_ 4 Environnement, «27 millions de responsables» (APF) «L’ecologiste aux pieds nus» préne une austérité joyeuse par Reine Degarie | faut agir et «pas plus tard que tout de suite pour redresser le cours dela gestion dela planéte. Sinon, dans dix ans des désastres en série foudroieront notre peuple et les peu- ples de toute la terre». Pour ce faire, «c'est déja bien de parler des péchés a réparer mais il faut aussi parler de la vertu a atteindre». Autrement dit, il ne faut pas unique- ment se concentrer sur la dépollution et l'anti-pollution, mais dépasser cet ob- jectif et viser un avenir souhaitable. Par exemple, dans le cas du fleuve Saint- Laurent, nous devrions parler de belles baignades et d'une augmentation de la productivité des eaux pour la péche commerciale et sportive. La motivation sera peut-étre plus grande a consentir le prix a payer pour améliorer notre environnement. L'auteur de ces propos, Pierre Dansereau, est devenu écologiste ily a plus de cinquante ans, a |'époque ou le mot était pour ainsi dire méconnu. Maintenant agé de 78 ans, celui qu’on a sumommé «l'écologiste aux pieds nus», —dés les années 40, il a sorti l'étude des sciences de la nature de l'université pour la transporter sur le terrain -— enseigne toujours. II est pro- fesseur émérite, mais non retraité, a Université du Québec a Montréal. Jeune, Pierre Dansereau était un passionné de littérature, mais en 1932 une carriére dans ce domaine n’était guére envisageable au Québec. Impli- qué dans les mouvements politiques contestataires de I'époque, il opte plu- tot pour le droit ... et s'y ennuie. Toute- fois, grace a l'influence de son pére et des vacances estivales passées régu- ligrementen Gaspésie, il avait dévelop- pé un grand amour du plein-air. L’en- tourage familial lui avait aussi donné le goitt de I'implication sociale. ll se dirige donc vers I'Agronomie pour devenir un «habitant scientifique» avec l'intention de faire de la politique dans une circonscription rurale ou il pourrait vivre de l'agriculture. Les cir- constances l'ont amené a devenir un pionnier de I'écologie au Canada, ré- sultat en fait d'une éducation huma- niste qui I'a préparé a intégrer des con- cepts scientifiques a certaines valeurs morales eta les insérer dans les scien- ces sociales. Au siécle dernier Le mouvement environnemental, rappelle M. Dansereau, est né vers le milieu du siécle demier, dans une pers- pective de protection des plantes etdes animaux vivant a l'état sauvage. La constatation que l'homme cause des ravages non seulement dans la nature, mais dans agriculture, dans l'industrie et dans la ville, c'est-a-dire dans des espaces quine sont plus sous|'effet du ~ “Envitonn Direction ene. Wilfred Roussel | Direction de la publication = hie 11 Rédactrice en chet ‘Reine Degarie ‘Publicité — iment, an millions de esponsabiess : “ tancophone a Ottawa. contréle purement naturel, a émergé beaucoup plus tard. «Progressivement, dit-il, on a réalisé que l'homme fait la télévision était maitrisée mais que ga cottterait tellementcher a appliquer que je ne vivrais pas assez vieux pour avoir Pierre Dansereau: un pionnier en écologie de renommeée inter- nationale. partie de la nature et qu'il faut penser différemment». Et, poursuit I’écologiste, «c'est au milieu des années 60 que surgit une forte préoccupation des effets nocifs de la pollution : assez pour faire la man- chette des grands médias et pour que des p.d.g. et des premiers ministres déclarent publiquementleur souci de la qualité de la vie. Les répercussions se comptabilisent désormais a coups de millions. Dés lors, c'est devenu une grande révolution». En ce domaine, nous sommes tous dans le méme bain, soutient M. Danse- reau, etavant de juger trop séverement les gouvernements, les grandes com- pagnies et les universitaires, admet- tons que s'ils n‘ont pas agi plus t6t c'est que les populations ne l’ont pas récla- mé. En élargissant l'adage, disons que «nousavonslesgouvemementset!'état de la planéte que nous méritons». Ence sens, lavolontéde dire «non» . intervient. A titre d’exemple, Pierre Danserau signale qu'aux citoyens d'une région réclamant un port pétrolier parce que créateur d’emplois, il faut opposer un non si ce port met en danger les pécheries de l'endroit. C’est un ordre de priorité a établir. De plus, l’écologiste s'insurge face au refus de trouver les moyens de se débarrasser des BPC parce que ¢a va cotiter trop cher. «Mais, qu’est-ce qui est rentable? Est-ce que tout ce a quoi on donne‘une priorité ne devient pas rentable? Par exemple, durant mon enfance, les automobiles étaient trop dispendieuses pour l'ouvrier. Pourtant, maintenantquin’ena pas? Et, en 1940, je croyais savoir que la technologie de une télévision dans ma maison. «On a rentabilisé l'automobile, la télévision et l'universalité des soins médicaux. On a rentabilisé tout ce a quoi on a accordé une forte priorité. Alors, aujourd'hui, dans quelles situa- tions nous trouvons-nous pour nous débarrasser, a long terme et non pas seulement a court terme, des diverses substances toxiques?» Oui, mais Alors, que faire de |'énergie nu- cléaire? M. Dansereau sert une ré- ponse en deux temps. «Avec d'autres, je dis : nous avons dépensé des som- mes énormes pour apprendre a assas- siner 200 000 personnes a la fois. Sur ce plan la, ga a été un succés sans précédent. On pourrait continuer a faire cela. Nous, nous disons : non. Eloi- gnons-nous de la guerre. Rapprochons- nous de |'utilisation pacifique de I’éner- gie nucléaire. C’est une énergie plus propre que le charbon». Ce propos plutét surprenant pour un écologiste le devient beaucoup moins quand M. Dansereau s'’empresse d'ajouter : «il faut allouer l'argent suffi- sant pour assurer un rattrapage consi- dérable dans la recherche en matiére de disposition des déchets, d'accidents de manipulation, de techniques indus- - trielles, avantde pouvoir nous adonner en toute confiance a l'emploi du nu- cléaire. En attendant, ce doit étre le moratoire, la recherche etla prudence». D'autre part, avance |’écologiste, il faut étudier les relations entre la pollu- tion, la pauvreté, lajustice, la science et la compassion. Par exemple, le cas du. ee ee ee ee ee ee syndrome du «pas dans’ ma cour» dénote un manque de générosité. «Ce complexe, ajoute-t-il, depend non seu- lement de la répression de la pollution, del'entreposage de BPC, c'estunconflit entre le sens civique etla mesquinerie. Accepter la participation, cela rejointce que j'ai appelé : l'austérité joyeuse». L’austérité joyeuse Ceconceptdel'austérité joyeuse se greffe aussi au «penser globalement, agir localement» de la Commission Brundtland. «L’austérité, énonce Pierre Dansereau, commandela prévisiondes contraintes qui nous seront imposées d'ici dix ans. Nous devons consentir a faire des restrictions mineures (€cono- mie d’énergie, de nourriture, de véte- ment, de transport), qui rendront possi- ble la renonciation pour les riches que nous sommes, d'abord au gaspillage et éventuellement a la facilité et a l'abon- dance». Cette philosophie l'entraine aussi a remettre en question l'usage que les pays colonisateurs, et maintenant les économies impérialistes, ont fait des ressources du tiers monde. A son avis, les pays nantis doivent «déverser sur le tiers monde la part des bénéfices humains qui lui revient de droit». Dans le méme ordre d'idées, il es- time indispensable une protection a long terme des écosystémes naturels, une meilleure gestion des mines, des foréts, de la chasse et de la péche, des zonages agricoles et urbains, une humanisation des activités industriel- les et urbaines ainsi qu'une distribution plus équitable des biens et profits. Se disant optimiste par nature, il pose tout de méme un regard objectif, lucide, et plutét alarmant. «Si on ne change pas, c'est la catastrophe qui sen vient. Je vois la diminution de la couche d'ozone, l'effet de serre, la dévastation et l’érosion des sols, |’em- poisonnement de la nourriture et la désinformation.» Reprenant a son compte le titre d'un film de Denys Ar- cand, il fait observer que «le confort et 'l'indifférence» présente le plus grand de tous les dangers. Pourtant il voudrait donner raison a ceux qui affirment que les jeunes pren- dront la reléve, quills ressentent un besoin de générosité vis-a-vis la race humaine et que ce désir latent peut se manifester comme «le désir de liberté quia explosé si soudainement dans Europe de l'Est». M. Dansereau croit que nous vivons, ici, une situation semblable: que. chez les jeunes, «un courant souterrain s'approche de plus en plus de la surface, qu'il provoquera des réformes écologiques véritables et a temps, c’est-a-dire dans les dix pro- chaines années». M. Dansereau s'est prété ala ques- tion posée a toutes les personnes inter- viewées de ce cahier. Dans sa vie familiale, il veut appliquer sa philoso- phie d'austérité joyeuse. Il s'‘impose de petits sacrifices tels que : réduire et sélectionner ses déchets domestiques, manger un peu moins, éteindre les lumiéres quand il n’en a pas besoin, ménager l'eau, utiliser moins 'automo- bile et davantage le transport en com- mun... WIASAID b suntziriaoe sidmes oS tad TPC SA re ee yeparey ae 22 2.0) “ / | } / |