par Roger Dufrane Aprés avoir tenu, depuis prés de trois ans, le ‘‘ Car- net d’un promeneur’’, je ne puis me défendre d’une 1lé- gére mélancolie. Ces mor- ceaux, livrés chaque semai- ne au lecteur, m’apparais- sent, avec le recul dutemps, comme des parcelles de sen- timent enfouies dans le pas- sé. Ces pages, aujourd’hui perdues, tourbillonnent au lointain de mon souvenir comme des feuilles au vent. Feuilles au vent ! Tel au- rait pu étre le titre de mes prochains articles. Mais il faut étre précis. C’est pour- quoi j’ai préféré ‘‘ Prome- nades littéraires’’. Il con- -vient, pour godter avec plus de saveur les paysages de la vie, de donner de temps ' & autre un coup de barre et . de hisser un autre pavillon, ne fQt-ce que pour se donner l’illusion de se renouveler. Dans ces promenades litté- raires, je raconterai mes aventures, qu’elles soient réelles ou révées. Ony trou- vera non seulement des éva- sions: au grand air, mais aussi des évasions dans les livres. Ceux-ci ne renfer- ment-ils pas tout un monde de personnages et de paysa- = ges singuliers 7 Ouvrir un beau roman équivaut 4 fran- chir le seuil d’un domaine frémissant et ensorceleur. Dans mes derniéres chro- niques alternaient, sous des titres différents, lectures et promenades. A la réflexion, les unes et les autres peu- vent se ranger sous un mé- me drapeau. La promenade littéraire est un genre trés souple. De grands noms la jalonnent.: Anatole France, Henri de Régnier, André | mille Mauclair. Il y a quel- / ques années, parut un livre | sur Paris ot d’éminents ro- manciers, les Francis de Miomandre, les André Mau- rois, les Jules Romains, ont taté du genre. Voila.d’assez belles lettres de noblesse. Le promeneutr littéraire méle ses souvenirs person- nels aux ouvrages qu’il pré- sente, et ses souvenirs de lecture aux lieux qu’il vi- site. Il apprécie les choses en artiste. Qu’allons -nous faire, Anotre trépidante épo- que, de ce genre qui fleu- rissait en un age plus serein? Nous allons tout bonnement le rajeunir. Edmond Pilon se plaisait 4 évoquer, Apro- pos de Nerval, 1’Ile-de- France, 4 propos de Bal- zac, la Touraine. Loin de France et feru de culture Hallays, Edmond Pilon, Ca- | francaise, nous confronte- rons l’Europe et l’Améri- | que. Parler de la Riviera sur la cOte du Pacifique, de Saint-Malo dans les rues de Québec, retrouver le sou- venir d’Henri de Régnier dans le quartier chinois d San Francisco, pourquoi pas: L’emportement de la vie moderne nous éloigne toute la semaine du buisson fleuri des songeries. Revenons-y pour un moment avec ces chroniques. Réver d’une aventure réelle ou imagi- naire, délasse en balayant de l’esprit chiffres, soucis et vulgarités. Apprenons en- semble A nous distraire. Nous lirons de beaux livres. Et parfois nous les ferme- rons pour aller nous prome- ner dans les bois. Nous nous pencherons sur les étangs ot le printemps se mire et oi l’automne dénoue ses’ colliers. Nous regarderons ‘les arbres semer sur les sentiers des feuilles d’om- bre avant d’y semer des feuilles d’ambre. Le visage des saisons de la vie, nous le trouverons tantOt au tré- fonds de nous-mémes, tan- tOt au creux des sites, ou ‘bien encore, et plus sou- vent, en marge des bons auteurs. Ouvrons ensemble la fe- Netrey; amie lecteur I= Elle donne sur un beau décor. On y apergoit un sentier dans la verdure et des mon- tagnes 4 l’horizon. Prés de nous passent poétes et ro- manciers. Et parfois nous fait signe quelque héroine . de la légende ou de I’his- toire. Dés la semaine prochaine, nous nous embarquerons pour un voyage au Mexique. Nous allons au pays de la couleur. Les papillons y semblent des orchidées vo- lantes. Les marchés y dé- boulent de fruits. On en- tend, le dimanche, de la musique dans les rues. N’ allez pas croire pour au- tant que le Mexique est le paradis du rire. Sous l’en- train des airs de guitare perce une lancinante plainte. C’est que le Mexicain réve d’un ailleurs autant que nous. Il posséde le soleil sans l’abondance ; alors qu’en nos hivers mornes nous bé- néficions d’une abondance sans soleil. Qu’importe, d’ailleurs ! Le soleil, il ne tient qu’A nous de le faire luire. Le soleil, le voici ! par Jennifer Lulham. En face de nos bureaux se trouve le théatre ‘‘Metro’’, géré par une société coopé- rative et destiné A l’usa- ge des groupes amateurs de Vancouver. Derniérement, on y a pu voir la comédie ‘‘Beekman Place’’ de Samuel Taylor, dramaturge américain. Le rideau se léve sur un intérieur coquet avec au fond un balcon garni de plantes, ._qui donne , comme nous 1’. apprenons sur la ‘‘East Ri- ver’’ de New York. Seule note criarde est le tableau pseudo-Gains- borough d’un garconnet ha- billé de velours bleu qui tient 4 la main un violon. Ce petit, c’est le propri- étaire de cet appartement, Christian Bach-Nielsen, violoniste de renommée in- ternationale qui depuis quel- que temps garde obtinément la retraite du monde musi- cal. Il s’amuse 4 donner des legons A sa cuisiniére qui joue davantage de violon qu’ elle ne prépare de plats. Eve Mutter donne A ce per- sonnage unenthousiasme dé- bordant. La femme de Christian Emily prépare les mémoires de son mari avec un tel dévouement qu’elle invente les étoffements. Christian vit, (comme Sarah Berhard et son cercueil), avec un masque mortuaire, qu’il s’ est fait préparer sur me- sure en état d‘hypnose. Cet acteur, Len Doncheff, seul professionnel dans la distribution, n’est pas tout 4 fait dans la peau du per- sonnage. Qu’il n’ait pas |’ apparence d’un musicien on le lui pardonne, mais sa voix n’est pas musicale et son jeu, trop agressif man- moelleux nécessaire. Le calme est rompu par l’arrivée de Lady Pamela Piper, une anglaise riche, sophistiquée et amorale. Interprétée par Barbara Dahlquist avec charme,brio et maftrise, la piéce prend son véritable essor. I] pa- raft que Lady Pamela avait passé un week-end clandes- tin avec Christian en An- gleterre, pendant la guer- re. C’est en écrivant les que de résignation et du’ mémoires qu’Emily fait cette découverte et son mariage risque la destruction. Ce qui complique davantage les choses, c’est la présence de la fille de Lady Piper, Au- gusta, jeune anglaise bien élevée naive et enceinte.Gul- lian Neumann joue le rdle d’Augusta avec naturel. Sa voix, agréablement éraillée fait penser A celle de Gly- nis Johns. — Son amoureux, Simon Holt, correct etgauchementanglais l’a rencontrée au cours de manifestations anti- nu- cleaires. Lady Pamelas’op- pose d’abord au mariage d‘ Augusta et de Simon, mais en apprenant que le jeune homme est trés riche et que son pére et un de ses amours passées, elle change d’avis. Surtout qu’A son apparition, Samuel, homme arrivé et génial recommence 4 lui fai- re la cour avec son gentil accent cockney. : Cependant, Emily se ronge les sangs car elle soupg¢ onne Christian d’étre le pére d’ Augusta Piper. L’illustre ‘musicien a été persuadé par cette jeune fille de faire v partie d’une démonstration de pacifistes devant 1’ONU. Inévitablement ¢a se termi- ne par une’ bagarre avec la police. Tout le monde paraft con- tent. Christian renaft, il va redonner des concerts, Emi- ly ajoutera un nouveau cha- pitre aux mémoires, la cui- siniére ne donnera plus con-] : gé et il y aura un double mariage; Les Holt, pére et fils avec les dames Piper, Pamela et Augusta. Pourtant le théme de la piéce ne me convainc pas. l’auteur veut nous faire croi- re qu’il est mieux de donner un coup de pied 4 un cheval de la police, que de rester, chez soi pour faire de la musique, tranquillement (Que dirait donc la Société Protectrice des Animaux/) Etre engagé. c’est bien, mais il faut savoir 4 quoi l’on s’engage. Jennifer Lulham. Le chien de Colima Le Musée des Beaux-Arts de Montréal a fait l’acquisi- tion de deux figurines en terre cuite, datant de 1’épo- que précolombienne, dont Tune représente une femme et lautre un chien. Elles font actuellement par- tie de l’exposition ““Mangeurs d’hommes et jolies dames” que présente le musée jus- qu’au 8 mars. La statuette de femme de- bout, de 2134 pouces de haut, est en argile de couleur cha- mois. Elle appartient 4 l’épo- que dite préclassique, soit 1,000 a 2,000 ans avant J.-C. Cette sculpture a été trou- d’anthropologie de Mexico. Cruz, de l’Etat de Morelos, légérement au sud du haut plateau mexicain ou s’im-. planta la civilisation des jo- lies dames. La seconde statuette est un chien rouge du Colima fait entre l’an 200 avant J.-C. et le deuxiéme siécle de notre ére. Il a 13% pouces de haut et 19 pouces de long. Of- frande funéraire, ce chien est trés proche d’un exemplaire qui existe au Musée national vée dans la région de Santa Le fonds Horsley et Annie Townsend a servi a l’acquisi- tion de ces deux oeuvres. Le chien du Colima acquis par le musée des Beaux-Arts de Montréal Vill, LE SOLEIL DE VANCOUVER, 26 MARS 1971.