Novembre 1967 L?>APPEL page 5 TOUR d’HORIZON ... Le dialogue s’engage en Colombie Britannique Depuis les quelques années que se pose la question au sujet de notre identité canadienne, la réaction a été soit passive ou négative. Bien peu d’intérét n’a été manifesté outre cette question répétée a la facon de l’automate: “Que veulent les Canadiens franeais?’’ Ce fut un dialogue de sourds puisque la plupart de ceux qui ont posé cette question n’étaient pas vraiment intéressés 4 entendre une réponse. Les choses semblent toutefois avoir chan- gé d’une facgon radicale depuis quelque temps. Voici maintenant que les divers media d’infor- mation se penchent non plus seulement sur le probléme comme s'il était uniquement posé par le Québec, mais, sur l’ensemble du Canada francais. Méme le Vancouver Province, jour- nal qui, traditionnellement, montre les dents a chaque fois qu’il est question de frangais, a donné une rebuffade retentissante 4 M. Ben- nett le lendemain de son invitation au Québec de s’angliciser pour s’assurer d’un essor éco- nomique. C’est plutét encourageant que de li- re, dans le Province, un éditorial recomman- dant 1’établissement d’écoles franeaises en Co- lombie. Les visites successives de Jean Chrétien, de Laurier Lapierre, de René Lévesque, et l’hos- pitalité chaleureuse qui leur a été réservée, nous donnent l’impression nette que le mur de Vindifférence s’écroule. Il ne nous sied pas de présumer de la solution éventuelle. Parmi les visiteurs que nous avons nommés, il n’y a pas unanimité quant aux objectifs. Le premier se range du cdété de la position officielle du pré- sent gouvernement fédéral. Celui-ci prone la correction d’une tendance qui a trop longtemps durée: celle qui a présidé a la présente crise; c’est-a-dire, celle qui a présumé de la personna- lité exclusivement britannique du Canada et de Punilinguisme officiel anglais. Selon Jean Chrétien et les autres fédéralistes qui parlent au nom d’Ottawa, il est urgent de rétablir un juste équilibre et de donner aux deux commu- nautés culturelles du pays un sens égal de di- enité & quelque endroit ot elles se trouvent. Nous ne doutons pas de leur sincérité, mais, quant a nous, personnellement, nous trouvons que le sentier est un peu étroit pour l’époque des auto-routes. I] est difficile de reprendre le temps qui a été gAché durant les cent derniares années. Cecj ne veut pas dire qu’il n’y ait pas une campagne d’éducation A amorcer. Mais, selon notre opinion, toute campagne en ce sens ne peut aller plus loin que de faire connaitre les proportions collossales du probléme 3 en- visager, afin de préparer l’opinion A des solu- tions radicales. Laurier Lapierre ne s’éloigne pas beaucoup de la position du gouvernement fédéral. Ce qu’il dit est trés réjouissant pour la population francophone. Il peut méme aller plus loin que Jean Chrétien puisqu’il n’a pas a interpréter la pensée officielle. Il peut, comme nous, faire ap- pel aux sentiments humanitaires, 4 la richesse des valeurs humaines, au nationalisme des Ca- nadiens de toutes origines. I] peut condamner les préjugés, les mythes, l’ignorance, le provin- cialisme. Il peut s’opposer aux séparatismes de toutes sortes en invoquant la nécessité de 1’in- terdépendance. I] peut déplorer le fait que tout le Canada, tant francais qu’anglais, est menacé par le colonialisme économique des Etats-Unis. Nous recevoas son message avec autant plus d’enthousiasme que e’est le champ de bataille que nous avons choisi. Mais, ensuite, il nous arrive un René Léves- que qui se dit d’accord avee M. Bennett; qui dit, comme ceci, quwil est normal qu’il n’y ait pas d’écoles francaises en Colombie; que si les Canadiens francais veulent conserver leur langue, ils n’ont qu’a retourner ou 4 déménager au Québec; que le bilinguisme et le bicultura- lisme sont des mythes; que l’indépendance du Québee est le seul chemin vers l’interdépen- dance. Cette derniére attitude a autant de chance d’étre réaliste, sinon plus que la précé- dente, si on mesure la distance 4 parcourir et le peu de temps qui reste 4 notre disposition. Les théses qui nous arrivent du Québec depuis quelque temps sont d’ordre 4 nous lais- ser prévoir une option définitive d’ici quelques mois. Le Canada anglais est loin d’étre prét a subir le coup. Le paradoxe du Canada anglais est le suivant: il se réclame d’avoir hérité des institutions démocratiques anglaises, reconnues pour leur stabilité; il s’appui constamment sur la volonté populaire et reproche aux intellec- tuels canadiens-franeais de présumer de cette méme volonté populaire; mais, lorsqu‘il devra, devant l’irrévocable, prendre position, il le fera uniquement par ses chefs. Le peuple ne saura pas de quoi il s’agit. Le danger le pire a envisager est celui d’un premier ministre qui serait poussé 4 faire des déclarations aussi mal- habiles que celles qu’il a faites lors de la visite historique du général de Gaulle. C’est pourquoi il faut se réjouir d’une prise de conscience naissante en Colombie Britanni- que. Non seulement les visiteurs sont-ils enten- dus par des oreilles plus nombreuses, mais, les occasions de dialogue avec la population fran- cophone se multiplient. Quoiqu’il advienne; quelle que soit la solution définitive du dilem- me canadien: fédéralisme refondu, association de deux états, etc., la population, qu’elle soit de langue anglaise ou de langue francaise, a le droit de connaitre tous leg faits. Une solution ou Vautre n’élimine pas le besoin d’écoles francaises dans notre milieu; n’en déplaise 4 M. Lévesque ou & M. Bennett.