Le Moustique ! ... Pacifique Volume7 - 4¢ édition ISSN 1704 - 9970 Avril 2004 En étes-vous str ? (Histoire vraie) Jaime prendre l’'autobus en fin de journée. Comme tout le monde, je travaille au centre-ville, loge en banlieue et, comme beaucoup de gens, j’utilise les transports publics. Plus rares sont ceux qui, comme moi, partagent une profession dans laquelle, de la journée, ils ne voient presque personne. Alors, en fin d’aprés-midi, je prends un réel plaisir @ coudoyer tous ces gens prés de rabribus, a attendre, parfois trés longtemps, de pouvoir monter sur la navette. A m’asseoir parmi tous ces étrangers pour une longue randonnée dans un véhicule finalement trés spécial en ce qu’il est le seul a desservir le faubourg ou je m’en retourne tous les soirs. Je ne m’ennuie jamais a faire le pied de grue sur mon bout de trottoir. Il ya nombre de personnes qui se croisent en tous sens. Certaines ont des physionomies intéressantes et me donnent l’envie de les arréter, de leur parler de tout et de rien. D’autres semblent vidées de leur substance et se déplacent a la maniére de morts-vivants. Ceux-la, je les laisse en paix. Ils n’entendraient d’ailleurs pas mes appels. Plus rarement, quelques trés jolies filles se laissent observer du coin de l'oeil et permettent de constater, avec le plus grand plaisir, qu’elles existent vraiment et qu’on peut parfois les rencontrer en dehors des revues de mode. Puis, il y a les magasins qui, a force d’étre toujours les mémes, sont devenus essentiels €@ mon petit monde. D’autant plus qu’a ce coin-ci de carrefour, je suis assez favorisé, il y en a plusieurs qui ont énormément d’attrait. A deux pas de l’arrét de l'autobus, il y a cette patisserie belge qui se drape de senteurs appétissantes et, devant la vitrine de laquelle, jen arrive presque a me déshydrater a force de baver d’envie. On y voit de petits gateaux a la pate légére et délicatement croquante, fourrés d’un peu de créme patissiére et gonflés de chantilly. Il y a ces petits cygnes qui me font de grands signes et que, depuis tout petit, je déguste avec une cruelle délectation. Je leur arrache d’abord la téte que je croque avec délice. Le peu de créme fraiche attachée a la base du long cou est un prélude a limmense plaisir a venir. Sadiquement, je les débarrasse ensuite de leurs ailes qui, elles, se trouvent étre légérement caramélisées et encore mieux trempées de créme. Finalement, fassouvis ma _ férocité gourmande en mordant a pleines dents dans le corps gonflé de saveurs qui m’éclate dans la bouche. J’ai une méthode différente pour approcher chacun des petits gateaux de la vitrine et du présentoir a cété de la caisse. Jamais je ne mangerai un saint honoré de la méme maniére qu’un mille- feuille. J’applique toujours trés spécifi- quement ces techniques, sans déro- gation aucune, et avec un conservatisme absolu qui, en plus de ma cruauté en ce qui regarde les cygnes a la créme fraiche, sont les seuls défauts que je me permets encore. Dans ce petit bout de rue, il y a aussi un fleuriste ou, au printemps, je viens humer le parfum des jacinthes et des lilas, 17