| SJoyeuse féte des Wh) Le Soleil de Colombie-Britannique, vendredi 10 mai 1996 NE PAS AVOIR D‘ENFANT, PAR EGOISME OU PAR CHOIK... PAR HUGUETTE DESJARDINS VERNON - Ceque nous avons appelé la revanche des berceaux est bel et bien révolu. Comme nous étions un petit peuple de francophones dans une grandeagglomérationd’anglophones, on reproduisait en quantité. Cela se passait il y a déja 30 ou 40 ans. Les politiciens et le clergé incitaient le peuple a avoir de grosses familles pourle développement économique, surtout au Québec. Mais ]’évolution dela société n’ avait pas prévu que les grosses familles ne pourraient plus vivre aisément, que le coiit de la vie augmenterait de maniére considéra- ble. Plusieurs facteurs expliquent le taux en diminution de la natalité. Il est difficile d’imaginer une famille deS5enfants ouplus demeurantdansun condominium. On retrouve toujours des propriétaires qui refusent de louer aux couples avec des enfants. De nos jours, les hommes et les femmes ne sont plus préts a sacri- fierleurvie entiére 4l’éducationd’une famille nombreuse. Les temps ont _ bien changé... et les gens aussi. Un des facteurs les plus im- portants qui expliquerait le mieux la chute du taux de natalité est sans doute Je travail dela femme. Dans les années ’70, les femmes sur]e marché du travail n’étaient pas nombreuses. Aujourd’hui, elles envahissent toutes les sphéres de la société. Elles sont plus nombreuses que les hommes a fréquenter |’université, elles tra- vaillent 4 plein temps, elles ménent des carriéres professionnelles au méme titre que leurs collégues mas- culins. De moins enmoins de femmes choisissent le rdle 4 plein temps de mére de famille. Une parenthése est nécessai- te ici pour expliquer cet état de fait; le rdle de mére et celui d’épouse ont trop longtemps été associés l’un a l’autre. Pourtant, une femme peut trés bien étre une bonne épouse sans pour cela devenir a tout prix une mére de famille. On retrouve plusieurs cou- ples sans enfant qui semblent plus épanouis que certains avec enfant... Aucours d’un programme té- lévisé sur la chaine CBS, on deman- dait aux femmes mariées avec en- fants la question suivante: “Sic’était a refaire, auriez-vous leméme nom- bre d’enfants?” Plus de la moitié d’entre elles ont répondu quesic était arefaire, ellesn’auraient pas d’enfant du tout... Surprenant, n’est-ce pas? Il estaussi intéressant de cons- tater que le niveau d’instructiond’un pays augmente en proportion directe avec la baisse du taux de natalité. Dans certaines régions dumonde oi le taux d’ instruction est trés bas, on re- trouve lesproblémes de surpopulation qui entrainent a leur suite les problé- mes d’insalubrité, de sous-alimenta- tion et de manque de logements. _ Dans certaines écoles et uni- versités, on distribue gratuitementdes — condoms... mais onne retrouve nulle part un cours traitant de “Que faire lorsque Bébé arrive...”(] La derniére soirée de «Manman» PAR MARCEL NOTGO fa anman était ce une petite i>) vieille dame i? sans ageetplei- ne de douceur. Ses cheveux grisonnants et bouclés enca- draient un vi- sage quin était que rides et qu’éclairaient des yeux d’un bleu rieur; dont d’antiques lu- nettes, 4 verres épais, n’arri- ¥v vaient pas a aN dissimuler l’éclat. A son accou- tumée elle ve- nait de fermer les volets de sa maison et s’apprétait a passer cette soirée d’hiver en com- pagnie deson petit monde. La, dans la salle 4 manger, il y avait Titi la per- ruche, dans sa cage a coté de la télé- vision et, sur une chaise prés du radia- teur, le chat Firmin qui somnolait le nez entre les pattes. Le portrait du Pére, lui, siégeait solennellement au- dessus du buffetsurchargé de vieilles faiences. La piéce, plutét étroite, était encombrée d’un bric-a-bracdemeu- bles vieillots et dont la mode avait depuis longtemps passé. Six chaises assorties encadraient une table de noyercouvertede plusieurs nappes et dont celle du dessus était de dentelle. Les napperons de dentelles étaient une des faiblesses de “Manman” et dans cette piéce exigué on en voyait un grand nombre, omanticile dessus d’une jolie commode, 14, les coussins du vieux canapé ou ceux du fauteuil. Iln’y avait guére que levieux carillon qui avait échappé a cet enthousiasme. Le dessus du poste de télévision lui- méme en possédait son carré, ou, en- touré de bibelots divers, tr6nait un vase de cristal empli de fleurs sé- chées. “Manman” s’assit dans son fauteuil aprés avoir saisi le boitier de télécommande sur la table. Elle ten- dit son bras, se penchant en avant, comme pourse rapprocher del’ appa- reil et dit:- Je vaisnous mettre la télé, il y a un bien beau film ce soir et ga nous fera plaisir tous. : Hein Papa! Le portrait du pére, dans son sourire figé, sembla acquiescer. Elle appuyasurunetouche; aprés quelques grésillements, |’écran s’éclaira sur les premiéres images d’un film suran- né et qui devait déja avoir passé des dizaines de fois. Elle regarda denou- veau le vieil homme aux grosses moustaches, dans son cadre, comme s’i] avait été 1a, assis prés du radia- teur, dans cette chaise ot il avait passé tant d’années. Toute sa vie il avait exercé la noble profession de maitre appa- reilleur. Et, quand on réparait les égli- ses, c’était lui qui tragait puis taillait dans la pierre, les tenons, mortaises, queues d’arondes et traits de Jupiter (1) qui permettaient d’assembler les blocs sans la moindre trace de mor- tier. C’était sa fierté, dans un monde oul’onne constr’ isait déja plus qu’en bétonet enacier, et ilsignait toujours le dos des piéces maitresses de la feuille de chéne: embléme de ses compagnons artisans et souvenirdesa jeunesse. Puis un jour, il y a bien long- temps de cela, la maladie qui le para- lysait progressivement fut la plus for- te; et il se retrouva cloué sur cette chaise, prés de ce chauffage qui apai- sait ses douleurs. I] restait]a, pendant des journées entiéres, perdudans ses pensées rythmées parle balancierdu carillon dontles sonneries intempes- tives n’arrivaient pas 4 letirer. Quand la maladie ne fut plus supportable, et aprés avoir longtemps réfléchi, il prit la décision de mourir et il ne resta a “Manman” qu’une terrible peine et une question a laquelle ellene trouva jamais de réponse. Néanmoins, pour elle, il était toujours présent et aujourd’ hui, com- me d’habitude, elle passait la soirée en sa compagnie. Finalement, son attention revint vers le film, moment ot lechat décida de venirse frotter en miaulant a ses vieilles jambes. - Ah, je vois, tuas encore faim toi... et puis toujours quand ga devient intéressant. Tiens, je vais aller te chercher un peu de laita la cuisine et puis je vais me réchauffer une tasse de café...avecce temps qu’il fait dehors, je me sens toute frileuse. Accompagnée du chat, ellese rendit d’un pas vif dans la piéce voi- sine etenrevint,au boutd’uneminute, avecun bol de lait qu’elle posa a c6té du tapis. Tiens mon gros Firmin, bois ga! Pendantce temps, je vaism”occu- perde Titi. Fautpas l’oublierellenon plus, elle fait bien partiede la famille aussi. Toutenessayantde garderles yeux sur |’écran, d’une main douce comme seules peuvent |’étre celles des vieillards, elle prit, dans une boite de carton sur Ja table, quelques grai- nes qu’elle versa dans la mangeoire de la perruche, qui, tout excitée par tant d’action, sautait d’un perchoir a un autre en poussant de petits cris. + Soudain, se souvenant qu’elle avait oublié son café, elle trottina jusqu’a la cuisine, en revint au bout d’une minute et commenta 4 haute voix: -Eh bien, j’aieudelachance, pour un peu il était “bouiilu”! (2) Elle posa sa tasse, s’assit et caressa le chat qui d’un bond avait sauté sur ses genoux. La perruche, toujours aussi volubile, allait et ve- nait dans sa cage. Maman, d’un léger mouvement de son corps se,cala confortablement dans le fauteuil, un gros coussin couvert de dentelles bien arrangé dans son dos. Elle saisit sa tasse, but une gorgée de café avec une évidente satisfaction, l’oeil rivé sur les images, puis jetantun regard surle portrait elle remarqua: - On est quand méme bien, tous ensembleici. Hein Papa! Le film alla son train un bon bout de temps mais la fatigue ]’emporta et la téte de “Manman” s’appesantit de plus en plus. , Le lendemain vers midi, une voisine amie, habituéea la voirouvrir ses volets de bonne heure, s’inquiéta et lui téléphona 4 plusieurs reprises. N’obtenant pas de réponse et sire qu’elle n’était pas sortie, elle appela du secours. La police vint accompa- gnée des pompiers qui, 4 l’aide d’un pied de biche, forcérent les volets. Ils la trouvérent assise dans son fauteuil, face la télévision toujours allumée, une tasse de café refroidie a cété eres d’elle sur la table. Ses yeux fermés, ses traits figés et ses mains glacées leur apprirent que son coeur avait cessé de battre. Le balancier du ca- rillon, qu’elle avait oublié de remonter, se tenait maintenant immobile der- riére la vitre de son boitier. La perruche, dans sa cage, rassurée par tout ce va-et-vient et par l’intrusion de tant de lumiére, se mit a jacasser. Le chat, qui jusqu’alors s’était tenu apeuré dans son coin, pro- fita d’un mouvement des intrus pour se glisser parla fenétre. Il 1:’y eut que le portrait du pére pour garderla pose habituelle. Sortie d’onnesait ot, une voix remarqua: -C’estdrdle, ondirait qu’elle a Pa jument Une jument qui avait Des obfigations mondaines (On eroit que c'est pour s'amuser: a di se lever ce matin, faire son café, s’asseoir pour le boire et s’éteindre avant de |’avoir fini... Sicen’est pas triste de voir une pauvre petite vieille mourir toute seule comme ca!Q) 1- Tenons, mortaises...sont des termes techniques communs au travail du bois et de la pierre. 2- “bouillu”: du vieux dicton populaire maintenant peu utilisé: café bouillu, café foutu. On est une femme de peine) Décida de prendre une dnesse Dour s'occuper de son bébé. Ce n'était pas d¢ {a paresse, Mais une jument eegante A une vie si fatigante, Que ¢’était trop fui Semander. Le petit poulain etait tendre, €t Canesse e fefjait bien. Of se mit & tout en attendre. _L’anesse ne fui passait rien Mais fe comblait de sa tendresse €t fe poufain, de jour en jour, Mourri S'ferbe tendre et S'amour, Tendrement réprimé a chaque maladresse, Grandit en se persuadant que Malgre kes oreifles, fa queue, Les meres étaient des dnesses. Un beau jour, passant Sans fe pré, En se rendant & quelque course, Car efle aimait Beaucoup courir (Gon mattre fui en savait gré Car c'est fui qui pafpait {es bourses) La jument pensa défaitlir En entendant son petit braire. «Ce n'est rien, dit Monsieur Boussac. df deviendra comme ses fréres, Bongeons & gagner notre sac. Tantst, aprés notre victoire, de vous expliquerai {fistoire. Les enfants adorent fe bruit!» Ce jour-fG, fa jument perbit, Trop affectée par cette scene, De plusieurs fongueurs 4 Vincennes. Monsieur Boussac, vexé, (a remit au pacage. Et, depuis, effe y vit en sage Lécfjant et refecfant soi-méme son petit. €t Canesse méefancofique Redevenue simple bourrique- : Car fe poulain ingrat ne {a reconnut plus- Brouta exprés une maunaise ferbe et mourut. Jean Anouily *. pe A OR RRR RR gt RR Rt PR AA ANY PREP NPN NS ASR APN ARAGON AL ALAA ALL ADR AIR RLR PDA R LEN, fA RNIN BPO BLP i tk HO