yates: Le Soleil de Colombie-Britannique, vendredi ler mars 1996 3 LA BATAILLE D’ADOUA... PRELUDE A LA SECONDE GUERRE MONDIALE Par LILIANNE DE GASPE Le 2 mars 1996 marque en Ethiopie le centenaire de la Victoire d’Adoua contre !’Italie qui révait de conquérir ce royaume. Cette défaite italienne devait s’avérer lourde de conséquences quarante ans plus tard. L’ouverture du Canal de Suez en 1869 eut pour effet de faciliter]’ac- cés parla Mer Rouge,au versant Estdu continent Africain et aux pays de !’Océan Indien. Dés l’ouverture du Canal de Suez, la compagnie mariti- me Rubattino Steamship louait le port de ASSABsurla Mer Rouge dusultan de Raheita,pour en faire un porta char- bon. En 1870, Rubattino Steamship faisait |’acquisition du port pour la somme de $9,440. Dix ans plus tard, I’Italie, sans doute émerveillée par les richesses amassées par la Belgique depuis la colonisation du Congo en 1876, pensa qu’ il étaittemps pourelle de prouver 4 ses voisins européens qu’elle aussi, était capable de s’im- planter sur le sol africain. L'Italie, 4 peine sortie de sa guerre d’indépendance avec |’ Autriche, n’avait pas les moyens de se lancer dans unetelle aventure. C’est alors qu’en 1882, le gouvernementita- lien acheta le port de Assab de la compagnie maritime Rubattino pour lasomme de $43,200, réussissantainsi as’infiltrer sur le sol africain. Assab devint la premiére colonie italienne, le 5 juillet 1882, depuis César. Suivirent ensuite MASSAOUA, deuxiéme port sur la Mer Rouge, ainsi que les territoires _ adjacents, conquétes assez faciles en somme, vu la confusion interne qui y régnait, 4 cause des guerres entre les chefs locauxetles incursions duSoudan voisin. Leur division avait fait que ces territoires étaient devenus des proies faciles pour ]’Italie. Vers 1890 I’Italie possédait déja quelques 40,000 milles carrés du sol éthiopien qu’elle décida d’appeler“ER YTHREE” ,anciennom romain de la Mer Rouge “Mare Erythreum”. Etablie dans 1’Est africain, il lui était maintenant possible de prou- ver sa force a ses voisins européens. L’Italie affirma doncsa volonté d’an- nexer le Royaume d’Ethiopie de la méme facon que la Belgique, la Fran- ceet]’Angleterres étaient implantés et avaient créé leurs colonies. En fait, le réve italien était d’annexer toutes les terres a partir de Ja Sicile jusqu’a la Mer Rouge, et d’en faire un vaste empire. Cela ne devait pas s’avérer aussi facile, ]’Italie ignorant a finesse et la ruse éthiopienne... La convoitise de I’ Italie Le 26 janvier 1887, une forte armée italienne, sous les ordres du Colonel Cristofori, fut anéantie parle régiment de scouts du Ras! Alula, a Dogali; les seuls survivants furent 82 blessés. Cette premiére défaite infli- gée par une nation noire futune grande humiliation. Le gouvernementitalien, dévoré parla vengeance, vota des bud- gets de $6 millions pour la guerre et envoya en Erythrée, 12,000 soldats, bien armés; une grande armée pour cette période. Décidé a vaincre |’Ethiopie par tous les moyens, le gouvernement italien envoya 13,000 autres soldats sous le commandement du Général San Marzano. En février 1888, il cap- tura SAATI ety construisit un chemin de fer pour relier Saati a Massaoua. Mais, autemps ow une victoiresem- blait possible, l’armée éthiopienne commandée personnellement par l’Empereur Yohannés IV battit sou- dainement retraite. La raison, les Derviches du Soudan avaientenvahi l Ethiopie et |’attention de ]’Empe- reur avait été attirée ailleurs. Les Italiens, ignorant sans doute ces faits, pensant que c’était un piége, battirent en retraite également. Mais, ils revinrent en mai 1888, et furent défaits pour la troisiéme fois, a Segeneiti. Aprés ces trois défaites | 'Ita- lie comprit pourquoi |’ Angleterre et la France, ainsi que les autres na- tions européennes n’avaient jamais “mis la main” sur |’Ethiopie. Le Traité de Wuchiale Ils essay€rent la voie diplo- matique tout en continuant a “gri- gnoter” le territoire éthiopien. Le Comte Crispi, alors premier minis- treitalien, vit une opportunité inouie dans la mort de Yohannés, lorsque Ménélik II devint le nouvel Empe- reurd’ Ethiopie. I] déléguaalors une mission extraordinaire, dirigée par le Comte Pietro Antonelli pour van- ter les mérites dunouvel empereuret essayer de conclure un traité avec lui. C’est ainsi que le fameux Traité de Wuchiale (Ucciali) fut signé en 1889. Dans les clauses de ce traité, I’ Italie prétait 4,000,000 de francs or au Négus? (environ $800,000), dont la _moitié sous forme d’armes et munitions. Encas denon-paiement, l’Italie prendrait le contréle doua- nier a Harar. Une clause du traité, |’ Arti- cle 17 devint objet de litige entre les deux pays. Forte de sa version de l’Article 17,]’Italies’empressa d’an- noncer aux pouvoirs européens que l’ Ethiopie était désormais sous son Protectorat. Le roi Humbert s’empressa d’expédier 38,000 fusils et 28 canons modernes 4 Ménélik. Les années qui suivirent fu- rent un peu plus calmes, malgré les agressions répétées de |’Italie en territoire abyssin. Ménélik était sur- tout occupé 4 modemiserson pays; il y introduisit]’éducation européenne avec des cours de mathématiques et de grammaire. Il institua les servi- ces postaux, de téléphone et de télégraphe et alla méme jusqu’a fai- re frapper de la monnaie et imprimer des timbres-poste a son effigie. L’Ita- lies’y objecta vivement. Et, lorsque Ménélik commenga a signer des trai- tés avec]’Allemagne, la Russie et la Turquie, |’Italie s’en méla. La cause du litige était que, selon les termes du Traité de Wuchiale, l’Ethiopie avait accepté Bs gas SN SESS IN AT € ROME FcR eH HIM photo: La Bataille d’Adoua: a gauche, Ménélik II et 1’Impératrice Taitouu a la téte de- leurs armées; a droite, le général Baratieri a4 la téte des troupes italiennes. Selon la plus pure tradition éthiopienne, Les soldats éthiopiens sont montrés de face tandis que l’ennemi_n’est vu que de cété. que toutes les négociations avec les autres pays devraient se faire par]’in- termédiaire de 1’Italie. Ce 4 quoi Ménéliks’objectait, en se référant au fameux article 17 du Traité dans le- quel un mot en langue Amhariquesi- gnifiait: “pourra s’il le désire” pas- ser par les voies diplomatiques ita- liennes, tandis que dans la version italienne, il était dit: “il devra” pas- ser par les voies diplomatiques ita- liennes. Une erreur de traduction dans la version Amharique. Le Marquis du Rudini, ancien premier ministré ita- lien admit au parlement que Ménélik avait raison.Toutefois, Ménélik, dési- reux demaintenir des relations amica- les avec le roi Humbert d’Italie, lui écrivit: “Je réalise que le texte Amharique et que le texte en version italienne de l’article 17 différent. Mais en signant le Traité, j’ai bien stipulé que les Affaires éthiopiennes pourraient étre traitées par la diplo- matie italienne, seulement si je le désirais. Je n’ai jamais promis que l’Italie seule s’en occuperait. Votre Majesté se doit de comprendre qu’aucune nation indépendante ne pourrait faire une telle concession.” L’Italie, réalisant combien ceci pouvait diminuer son prestige en Europe, répliqua en envoyantsonmes- sager, le Comte Antonelli. “Le roi Humbert ne peut accéder. Cela heur- terait la fierté et la dignité de son peuple” ce a quoi Ménélik répondit: “sivous avez votre dignité, nous avons aussilanétre.” L’Impératrice Taitou, épouse de Ménélik, ajouta “Vous dé- sirez que nous sovons sous votre tutel- le, cela ne se produira jamais”. “Votre Majesté, ajouta |’en- voyé italien, cela veut direla guerre.” “Eh bien soit! répliqua Ménélik, d’un ton ferme et il ajouta “Nous ne pouvons permettre que l’in- tégrité de la plus anciennenation chré- tienne soit mise en cause, ni le droit que nous avons denous gouverner dans une indépendance absolue.” Le pre- miére chose que Ménélik fit, fut de jy Pour obtenir des renseignements, contactez le Secrétariat fédéral-provincial-territorial au 1 800 358-5742. ATME : 1 800 465-7735. rembourserle préten augmentanttrois fois la somme de |’intérét stipulé. Toutefois.., il se garda bien de retour- ner les armes et les munitions qu’il avait recues de I’Italie. Dés cette rencontre, Crispi se prépara pour la grande conquéte de l’Ethiopie. Son parlement vota $8,000,000 pour la guerre; il fit égale- ment parvenir de grandes quantités d’armes et de munitions au Ras Mengesha, fils del’ancien empereur Yohannés ainsi qu’a tous les chefs hostiles 4 Ménélik, dans |’espoir de les diviser et semer la discorde parmi les chefs éthiopiens. Mais..., une fois de plus, Ménélikles déjoua. Durant cette cri- se, comme d’ailleurs dans toutes les crises, Ménélik démontrait ses qua- lités de rassembleur d’hommes, ce qui en faisait le plus grand leader de de son pays. II réussit 4 convaincre tous les chefs de ses idées et leur fit part de ses inquiétudes, faisant appel aleursens de]’indépendance, de fier- té et de patriotisme, attirant égale- ment leur attention sur le sort des nations africaines qui avaient été sub- juguées par les Pouvoirs Européens et il insistait surtout en leur disant: “A tout prix, les Ethiopiens se doivent de ~ protéger leur nation contre une telle calamité”. Ils prétérent tous serment d’allégeance. Aprés que le Comte Crispieut fait voter des crédits supplémentaires de $4,000,000, il expédia 15,000 hom- mes de plus. Les Italiens furent victo- rieux 4 KOATIT et 4 SENAFE en 1895. Puis 4 DELSA, ce qui fit la manchette des journauxen Italie, alors que tous croyaient que la grande vic- toire était chose accomplie! ADOUA Mais... le 7 décembre 1895 a Amba Alagui, 5200 Italiens furent défaits par les troupes éthiopiennes commandées par le Fitaouari? Gebneyehu Abagora sous lecomman- dement général de Ras Makonnen =, Regime de pensions du Canada “Consultations publiques ‘ (pére du futur Ras Tafari, |’ Empereur Hailé Sélassié ler) . Les Italiens fu- rent tous tués. Pendant ce temps, le corps principal des armées éthiopiennes accompagnant Ménélik comptait plus de 100,000 hommes ets’était rassem- blé prés de Adoua. Les conditions étaient trés difficiles en raison des grandes distances que certains avaient di parcourir, une maladie avait déci- mé presque tous les animaux et le terrain ot |’armée avait établi son campement était aux prises avec la famine. De plus, pour ajouter 4 leurs malheurs, la plupart d’entre eux n’étaient armés que de lances et d’épées car Ménélik avait placé les armes etmunitions amassées au cours des batailles précédentes dans les mains les plus expertes de ses hom- mes. Le commandant en chef des armées italiennes, le général Baratieri était a la téte de 20,521 hommes, parmi lesquels 7,330 indi- génes et i] avait 64 canons. Dans la nuit du 29 février 1896, Baratieri, profitant du clair de lune et du fait que le lendemain, dimanche ler mars, féte de Saint-Georges,* la majorité des Ethiopiens se rendraienta l’égli- se, il ordonna de faire les préparatifs pour attaquer a1’aube. C’était une bonne décision de sa part, mais cela nese fit pas sans avoir éveillé]’atten- tion des Ethiopiens. Ces derniers en- tendirent les bruits demouvement des troupes, a cause de |’écho qui les répétait dans les montagnes et les vallées. Ménélik averti, ordonna a tous ceux qui étaient en congé, de rentrer immédiatement. Hordonna a ses troupes d’avancertranquillement et d’encercler les positions ennemies. Dés |’aube, les Italiens attaquérent avec leurs canons. Les Ethiopiens tépondirent avec leurs armes et Ménélik donna |’ordrea ses hommes d’avancer sur tous les fronts. Ils se (suite en page 12)