par Keith SPICER | Courtoisie du Vancouver Sun HALIFAX. Sur le quai enso- leillé auquel s’amarre le Bluenose II, les huitres et la bonne biére Schooner ont le don de vous inspirer des méditations politiques. Pour expliquer la victoire impré- vue, la semaine derniére, des conservateurs de John Buchanan, il survient une occasion rare de voir les choses en profondeur: un concours oratoire sur le thé- me “Que dirait Joseph Howe a René Lévesque?” Un siécle les sépare. Mais le héros légendaire de la Nouvelle-Ecosse et le chef actuel du Québec sont des fréres spirituels 4 bien des égards: tous deux dédai- gnaient l’école, mobilisaient les lecteurs de journaux (ou téléspectateurs) de leur temps, séduisaient les foules par leur verbe patriotique. Tous deux changeaient de parti, devenaient premier ministre de leur province, détestaient la Confédéra- tion, prénaient l’indépen- dance de leur terre natale. Voici donc, en direct de la Grande Chambre des Com- munes du Ciel, le texte verbatim du message que M. Howe adressa le weekend dernier 4 M. Lévesque: “Cher collégue, Vous aviez tort la semaine derniére de vous vanter a haute voix (si haute qu’elle est montée au Paradis) que la défaite du premier minis- tre libéral Gerald Regan n’était qu’un clou de plus. dans le cercueil de Trudeau. J’ai trouvé particuliérement cavalier votre rappel que le gouvernement libéral (a part 4 Le Soleil de Colombie, Vendredi 29 septembre 1978 . Ottawa) le plus 4 l'Ouest au .vant a l'Ile du Canada se trouve doréna- Prince- Edouard. Et celui-la avec une majorité législative d'une voix! - Iconoclastes et méssies que nous sommes tous deux dans nos patries respectives, nous pouvons nous permet- tre un peu de franchise. Voici un mot de prudence sur le scrutin chez vos amis en kilt et quelques conseils pour votre avenir a vous. ll serait irréaliste de croi- ‘re qu'on a débarqué le ‘pauvre Regan seulement a cause de ce grand ami que vous avez en commun, Pierre Trudeau. Il est vrai qu’on déteste Trudeau en Nouvelle-Ecosse, mais mieux vaut étre détesté que méprisé, comme c’est le cas de l'ineffable Joe Clark. Les vraies raisons de la torymanie des Bluenosers? Des coléres bien plus bana- les: l'usure du pouvoir, si porteuse d’ennui, d’un régi- me libéral vieux de huit ans;. une nouvelle carte électorale favorisant les propriétaires de maison (le frie vote bleu); la tendance pancanadienne bien connue des trois dernié- res années qui a remercié des hommes aussi estima- bles que Dave Barrett en Colombie - britannique, Robert Bourassa (vous vous en souviendrez) au Québec, Ed Schreyer au Manitoba et —— presque —— Bill Davis en Ontario. A ne compter que ces raisons-la, vous auriez tort ‘de prendre le chant de cygne de Regan pour le glas de Trudeau. Mais il y a une cause qui domine toutes les autres si vous cherchez a comprendre la défaite de Regan: le raz-de-marée de conservatisme budgétaire qui inonde notre continent. Il est vrai que les néo- démocrates (également néo- écossais) de Jeremy Aker- man n’ont pas abandonné V'étiquette NPD. Mais ces “socialistes”, tout comme les “libéraux” de Regan, avaient tellement la trouille face a la colére anti-bureaucratique des contribuables qu’ils ont laché tout le reste: princi- poleiss =| Lanf ae ss : PE Lae | \ A BAAS Oo ce ya Niiawey — {em Ouvert 7 jours par semaine : de 12h00 a 14h30 Tél. 687-1418 et de 18h00 a 23h00 751 rue Denman Stikasche cs. de 17h00 & 22h00° _ Vancouver, C.B. pes, programmes et —— faut-il s’en étonner? —— crédibilité. Les électeurs de la Nouvelle-Ecosse, devant trois partis conservateurs, se sont dits: autant prendre les bleus certifiés. Forts de cet avantage d'une appellation contrélée; les gars de Buchanan se sont jurés d’analyser les dépen- ses gouvernementales non pas a la loupe mais a la hache. Tout comme leurs maitres 4 penser du Mani- toba chez le premier minis- tre Sterling Lyon, ils étaient assez rusés pour attaquer les bureaucrates plutét que _ les services. A cette fin, Lyon leur a méme prété un conseiller en stratégie: il soufflait aux scribouilleurs de discours de Buchanan tout l'art de pré- senter les fonctionnaires comme des boucs émissai- res. Lesdits scribouilleurs, Bill Neville et le sénateur Allister Grosart, sont venus d’Ottawa ajouter de la cou- leur locale a toute |’entre- prise sur les pressantes ins- tances de leur leader, Joe Clark. La question-clef de la cam- pagne électorale —— les tarifs d’électricité —— ve- nait intensifier merveilleuse- ment cette fiévre toute cali- fornienne. Déja avant les élections ces tarifs étaient les plus élevés du Canada, exception faite dela minus- cule Ile du Prince-Edouard. Avec l’'augmentation de 18 pour cent annoncée géniale- ment par les autorités éner- gétiques de la province juste avant la campagne, I’électri- cité en Nouvelle-Ecosse coi- te $3.53 le kilowatt-heure, alors qu’au Québec (qui a les tarifs les plus bas du Canada) le courant se vend a $1.47. Bon, cher collégue, qu’est- ce que tout cela signifie pour vous? Je comprends bien —— soit dit en passant —— a quel point votre référendum sur l’indépendance commen- ce a vous énerver. Voici un siécle, au premier Parlement du Canada, nos “indépen- dantistes” de Nouvelle-Ecos- se ont remporté 36 siéges sur 38, et on a fichu une peur rouge (non pas bleue, celle- ci) 4 nos amis fédéralistes —— tout comme vous I’avez fait le 16 novembre 1976. Le fardeau de cette demi- conquéte de l'indépendance était lourd a porter. Mon premier conseil: le triomphe de Buchanan (dont les qualités de chef restent a déterminer) doit confirmer votre décision d’épauler les éléments “bourgeois” de vo- tre parti. Si vous permettez a vos poétes en romantisme socia- liste et nationaliste de pren- dre le devant de la scéne lors du référendum de 1979 et lors des élections provincia- les de 1980, vous provoque- rez l’extase chez le 13 pour cent de Québécois qui sou- haitent réellement quitter le Canada. Mais vous perdrez le 30 ou 40 pour cent des Québécois indécis que vous espérez mystifier avec votre projet de souveraineté-asso- ciation —— qui, 4 mon sens, ressemble pas mal au divor- ce suivi d’un compte bancai- re en commun. Le gars qu'il vous faut en vedette se nomme Jacques Parizeau. Oui, celui: dont le tailleur vit 4 Londres (Savile Row) et qui porte la bre- loque de banquier. Le méme qui a réussi cet emprunt gigantesque en Europe il y a quelques semaines a des conditions fort favorables. Ayant ce genre de crédibi- lité, il n’aura aucun problé- me a persuader les Québé- cois qu'ils pourront avoir, . comme le dit si bien Yvon Deschamps, “un Québec libre dans un Canada uni.” N’oubliez pas non plus que le jour de vos élections géné- rales, vos adversaires vont vous jeter en pleine figure votre slogan diversion de 1976 qui promettait “un vrai gouvernement”. Votre répli- que sera facile. Parizeau n’a . qu’a garder la main sur la guillotine pour les fonction- naires et vous, cher collégue, vous n’aurez qu’a vous dé- guiser en Sterling Lyon: un gilet de comptable et un petit air de radinerie sévére feront bien I’affaire. - Ensuite, question tuyaute- rie, vous devriez redoubler vos efforts pour séduire les neufs premiers ministres des provinces anglophones. Aprés le coup de Régina en aofit, les anciens vous ado- rent déja. Pour le blanc- bec Buchanan, une visite “d’Etat” a Halifax par notre seul premier ministre d'une province francophone serait tout indiquée. Et combien flatteuse. : Dans vos bagages, trois petits cadeaux. D’abord, quelques kilowatt-heure de cette électricité 4 bas prix de Terre-Neuve qui devient de l'électricité a prix élevé lors- qu'elle s’exporte a |’Etat de New-York. Si vous aidez Buchanan a dominer ses prix d’électricité, il fera lui-méme du porte-a-porte pour votre cause lors du référendum. Ensuite, vous aménerez des promesses d’échanges de jeunes et de quelques centaines de profs de fran- cais. Les Tories chez nous, comme ailleurs, souffrent de leur réputation de franco- phobie (voir Lyon a nou- veau), et ils seraient ravis de passer pour des gens éclai- rés en élargissant les efforts déja solides que Regan a lancés dans les écoles pour donner aux enfants une meil- leure chance que celle de leurs parents d’apprendre la langue de Victor Hugo et de Guy Lafleur. De surcroit, ce geste prou- verait de maniére frappante votre sérieux pour une asso- ciation réelle aprés la souve- raineté: les ponts, on les construit déja.:. Enfin, vous trimballerez a ‘Halifax votre nouveau conseiller pour les mystéres du Canada anglais, M. Daniel Latouche.. On dit que M. Latouche aime bien jouer les Anglais contre les An- glais. Parfait. Il sera comblé en se rendant compte \ \ UNE COMMUNAUTE DE MENDIANTS Depuis quelque temps, la Francophonie semble étre de plus en plus a la recherche de dons des gouverne- ments. Que nous appelions cela: secours, soutiens, octrois, ou que nous employons des mots anglais tels que: grants ou bonus, etc., il n’en est pas moins vrai que toute gratification oblige celui qui la regoit. Autrefois, les quéteux murmuraient: “Que Dieu vous le rende’”’. Nos gouvernements modernes ne donnent rien pour rien. Pensez-vous qu'il soit possible d’opposer un refus au gouvernement. fédéral aprés tout l’argent que les organisations francophones en ont obtenu? Est-il pensable de dire non au gouvernement provincial qui fait sa publicité en subventionnant les écoles séparées? Chaque église de la ville, du fait méme qu’elle ne paye pas de taxe immobiliére est l'obligée de la Mairie. N’a-t-on pas vu les Francophones Hors Québec accepter de l’argent du gouvernement de la province de Québec? Oui, bien sfir, pourquoi ne pas en profiter puisque cet argent sort de notre propre poche et que nous ne faisons que récupérer notre bien. Pourquoi? Parce que, pour.un peu de dollars, nous alliénons quelque chose de trés important: notre liberté. See Pourquoi? Surtout parce que si nous Francophones voulons faire quelque chose et devenir adultes, l’argent dont nos organisations ont besoin doit sortir de nos poches. Mais ceci est une autre histoire. DE LA LECTURE Un étre humain est un animal qui lit. Ceci dit, chacun 4 toms voit dans quelle catégorie se classer. Ainsi done du singe a l'homme il n’y a que I’épaisseur de l'alphabet et le fait de s’en servir. Si vous ne pouvez d’un coup abandonner la télévision pour la lecture, lisez seulement entre les annonces publicitaires, le programme vous paraitra plus intéressant. I] faut reconnaitre qu’au début. un livre peut paraitre ennuyeux, il en est comme des gens, donc n’insistez pas, passez au suivant. Il y a plusieurs maniéres de lire, la meilleure est de sauter des pages et si le livre en vaut la peine vous reviendrez au début. Que lire? D’abord ce qui vous plait. Quand vous allez au restaurant vous commandez votre plat préféré. De méme en lecture, méfiez-vous des auteurs a la mode, des livres qu’il faut avoir lu, et autres balivernes, et surtout ne vous jetez pas sur le méme auteur pour tout dévorer, vous en auriez une indigestion. Le grand philosophe Eric Hoffer a dit que chaque auteur n’a écrit qu’un seul livre: le premier. Les autres ne sont que des répétitions, du réchauffé en somme. Ou trouver des livres? Au Centre Culturel et au Soleil de Colombie. A vous de fouiner dans leurs rayons et de choisir 4 votre goit ou plutot a votre fantaisie, car n’oubliez pas, lectrices: : FEMME QUI LIT EMBELLIT. e ANN SAA Mol /iCL Ne A faa qu’avec les conservateurs au présidé par M. Robert pouvoir en Nouvelle-Ecosse, l'Union des provinces atlan- tiques sera plus que jamais une affaire de placotage pour l'heure des cigares et de l’eau-de-vie. En terminant, cher collé- gue, un mot sur votre place dans l’histoire. En vous ins- pirant de ma carriére a moi, voici ce que vous devriez faire: battez-vous jusqu’a ce que vous puissiez perdre honorablement, ensuite ac- ceptez des “conditions meil- leures” pour le Québec au sein de la Fédération cana- dienne. Vous scellerez tout cela en entrant, vers 19838, dans le “Gouvernement de réconci- liation nationale” qui sera Stanfield. Stanfield? Mais oui, un autre gars de la Nouvelle- Ecosse. Un Canada recon- naissant le rappellera pour réparer les pots cassés juste apres que Pierre Trudeau et Joe Clark auront été nom- més au service ciplomati- que, cette belle école de bonnes manieres. Pensez-y. Avant de mou- rir en 1873, j'ai méme été: parachuté Lieutenant - Gou- verneur de ma province. Sans compter qu’aujourd’hui encore on organise des concours oratoires en mon honneur. Un frére d’outre-tombe, — Joseph Howe.” 2 A ie A Fe SEN!