VOYAGES Le Soleil de Colombie, vendredi 15 septembre 1989 - 11 Récit d’un tour du monde Humour 4 l’irlandaise... Par Jean-Claude Boyer Cork, ville portuaire du sud de l’Irlande, 11 septembre 1984. Ma deuxiéme nuit a la grande AJ s’achéve dans des bruits de ressorts, de toux et de porte claquée. Aprés le petit déjeu- ner, j’'accomplis rapidement la tache qui m’a été assignée: balayer un dortoir et un escalier. (On a oublié de m’en assigner une hier. Ces travaux permet- tent demaintenir au minimum le coit d’hébergement.) Un An- glais s’est vu affecté au «most unexpected duty»: aller repé- cher une poubelle qu’un mauvais plaisant a jetée a la riviére. Je resume ensuite pour ma mere, Sur une carte postale représentant un troupeau de moutons, mes trois derniers jours en sol irlandais. Je monte bientét dans un bus, avec un Torontois au visage séduisant, pour me rendre a la gare oU je reprendrai le train, cette fois pour Killarney. Dans la station,.un accordéoniste accompagne les pas perdus des uns et des autres d’une gigue, puis d’un air languissant. Une affiche annonce les célébra- tions du 800e anniversaire de Cork l’an prochain (1985). Le quotidien THE IRISH PRESS, laissé sur un banc, occupe mon attente. Je lis d’abord sa devise: «The Truth in the News» (Information et vérité). Une manchette me saute aux yeux: «Bishop and Body-builders» (Evéque et culturistes). Elle est illustrée par une étrange association de photos: un halthérophile au torse nu, muscles d’acier, et Mgr New- man, évéque de Limerick. Ce prince de |'Eglise s'insurge contre une compétition de culturistes qui doit avoir lieu ce weekend a Limerick, s’appuyant sur un discours prononcé par Pie XIl en 1952 dans lequel il prociamait la suprématie de \’€me sur le corps. L’évéque a _affirmé dans une homélie qu’une telle compétition est d’un «godt douteux pour les hommes» et «offensante pour les femmes». «Est-ce la une discipline sportive? demande Mgr Newman. Est-ce la une forme d'art valable?» || voudrait bien convaincre ses ouailles du contraire pour s’assurer, sem- ble-t-il, de leur statut éternel. Amen. Tiens, allons-y, corps et ame, d’un limerick (petite piéce en vers d’un comique absurde) a la Boyer: Un prélat fut un jour offensé Par des males au torse bombé. «Les gros muscles, dit-il, Mettent |’ame en péril, Car plus faible est la chair quand un muscle est bandé.» Je miinstalle enfin dans le train pour Killarney avec une grand-mére de 75 ans qui s'insurge, elle, contre les Britanniques et |’éternelle vio- lence en Irlande du Nord, se disant «ashamed» (honteuse) de tant d’hypocrisie et d’entéte- ment. Elle me_ conseille fortement de me rendre a Tralee, sur la cote ouest, me racontant Vhistoire devenue célébre d’un poéte local aux amours décus. Bon, pourquoi pas? Le train s‘'arréte & Mallow, au coeur d'une riche contrée agricole qui se consacre a la culture de la betterave a sucre. Avant de descendre, la vieille dame moffre sa carte du réseau ferroviaire irlandais. Thank you very much. Le train reprend ses bruits monotones a travers la verte campagne. Parvenu a Killarney, principal centre de villégiature du pays, jem’empresse de louer un Bed & Breakfast pour y déposer mon sac a dos, et de retourner a la gare pour continuer jusqu’a Tralee. Peu aprés ma descente dans cegros bourg, je me retrouve au milieu. de superbes —-rosiers, ame pénétrée de la beauté parfaite deces reines des fleurs, les narines gonflées de leur parfum délicat. Je me procure ensuite une carte postale sur la ROSE OF TRALEE, chanson de l’amoureux inconsolable. Ses vers ont fait le tour du monde, parait-il, sans toutefois séduire la belle. Voici ma version, sans rime, de ce cri du coeur: «Elle était charmante et si jolie, telle une rose en été. Ce n'est pas sa beauté seule pourtant qui lui a valu mon coeur. Oh non! C’est la vérité dans ses yeux d’aurore qui a fait de Mary, mon amour, ~ la Rose de Tralee.» En souvenir du malheureux poéte, la petite ville célébre chaque année, en septembre, la féte des exilés au cours de laquelle une jeune fille est élue THE ROSE OF TRALEE. C'est l'occasion d’un joyeux carnaval abondamment arrosé de Guinness et de whisky. Retour a Killarney. Promenade au hasard sous un ciel chagrin. Je m’attarde dans une clinique d'artisanat a la mode d’autre- fois. Une jolie tisseuse affairée ason métier se fait un plaisir de m’enseigner quelques _ rudi- ments de son art et de me faire palper une impressionnante collection de textures laineu- ses. Fascinant. Son sourire et l'accent de sa voix en disent long sur l'amour qu’elle porte a son art. Je poursuis mon «butinage» dans une église anglicane ot une personne agée me raconte que l’orgue a été touché par la méme organiste pendant 57 ans. Vie bien organisée! Je, sirote ensuite un «café mélasse» dans un petit restau- rant délabré, puis visite un magasin de souvenirs oi jen’en finis pas de lire, sur linges a vaisselle, torchons et tabliers (le vert et le trefle sont a I‘honneur, bien entendu), des formules folkloriques tout a fait savoureuses. Retenons ce conseil de sagesse: «Puissiez~ vous arriver au ciel une demi-heure avant que le diable sache que vous étes mort»! Le tablier voisin prescrit, avec une forte dose de plaisanteries, la consommation fréquente de la Guinness. C'est plus fort que moi, je sors mon journal pour noter la lettre décousue d'une touriste, tissée d’humour irlandais. La voici, en traduction libre: «Bonjour les enfants. Me voilaen Irlande. Les } gens du pays disent que le climat est formidable; c'est seulement la température qui est mauvaise. Nous sommes arrivés ici avec Irish Airlines. Quelques passagers ont été }. portés manquants: on les avait avisés dutiliser les toilettes extérieures. Votre pére apris un coup de soleil au whisky irlandais; cela se voit sur son nez. On lui adit qu'il y avait des «hookers» [prostituées] a Gal- way. ll -a été bien décu d'apprendre que c'est le nom qu'on donne aux bateaux de péche [«hook»: hamegon]. Un prétre de Cork m’a dit que les Irlandais souffrent d'un grave probléme d’alcoo!: ils n’en ont jamais assez. C’est difficile de maitriser la langue du pays. L‘heure de fermeture des pubs est le temps qu'on passe a l'intérieur pour boire toute la nuit. L’heure d’ouverture, c'est lorsqu’on vous met ala porte au petit matin. A Dublin, les pubs ferment pour une heure dans l'aprés-midi. On l'appelle la «holy houm fheure_ sainte], chacun priant pour que le pub rouvre au plus tot. Nous avons rencontré un New Yorkais venu «for rheumatism»; il l’a attrapé en deux jours. Les Irlandais sont de trés mauvais chauf- feurs. Ils conduisent du mauvais cété dela route. Arriver a destination sain et sauf est considéré comme un accident. Je dois miarréter ici, c’est bientét I ‘heure de la fermeture.» En sortant du magasin, j'entends chanter «A /a claire fontaine». Je m’approche. Une petite troupe de Frangais exécute cette chanson toute simple en trois parties, devant un béret renversé. Belle harmonie intéressée. Chacun porte un maduillage qui accentue discrétement les traits du visage. Clic!, une photo. Au rythme d’un tambourin, on chante ensuite «J‘entends le loup, le renard, le liévre...», puis des refrains que je ne connais pas. Les nombreux piétons ont l'air ravi. Aprés un souper que je ne prends pas le temps de déguster, je me mets 4a la recherche d'un pub renommé pour son ambiance et sa musique _ traditionnelle.. Me voila bientét installé a un bar devant une Guinness, le spectacle ne commengant - dans une piéce voisine - que plus tard. Jeprétel’oreille. Deux compeéres sont en train de régler les problémes du pays. L’un rappelle a l'autre que pendant plus de trois siécles la vie de CC LA FEDERATION CUTUREMLE CANADIENNE-FRANCAIC hie |e, BRAVO! La Fédération culturelle canadienne-frangaise est fiére de vous: Médaille de bronze: Phil Comeau (vidéo - Nouvelle-Ecosse) Médaille d'argent: Wilfred Perreault (peinture - Saskatchewan) Réjean Aucoin (vidéo - Nouvelle-Ecosse) Richard Banister (cuir - Ontario) Jean Bélanger (sculpture - Ontario) Colin Everett (luthier - Ontario) Diane Roy (fibres - Colombie-Britannique) La fondation de danse Julie West (danse - Ontario) Ces artistes sélectionnés par la FCCF, en compagnie des délégations culturelles du Québec et du Nouveau-Brunswick, ont porté le flambeau de |'excellence artistique canadienne lors des ler Jeux de la Francophonie tenus au Maroc du 8 au 22 juillet 1989. A plusieurs millions d'Irlandais a dépendu de la culture de la pomme de terre. A la télévision, excellent reportage sur la visite de Jean-Paul II a |’Oratoire Saint-Joseph (Montréal), |’'illus- tre sanctuaire fondé par un membre de mon_ancienne communauté. Jesuis tout a coup «kidnappé» par quatre Bretons et une Bretonne qui me forcent 4a... accepter une consommation et adevenirleur centre d’attention. Au diable le folklore irlandais. Les noms de ces joyeux lurons sont tous étrangers a mon oreille. Jeprends la peine de les noter: Maéla Guillou, Erwan Potin, Cadou Vervella, Gurvan Poher et Gwénolé Le Gall. Le plus loquace utilise |’expres- sion régionale «dame oui!», qui sert a renforcer une exclama- tion. La conversation passe des accents bretons et québécois, ponctués d’éclats de rire, au Canada et a la Bretagne, pour bifurquer sur la guerre. Les grand-péres de ces Bretons ont tous en mémoire des é6pisodes - plus horribles les uns que les autres. L’un d’eux a combattu en Russie, un autres’est rendu a pied de Brest a Strasbourg (plus de 1,000 km) de nuit. On me conseille fortement d’aller visi- ter Oradour-sur-Glane, village martyr de la Deuxiéme Guerre, dont on me fait une description pathétique; puis de prendre le TGV. Je leur demande combien de lacs il y a au Québec. Les réponses varient entre 100 et 5,000! «// y en a UN MILLION!» «Combien?» Personne ne me croit, évidemment. Et nous choquons nos chopes de boisson noire au cri «degaul- lois» de «Vive le Québec libre!» Soudain, apparaissent les «street singers» frangais. Ils viennent finir de remplir leurs goussets tout en agrémentant de leurs chansons |'atmosphére déja un peu francaise du pub. En fin de soirée, je m’écroule, heureux, sur le lit braniant mais confortable de mon B&B. Et je tourne la page sur une autre journée différente, comme elles le sont toutes au pays des voyages. ae ANNONCES EN BREF... Recherche d’audience Si vous désirez participer aux enregistrements du jeu télévisé «Talk About» dans les studios de CBC, veuillez retirer vos places gratuitement au 700 Hamilton street ou appelez au 662-6604 pendant les heures de bureau. Les enregistrements auront lieu les 12, 20, 21, 27 et 28 septembre ainsi que les 2, 3, — 4, 10, 11 et 12 octobre. Conseil Canadien de la Coopération Le Conseil Canadien de la Coopération vous fait part de l'élection de son nouveau président, Monsieur Maurice E. Therrien du Manitoba et du déménagement de son siége social au 450 rue Rideau, 3éme étage, Ottawa, Ontario, KIN 5Z4. Tél.: (613) 234-5492. Carrefour Canadien International Si vous souhaitez faire partie des nombreux volontaires qui chaque année s’installent outre- mer afin de travailler au développement du _ Tiers- Monde, veuillez contacter le bureau ouest de cet organisme charitable au (403) 429-2319. | —_ ° ...PERSONNES FONT DU PATINAGE ARTISTIQUE AU CANADA \I-