rath de Vancouver sur la bande, Victoria: 3 et 8 Chilliwack: Programme de la télévision francaise de Radio-Canada VOL.4 NO28 VENDREDI 18 AVRIL 1980 Les beaux Dimanches L'ouvre-boite Jean-Louis Roux et Yvon Deschamps dans un duo comique irrésistible La guerre nucléaire a eu lieu. Et c'est la fin du monde excepté pour un couple qui, caché dans quelque repli secret des entrailles de la terre, essaiera de perpétuer |’espéce hu- maine... Scénario de maints films ou de romans de science-fiction, cette «situation-limite» est on ne peut plus. propice a toutes les spécula- tions intellectuelles, les philoso- phies les plus contradictoires. Mais elle ale mérite de déclencher la réfle- xion chez tout étre humain sensible et sensé. C'est le tragique a sa pointe ultime et il arrive qu'on’ en’ sorte plus ou: moins brisé... Mais un comédien et auteur fran- ¢ais de grand talent, Victor Lanoux, a pensé nous inquiéter d’une toute autre fagon a partir de la méme apo- calypse. Nous inquiéter sur nous- mémes plut6ét que sur les horreurs de I'Histoire et ce, paradoxalement, a travers le rire. En effet IOuvre-boite, sa pre- miére piéce, que l'on proposera aux Beaux Dimanches, le 20 mai a 20h30, est une comédie surpre- nante et forte, pleine d’ironie parfois cruelle qui en dit long sur notre condi- tion humaine laquelle, m@éme au bord du gouffre, semble, dans sesi profondeurs, demeurer toujours identique a elle-méme. La piéce Au moment ou les retombées radio-actives résultant d'une guerre. thermo-nucléaire continuent de dé- truire sur terre les moindres parcel- les de vie, deux hommes, enfouis dans un abri souterrain, tenteront de vivre cote a céte. ; Mais la comédie humaine est la tout entiére et nous frappe ala figure dés les premiéres répliques. Car ces deux hommes, Jean, |'intellectuel, et Jacques, le manuel, sont aussi différents et opposés que possible. ll s‘établit ainsi inévitablement des rapports de force: Jean tente d'’alié- ner Jacques et celui-ci tente de faire chanter Jean. Et cette joute caricaturale, ces pas ses d’armes du plus haut comique entre un esprit abstrait et un esprit concret nous entrainent jusqu’a la fin, de surprise en surprise, en une sorte de crescendo dvhilarité. Qu'ils jouent aux cartes, gagent, fassent des exercices pour garder la forme, discutent de tout ou de rien chacun a sa fagon, ils ne se rejoi- gnent jamais. Jean, str de lui, de ses biens, de son intelligence, de sa cul- ture, de sa logique infaillible, n'a de cesse de circonvenir, d’aliéner,- de ridiculiser son vis-a-vis. Mais Jac- ques, le simple, le naif, le benét, le bon mouton, tente bien aussi a sa fagon plus ou moins malhabile, ins- tinctive et parfois roublarde, de «contourner» l'autre, de |'ébranler dans ses certitudes, de I’émouvoir, de I'humaniser... Evidemment, a la base du conflit, iln’y apas que les différences d’apti- tudes et les incompatibilités de ca- ractéres ou de tempéraments, il y a une bonne vieille question de nourri- ture, Insouciant et imprévoyant, Jac- ques a mangé ou perdu au jeu toutes ses provisions et Jean, il va de soi, refuse de partager les siennes avec lui. Alors, jeu d’influence, chantage, raisonnements plus ou moins speé- cieux, tractations de part et d’autre nous aménent peu a peu au bord d'une situation étrange ou ces ennemis-amis, ces opposés comple- mentaires, entreprennent une lutte ultime. Et nous verrons comment, de l'esprit abstrait a l'esprit concret, s'€établira finalement un modus vi- vendi. La réalisation Comme il fallait s'y attendre avec Guy Hoffmann, a la fois l'un de nos plus grands comédiens et meilleurs metteurs en scéne, l'Ouvre-boite, sous sa direction, est un véritable régal. Rien de ce qui est comique ne lui est étranger et ceux qui l'ont vu triompher dans les personnages de Moliére connaissent sa présence inoubliable et comprendront pour- quo} lOuvre-boite, indépendam- ment de |'excellence du texte, nous tient en haleine jusqu’a la fin. 14 Kelowna: 21 Kamloo Ke x Avec une dextérité et une habileté consommeées, il fait donner a Jean- Louis Roux et Yvon Deschamps non seulement le meilleur d’eux-mémes (on connait son sens de la perfec- tion) mais aussi des gestes, des comportements inattendus. Par ailleurs, le réalisateur manie ses caméraS avec un sens consommeé de l'effet juste, et les gags visuels ou les effets techni- ques avec une telle maitrise qu’ils ps: 50 Prince George: 4 Pewralls nous semblent tout naturels: et né- cessaires. On remarquera en particu- lier la fagon dont il traite la sequence satirique du début sur la publicite, la caricature de Jacques par Jean, de méme que la scéne finale’ ou les deux personnages ne font qu'un. Ici, rigueur et sens de l'invention se complétent avec un art parfait Guy Hottmann, Jean-Louis Roux et Yvon Deschamps, c'est. une conjonction rare et nous verrons comme ils savent faire sourdre le drame, plus ou moins sous-jacent aux scenes mémes les plus drdles. Jean-Louis Roux nous rappelle ici les grands moments de Sa carriere de comédien intelligent et Yvon Des- champs nous révele d'autres facet- tes deson talent singulier. Il meticia contribution des qualités de coeur, de bonté et de solidarité humaine que l'on sentinhérentes 4 sa person- nalitée. L’Ouvre-boite, une heure et de- mie de détente, de rire; mais aussi de réflexion sur nous-mémes L’auteur Né a Paris en 1936, Victor Lanoux, apres des études d’ajusteur, s’es- saye dans différents .métiers: apprenti-vernisseur, Ouvrier spécia- lisé, parachutiste, machiniste dans plusieurs theatres de France. A compter de 1961, alors qu’il vient de faire la connaissance de Pierre Richard, il écrit avec celui-ci des sketches qu’ils interprétent, cing-ans durant, dans les cabarets. Finalement, engagé en 1971 au Théatre national populaire par George Wilson, il écrit sa premiére piéce, /e Tourniquet (baptisée ici l'Ouvre-boite) dans laquelle il inter- is WS Terrace: 11° x“ préte le rdle de Jean. Saluée par la plupart des critiques frangais comme une réussite exception- nelle, sa piece passionne Jean-Louis Roux qui, avec Yvon Deschamps, l‘adapte et la représente avec suc- ces, partout au Québec en 1974 et 1976. René Houle