Page 4 ~ EDITORIAL Un congres de CONTESTATION La Fédération Canadienne frangaise de la Jolombie Britannique vient de terminer les assises d’un congrés annuel “pas comme les autres’? pour d’aucuns, et, comme “certains autres’? pour d’autres. Il était assez difficile de déterminer, par moments, qu’est-ce qui était contesté: les per- sonnes, les questions ou le statu quo. Toujours est-il qu’il s’est fait une aération nécessaire, tant dans le champs des idées que des esprits; aération qui a permis aux uns de s’exprimer franchement, 4 d’autres d’exprimer des sentiments qui leur avaient été soufflés; ce qui a eu l’heur de donner un certain aspect théatral et 4 mousser de nouvelles vedettes. Quelqu’un disait, par aprés, “il y a des coups de vents qui font perdre des plumes!’’ Disons que ¢’était le moment de la mue. Deux ou trois plumes de plus ou moins quand on sait quwil s’agissait justement de l’opéra- tion “poil-neuf.” En effet, ce que le congrés se proposait, cette année, c’était une nouvelle perspective. Une perspective d’avenir. Une perspective d’action plutét que de revendication. On a dit qu’il n’y avait pas assez de jeunes dans notre mouvement. I] est plus facile d’expliquer pour- quoi il n’y en a pas que de les attirer. I] est aussi plus facile de parler de ce que le mouve- ment voudrait accomplir que des personnes qui vont s’engager. Or, c’est un des aspects du probléme que les animateurs du congrés ont voulu soulever. Quel sera le choix? Est-ce que la masse voudra emboiter le pas ou assister en spectatrice? Ceux qui ont recommandé 4 grands cris de l’ac- tion plut6t que des “textes ambigus’’ ont-ils dit de quelle action il s’agissait? Ont-ils offert leurs services ou ont-ils donné leur avis? Les résultats probants nous les connaitrons avec le temps. Tous, jeunes et vieux, nouveaux et anciens, se sont accordés sur les points es- sentiels. Sans une vie communautaire 4a leur taille, sans le désir collectif de se fonder une écono- mie et des milieux propres, les Canadiens francais n’ont d’autre avenir, en Colombie, qu’une éternelle répétition du passé: S’assimi- ler 4 la masse anglophone ou vivre en marge de la société. Pour arriver a des résultats concrets ; savoir du moins si nos gens, informés des choix qu’ils peuvent faire; stimulés par la perspective de batir un pays fondé sur leur présence, seront préts pour la “révolution tranquille’’ qu’ils devront livrer. LE PARTI QUEBECOIS Pendant que les Franco-Colombiens fai- saient leur examen de conscience, quelque 800 L’APPEL ~\Octobre - décembre 1968 Québecois, — surtout des jeunes dans ce cas, — fondaient un nouveau parti politique, le Parti Québecois, produit du Mouvement Souveraine- té-Association dirigé par René Levesque. Pendant que nous, les Franco-Colombiens, cherchions les moyens de changer le cours de histoire et de nous faire une place en cette Colombie, — plus Britannique que l’Angleterre, — mais plus belle encore que la Belle Province, — les Franco-Québecois du M.S.A., eux, allaient dans le sens de l’histoire en décidant qu’il n’y avait qu’une place, au Canada, pour les Canadiens frangais, le Québec. Pour un René Levesque la situation est clai- re: le seul avenir collectif des Canadiens fran- cais dans les provinees anglaises consiste 4 étre des porteurs-d’eau qui se consolent mutuelle- ment dans leurs paroisses, le dimanche, ou, dans leurs salles paroissiales occasionnellement la semaine. “Quand ils sont plus instruits, a- joute-t-il, ils deviennent des frustrés qui bat- tent en retraite en vivant en anglais, ou, ils reprennent le chemin du Québec s’ils veulent conserver leur dignité.’’ . Pour nous, la situation est moins claire que ca. Elle est méme “ambigué’’. Certains ont trouvé que cette ambiguité se reflétait dans nos textes. Il faut le concéder. La raison est peut-étre moins ambigué, toutefois, puisqu’il s’agit souvent de présumer que les gens intel- ligents, oy a qui le chapeau fait, liront bien entre les lignes. Disons, en passant, que 1’ambi- guité principale réside beaucoup plus dans le conformisme de nos structures et de nos insti- tutions. La résistance au changement nous fait hésiter entre le désespoir de voir se transformer celles qui nous ont rendu des services aussi éminents, dans un autre age, et ]’heure un peu tardive d’en fonder des nouvelles. Mais un fait demeure. Et celui-ci n’est pas ambigu. Le nombre de Canadiens francais aug- mente constamment en Colombie Britannique. On ne me fera pas croire qu’ils viennent tous dans le but de se faire assimiler. Ils viennent ici parce qwils peuvent y gagner leur vie. Allons-nous prétendre que l’exode va cesser avec l’indépendance? Que fait-on de la mobilité grandissante des péles de main-d’oeuvre? Si, au début du siécle, la frontiére américaine n’a pas empéché les centaines de milliers d’aller chercher leur pitance aux Etats-Unis, la fron- tiére “canadienne” sera encore plus vulnérable. Il n’y a done pas alternative pour un mouvement comme le notre. Nous existons pour la promotion et la défense des franco-colom- biens. Nous devons chercher et trouver, le plus rapidement possible, les moyens d’établir des tétes-de-pont canadiennes-frangaises suffisam- ment dynamiques pour étre reconnues. Espérons, avant qu’il ne soit trop tard, que nos compatriotes de langue anglaise voient Vopportunité de nous appuyer dans la pratique et non seulement en parole. Ils ont probable- ment plus 4 perdre que nous, car, pour le mo- ment, en tant que collectivité de langue fran- caise, nous n’avons pas grand’chose en dehors du Québec.