mia
profondément... creusé |’appé-
tit. Je reprends le métro, en
mordant dans pomme, fromage
et restant de baguette, pour me
rendre a l’adresse que mi’a
donnée avant-hier une Ursuline
d’Amiens, adresse d’un de mes
anciens professeurs de musi-
que a qui j’avais promis, en
1979, de ne pas revenir en
France sans lui rendre a
nouveau visite.

Station Raspai!, rue Boisso-
nade, et m’y voila. Je sonne.
«Bonsoir, Cécile!» «Quel bon-
heur!» Bises, puis longs
bavardages parsemés de «quel
bonheur!» Marie-Cécile Kiss
(sic) a quitté la vie semi-
contemplative, «en conflit avec
l’enseignement», pour adhérer a
un groupe séculier. Elle est
maintenant directrice de la
pédagogie musicale a |’Institut
Catholique de Paris - la catho,
comme on dit. Visite de son
petit appartement, loué a prix
dor. «C'est tellement petit,
s‘exclame-t-elle, rieuse, que
quand j'entre dans la kitche-
nette, je me sens tout de suite
de trop!» Nous sirotons un café
viennois accompagné de «ciga-
rettes» (petits gateaux) et de
raisins rouges. Mon hdétesse
conteste ouvertement |’attitude
de Jean-Paul Il face a la
condition féminine... Nous

ee

CARE CANADA CACORIPTE!

causons chant choral et violon,
son instrument. Je lui rappelle
les illusions «monumentales»
qu’elle nourrissait en 1976
(lorsqu’elle m’enseignait a
Cap-Rouge - Québec) sur un
projet de tournée avec sa
chorale l’année suivante: un
soir a Gaspé, un autre a
Chicoutimi, un troisieéme a
Amos..., comme si le Québec
était «petit» comme la France.
Les taquineries abondent de
part et d’autre. Fort sympathi-
que, cette grande dame de la
musique.

C’est bientét I’heure de refaire
labise. Mon amie griffonne ces
mots sur une carte commémo-
rative du centenaire de |’Institut
(1976): «A notre rencontre
amicale, cher Jean-Claude.
Merci pour ta visite. Que la Paix
du Seigneur soit avec toi!» Voila
ce qu’on appelle terminer en
beauté un dimanche bien
rempli.

Retour chez les religieux de
Sainte-Croix (mon ancienne
communauté), ot j’achéve de
passer ma deuxiéme semaine.
Demain: Lyon, par TGV. Lors de
mon dernier séjour dans la
capitale a la mi-novembre, il
faudra que j’aille voir l’opérette
«La Fille de Madame Angot». Le
frere D'Amour accepte de se
rendre au Chatelet le premier
jour de la vente des billets pour
nous en procurer, €2nous deux.
Jevis sans doute le seul tour du
monde de ma vie, autant en
profiter a plein.

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