GE Ce OR OI On hn, HS EG fa ae ee ee eee ects tile enti: as She ina tcieabihalalte sid tials Le Soleil de Colombie, Vendredi 21 Octobre 1977 5 Un choix national SECTION 7 Chapitre 3 ~— La langue et [unite canadienne Le maintien de I‘unité du Canada dépend beau- coup, mais non exclusive- ment de la politique des lan- gues officielles, laquelle dé- coule d’une situation de fait. La population doit avoir claire connaissance de cette situation et accepter la né- cessité du changement. ‘Ce chapitre traitera donc de quelques-uns des éléments historiques ou contemporains qui intéressent |‘intégrité du: Canada. Tel qu’il existe, le Canada est l’oeuvre d’hommes qui souhaitent partager une ex- périence commune. Dans un pays aussi étendu, cette vo- lonté de coexistence évolue constamment en raison tant des distances que de la diver- sité de nos conceptions de la vie. Il ne faut donc pas s’é- tonner que ce dessein sem- rfois hésitant. : : “des raisons de la fra- gilité de l’unité nationale est notre difficulté a saisir la complexité de nos problé- mes _ collectifs. Francopho- nes comme _ anglophones, nous avons tendance, tout na- turellement, a concevoir le Pays a partir de notre expé- rience locale ou régionale. Nous oublions souvent la grande diversité du Canada et la richesse que consti- tuent les coutumes, les cro- yances et les vues des Cana- diens du Québec, de |’Onta- rio, des Maritimes ou de ‘Ouest. Mais, devant la ~complexité, les hommes n’ont pas toujours la patien- ce des solutions suffisam- ment mdries; ils les veulent simples et rapides. Les Cana- diens, pas plus que les autres peuples, n‘échappent a cette impatience. Pourtant, les problémes du Canada, et la question linguistique n’est pas le moindre, ne seront pas résolus en un tournemain. Aux solutions tranchées, il faudra souvent préférer les réponses nuancées et les ac- commodements. La souplesse et la tolérance se font diail- leurs de plus en plus néces- saires dans le monde actuel ou sans cesse et ou |’interdé- pendance des peuples est la condition de leur progrés. Si les Canadiens ont quel- quefois du mal a dégager une identité commune, ce n’est pas qu’ils soient im- Puissants a exprimer des i- dées et dessentiments col- lectifs, Nos écrivains, nos peintres et. nos artistes, fran- cophones ou anglophones, confirment aux yeux de tous la singularité de l’aventure la complexité s’accroit- canadienne. Mais les Cana- diens refusent de masquer leurs différences derriére une facade d’homogénéité factice. Ils en sont fiers et cherchent méme a les cultiver. Délibé- rément, et non par manque d‘imagination, ils résiste- ront toujours 4 une concep- tion monolithique de leur identité nationale. ; Il ne saurait donc y avoir d’unité nationale au Canada sans une affirmation perma- nente et réelle de nos diffé- rences individuelles, cultu- relles et tégionales car, a travers elles, c’est la person- nalité et la liberté de: cha- cun qui s’expriment L’a- mour et l’amitié supposent le ‘respect de l’originalité profon de des 6étres chers; c’est d’ail- leurs la condition de notre épanouissement. N’est-ce pas, en vérité, le propre de I’hom- me civilisé de s‘ouvrir aux autres. : Acquiescer a la dissemblan- ce permet aux Canadiens de langue frangaise et de langue anglaise de se manifester en toute liberté dans un pays dont l’existence dépend du rejet de l’uniformité linguis- tique et culturelle. La réa- lité fondamentale du Cana- -da ne trouvera pas les condi- tions de son actualisation dans _ l’affirmation intransi- geante de nos projets res- pectifs, mais dans la poursui- te réfléchie des objectifs communs que nous fixent nos valeurs et nos intéréts indi- viduels et communautaires. La multiplicité des attitu- des et des points de vue peut, bien sGr, devenir une cause de désunion. Mais sans |’ac- ceptation des particularités, la cohabitation devient impossi- ble. Certains semblent accep- ter difficilement que la minorité francophone, _ lar- gement concentrée au Qué- bec, veuille 4 la fois préser- ver ses valeurs et prendre une part active a la vie ca- nadienne. C'est pourtant essentiel . Par ailleurs, i] ne peut pas y avoir d’unité nationale sans la poursuite d’objectifs com- muns et un désir collectif de les atteindre. Assurer a tous les Canadiens la sécu- rité économique et matériel- le, mettre en valeur nos res- sources, partager nos richesses avec les déshéités du monde entier, voila autant- d‘objec- tifs capables de nous unir. Mais pour les atteindre, il nous faut voir au-dela de nos idéologies respectives. Divers autres problémes débordent le Canada et ont une portée internationale: la pollution et ses conséquences sur I’environnement; la cour- se aux fournisseurs de pétro- le et la nécessité de trouver, pour I’avenir, des solutions de rechange peu coGteuses et pratiques a cette source d’é- nergie; la production alimen- taire et sa distribution dans le monde; la répartition des La Confédération est née richesses entre nations riches d'une préoccupation analo- et nations pauvres, la mise en gue. Elle a d’abord permis de Valeur des ressources sous- concilier les différences entre Marines. Francais et Anglais de la Pro- vince du Canada; leurs diver- gences, on le sait, avaient presque réduit le gouverne- Il faut bien se rendre comp- te que le systéme de gouver- ment a l‘immobilité. Cette nement institué au moment entente ouvrait la voie a la de la création de la Confé- réalisation des autres taches dération est I’un des plus que les partenaires s‘étaient souples qui soit; par ailleurs, fixées: la croissance écono- faut-il le dire, la forme mique, la construction de ré- Méme de notre fédéralisme seaux ferroviaires qui puis- ’a rien de sacré. Notre lien sent faire concurrence aux ré- essentiel est une volonté com- seaux américains, l’expansion Mune de nous gouverner avec vers I’Ouest pour que le discernement, conformément pays s’étende de |‘Atlanti- a nos besodins. Notre constitu- que au Pacifique, I’absorption tion n’est pas immuable; de la croissance démographi- Pourtant, les tentatives pour que ‘et la consolidation de !a rapatrier en vue de la modi- l‘unité nationale que rendait fier nous-mémes se sont heur- nécessaire la menace d’une tées a bien des résistances. invasion américaine. Le Canada est un pays in- Atteindre ces objectifs, ce dépendant depuis déja long- sera l’oeuvre commune des temps. Mais son immensi- Canadiens des provinces té 1a dispersion de sa popu- fondatrices de la Confédéra- Jation et l’attachement de tion et de ceux des provin- chacun a sa communauté ou ces et territoires qui y sont a $a région font que ce entrés par la suite. Ce pays sentiment n’est issu ni du sang, ni de la est vécu localement avant grande rhétorique; il s’est de |’étre au plan national. bati sur la patience et I’a- || y a la un énorme dan- charnement au travail. ger, car nous n‘ayons pas Les motifs qui ont donné Vérifié jusqu’a quel point lieu a la Confédération sont c’est I’unité du pays qui toujours présents. Le progrés rend possible les exception- économique doit s‘accélérer nelles libertés individuelles dans toutes les régions. |] faut et l’autonomie locale et améliorer le plus économique: régionale dont jouissent les ment possible les moyens de Canadiens. A vrai dire, nous transport. Le pays s‘étend ne disposons pas ici d’ins- -juscu’a I’Ouest, mais les ré- truments de mesure. gions septentrionales nous défient par les problémes trés particuliers qu’elles po- sent. D‘aucuns s’‘inquiétent Notre difficulté a former de la puissance économique UN pays uni ne découle pas des Etats-Unis et de la mena- seulement de la présence sur ce qu’elle fait peser sur notre UN méme territoire de deux indépendance politique. D’au- groupes linguistiques _dis- tres Canadiens, anglophones tincts. Nous sommes aussi surtout, craignent son divisés, par exemple, sur les influence culturelle. Bien des "oles respectifs des gouver- Canadiens de langue fran- Nements fédéral et provin- caise partagent cette crainte, Ciaux, sur les moyens a quoiqu’ils s‘inquiétent au pre- Prendre pour réduire les dis- mier chef de l’intégrité de Parités économiques, sur la leur langue. Au plan poli-. fa¢on de venir en aide aux tique, enfin , notre avenir régions défavorisées Mais _ dopter les attitudes qui fe- d'indépendance - a la poursuite d‘objectifs tes héroiques pour la défen- communs? se des valeurs les plus uni- verselles ont frappé |‘imagi- nation et soulevé les senti- Autrement dit, la division ments les plus nobles. Par du pays en deux ou comparaison, le Canada plusieurs entités politiques semble étre un pays sans faciliterait-elle la solution de Passion et sans voix. En fait la question linguistique? il menait son combat sur un Dans |‘affirmative, le débat autre front. sur la langue prend fin aussit6t. Mais alors, surgi- L’évolution du Canada a ront d’autres questions. La permis néanmoins a ses ha- division du Canada s’accom- bitants de jouir d’une trés Pagnerait-elle d’une augmen- grande liberté personnelle et tation ou d’une diminution d’une autonomie nationale, de la liberté individuelle? provinciale, régionale et lo- Offrirait-elle plus de sécuri- Cale peu communes. Cette té ou une plus grande ins- évolution s’est faite sans tabilité économiques? Une heurts, dans un climat de plus grande sécurité ou plus stabilité interne relative, de fragilité culturelles? Pro- dont il n’existe guére d’e- Curerait-elle ou non aux fu- xemples ailleurs. Les pro- turs Canadiens un meilleur grés qui sont le fruit de |‘in- cadre de vie? ,Leur permet- géniosité et de |’imagination trait-elle de contribuer et sont réalisés dans la sta- plus efficacement a la so- bilité, le dur labeur, des lution des problémes mon- longues négociations et le diaux? respect de |’autre n’en sont pas moins héroiques. Fruits de la compassion et de I’hon- néteté,ils sont la victoire de la raison sur la force aveu- gle. Ils découlent d’une vi- sion du monde tout aussi noble que les valeurs défen- dues par les armes. Enfin, ils sont héroiques parce qu’ils rendent hommage aux valeurs fondamentales de l’existence. Si les-Canadiens de lan- gue frangaise et de langue anglaise jugent qu’ils s’épa- nouiront davantage dans un pays uni, ils doivent a- lors 6tre préts a faire preu- ve de pondération et a a- ront du Canada un pays dy- namique et solidaire. Les moyens employés par Les Canadiens de langue je Canada pour réaliser et et'de culture francaises ont maintenir son unité natio- une personnalité et des aspi- nale apparaitront prosaiques rations spécifiques. Il en est a certains. D’autres les juge- de méme des Canadiens an- ront utopiques. Toujours glophones. Leurs: est-il que ces moyens se dissemblances peuvent étre sont révélés efficaces, puis- créatrices s’ils s‘emploient a qu’ils ont contribué a créer créer un climat d’entente un climat social favorable favorable ala libre expres- a la prospérité du pays. sion et au respect des opi- Le Canada fait partie de nions de chacun, méme si nous tous, mais i! est aussi leurs habitudes de vie de- extérieur a nous. En tant vaient en étre quelque peu qu'individu, collectivité dérangées. Seuls les indivi- région, nous pouvons tenter dus, et non les gouverne- de vivre sans lui. Mais le ments, peuvent faire ce gen- Canada peut nous ensei- re de choix, gner une chose que nous Devant ces interrogations, avons tendance a oublier, les Canadiens peuvent tirer nous de la génération ac- de nombreuses legons du tuelle, mais que nos an- passé et du présent. Le cétres avaient bien vue: le Canada n’est pas une abs- peuple canadien est un des traction. S'il vit aujour- peuples les plus favorisés d'hui sOus un régime fédé- de la terre; il a la chance ratif, il le doit 4 sa popu- de vivre une expérience lation qui s’est toujours humaine et spirituelle sans efforcée de placer au-des- comparaison avec les quel- sus de tout I’esprit de tolé- ques désaccords qui ten- same dent a le diviser; le Cana- da est, pour le monde, Nous vivons 4 une époque I’exemple d’un pays édifié ou la liberté asouvent été ac- sur le bonsens, la bonne quise au prix de sanglantes foi et la paix. révolutions. Ces lut- (4 suivre en page 6) s‘est fait plus incertain et MOUs Ne Pouvons pas con- - plus imprévisible encore, sacrer toute l’attention né- puisque ’actuel gouverne- Cessaire a ces question, car ment du Québec se donne nous nous heurtons sans ces- pour objectif de séparer le se au méme écueil: nos dif- Québec du Canada et de for- férences ‘ordre linguisti- mer un pays indépendant. que et culturel. Aux raisons qui, depuis son Origine, justifient |’existence On en revient donc a la de la Confédération, d’autres question fondamentale a sont venues s‘ajouter: |’élimi- laquelle les Canadiens n‘ont nation des disparités régiona- cessé de répondre depuis les, la réduction du chdmage, 1759: quelle solution per- le maintien du niveau de vie Mettra aux Canadiens des ou encore le développement deux langues officielles de des ressources “énergétiques, .s‘épanouir en toute fiverté, Compte tenu de l’importance que revét actuellement fa question linguistique dans le contexte de la politique canadienne, voici le texte intégral du Livre Blanc sur les Langues, présenté aux Communes le 21 juin 1977 par le secrétaire d’€Etat, John Roberts. Cet espace est acheté par le Secrétariat d’Etat. Les textes qui s’y trouvent sont _publiés dans les journaux membres de l’Association de la presse francophone hors Québec, APFHQ.