Le Moustique Volume 4 - 11¢ édition ISSN 1496-8304 Novembre 2001 bravoure et bav. Suite. Brave’ ardage,,, Ce dernier semble accuser le coup. Mais il ne parait pas froissé, dégu plutét. - Il ne fait aucun doute, répond-t-il confiant, qu’il soit impossible de mieux cuisiner que vous. Je suis certain, toutefois, que sans pouvoir vous égaler, votre pére peut encore me régaler. Sentant approcher la tempéte que ce langage élégant ne manquera pas de soulever, je me dépéche d’ajouter, conciliant : "Oui, oui ! Ce soir, peut-étre ; nous verrons, nous verrons." Comme si ces quelques mots avaient sonné a ses oreilles a la maniére d’une invitation formelle, il repart d’un pas léger que ni son poids, ni son sac ne justifient. Je jette un discret coup d’osil sur le sol A son passage et, contre toute attente, il laisse effectivement des traces profondes dans le sable mou. Pourtant, il s’est litteralement envolé. Il doit avoir un truc. Ma file qui a suivi mon regard me souffle a l’oreille : "Nous ne le battrons jamais sur ce terrain. Laisse le prendre le large. Plut6t que de le fuir, flattons son orgueil en lui laissant croire qu’il nous bat de vitesse. Le résultat sera le méme et l’on se fatiguera moins." Le temps pour ma fille de terminer sa derniére phrase et il n’est déja plus qu’une lointaine silhouette sur la plage. Je suis forcé d’admettre, pour la plus grande satisfaction de son orgueil, que le guide fait bien mieux que de nous battre de vitesse ; en fait, il nous laisse litteralement sur place. Mais c’est avec philosophie que nous ravalons notre fierté. De commun accord, on se décide a se rasseoir et de se refaire un petit thé vite fait. A présent que l’importun n’est plus qu’un point a I’horizon, l'atmosphére se détend et le petit thé "vite fait" devient rapidement une pause café avec noix et biscuits. Le soleil étincelle sur les courtes vagues qui éclatent en mille gouttelettes, disputant a autant de mouettes le droit d’enneiger le ciel. Au loin, un petit bateau de péche tangue assez pour nous faire croire qu’il coule. Le ciel, briqué comme le pont d’un navire, ne laisse apercevoir aucun nuage. Qui pourrait croire que cette céte est un cauchemar pour le marin ? Ce sentier que nous remontons n’a-t-il pas été tracé pour accéder et secourir plus facilement les nombreux naufragés qui ont été précipités dans l’horreur de ses eaux glacées. Ce coin charmant porte, pour l'instant, assez mal son sobriquet de cimetiére du Pacifique. Des marcheurs nous croisent, d’autres nous dépassent. Je n’en ressens plus aucune géne. Au contraire, jimagine qu’ils nous envient. Ils voudraient bien 6tre a notre place, a humer ce café qui, sans étre le meilleur au monde, loin s’en faut, n’en couvre pas moins l'odeur saline et iodée des embruns. Ma fille m’a préparé une surprise. Alors que j’en croyais la réserve épuisée depuis longtemps, elle m’annonce, joyeuse : - Je t’'ai gardé un bout de chocolat belge. Celui ot l’on voit un éléphant gravé sur le dessus. C'est le meilleur morceau. Nous aurons donc droit 4 un repas parfait, une collation des plus plaisantes 7 |