LE SOLEIL DE COLOMBIE Portrait ee ee s, arts € 3 Ss SS Les deux casquettes Par Charles-Henri Buffet Il veut descendre le Nil sur une pyramide flottante haute de 14 métres. Suspendue au centre de la pyramide, une salle richement décorée: des tentures orientales | aux murs et des _ planchers recouverts de miroirs sur lesquels évolueront des danseuses nues. Le maitre dela“crozstére” si¢gera au sommet de la pyramide sur un tréne a trois places. Fellini devrait étre contacté pour faire un film sur cet événement ... trés félinien! Mais ce n’est pas le grand maitre italien du phantasme cinématographique qui a concu ce projet délirant: il sort tout droit de l’imagination débor- dante de Félix, sculpteur et homme d'affaires, ingénieur et inventeur génial. Une grande chevelure blanche, un regard pétillant. Un beau visage légérement ridé. A 57 ans, Félix a une prédilection pour les salopettes aux couleurs provo- cantes, mi-pompiste, mi-poéte. Et Félix a deux casquettes: celle du sculpteur et celle de lingénieur. Cété cour, Gérard Chamayou (c'est le vrai nom de Félix) est ingénieur et inventeur. Sorti de Centrale (une des plus grandes écoles d'ingénieurs en France) il _ fut le seul éléve de sa promotion a créer une entreprise. Et quelle entreprise! Exploitant les propres - brevets de Gérard Chamayou, elle s'est développée au gré de contrats de plus en_ plus importants. Parmiles derniers, la décoration de l’aéroport de Bagdad: quatre hectares de de Félix salles immenses, de voites décorées grace a une “astuce technique” de l’inventeur. Mais la réalisation dont il est le plus fier, c’est la Géode, a Paris. Soeur pas tout a fait jumelle de la boule géodésique du Centre Expo elle est la simplicité méme: une sphére parfaite, une grosse bille miroitante de 36 métres de diamétre. Pour mener a bien ce projet architectural révolutionnaire, il a fallu réaliser de véritables prouesses techniques. Sans entrer dans les détails techniques, il faut savoir qu’on maitrise mieux la construction de sphéres “en alvéoles’, (comme le Centre Expo) qui absorbent mieux plus facilement les écarts de temp€ra- ture. C’est M. Chamayou lui-méme qui a trouvé la solution des problémes extrémement com- plexes soulevés par la cons- truction de la Géode. Un succés qui a propulsé son entreprise aux premiers rangs mondiaux de linvention architechturale. Mais ce succés ne monte pas a la téte de Félix, qui veut maintenant se séparer de son entreprise, pour mieux se consacrer a l’activité qui lui tient le plus a coeur: la sculpture, la création. Pourtant, Félix ne dissocie pas vraiment la démarche de linventeur de celle du créateur: “Méme pour inventer le presse- purée, tla fallus‘abstratre du réel et entrer dans le domaine de Vimaginaire: c’était une dé- marche poétique”, commente Félix qui, précisons-le, n’est pas Vinventeur du _ presse-purée... “Prenons un autre exemple, continue-t-il. Les “créateurs” du Concorde et de la Vénus de Milo ont suivi la méme démarche intérieure. Le cheminement de la pensée est le méme pour la création technique ou pour la création artistique. Toutes deux se tangent sous la rubrique “beauté”. C'est sans doute pourquoi les sculptures de Félix qui vont du bijou a la sculpture monumentale, reprennent le plus souvent des motifs géométriques. Parmi les oeuvres du sculpteur, L’Arbre de la communication, planté aux abords du pavillon francais, 4 Expo. C’est pour le présenter que Félix était a Vancouver au début du mois de juillet. Une visite de deux semaines dont il gardera une impression mitigée: “Lingénieur repart décu, le sculpteur est trés content”, affirme-t-il en pré- cisant que si Expo ne l’a pas beaucoup impressionné techni- quement (“C’est un peu du bricolage”), il a apprécié les sculptures dans les rues de Vancouver. Mais Félix devient intarrissable quand on le branche sur lart amérindien, qu'il trouve d’une “richesse folle’. Tl ne faut d’ailleurs pas le pousser beau- coup pour qu'il trouve une parenté entre certaines de ses oeuvres et les totems amé- rindiens. Sans doute un jour proposera-t- il une de ses sculptures, version moderne du totem, 4 la ville de Vancouver.... : Une exposition sur l’Ile Granville Les 650 piéces _ de la Banque d’oeuvres d’art Maureen Forrester, présidente du Conseil des Arts du Canada, inaugurera officiellement La Banque d’oeuvres d’art sur le vif, une exposition d'oeuvres d'art canadien contemporain pro- venant de la collection de la Banque d'oeuvres d’art du Conseil des Arts du Canada, le vendredi 11 juillet 4 17 heures, a la Upstairs Gallery du Emily Carr College of Art and Design. ~ La Banque d’oeuvres d’art sur le vif sera présentée du 14 juillet au 8 aoat. La Upstairs Gallery du Emily Carr College of Art and Design, située au 1399 de la rue Johnston sur I’fle Granville a Vancouver,-est ouverte au public du lundi au vendredi de 10h a 17h. hie : Pour cette exposition de plus de 650 oeuvres - peintures, sculp- tures et oeuvres sur papier - on a tenté de recréer, dans la mesure du possible, le milieu de travail de la Banque dont l’entrepét dessert les clients de la Région de la capitale nationale. Les clients ~ actuels et futurs de Vancouver pourront ainsi choisir parmi les oeuvres exposées ou placées dans des caisses de conception spéciale. Parmi les artistes représentés dans cette exposition, citons: Randy Bradley, Dennis Burton, Deborah Koenker, David Mayrs, Al McWilliams, Arnold Shives, Gordon Smith, George Tiessen, Jack Wise et Robert Young de la Colombie-Britannique ainsi que Jack Butler, Victor Cicansky, Wendy Coad, Oliver Girling, Gilles Mihalcean, Gunter Nolte, Heidi Oberheide, Gary Spearin et Burt Weir. Séance d'information pour artistes visuels sur les procédures d’achat de la Banque d’oeuvres d'art. Les artistes qui désirent se renseigner sur le programme d’achat de la Banque d'oeuvres d’art et les membres du public intéressés au fonctionnement de la Banque sont invités 4 une séance d'information avec diapo- sitives, suivie d’une période de questions. Cette présentation aura lieu le mercredi 23 juillet a 19h, ala piéce 260 du Emily Carr’ College of Art and Design. Peter Roberts, directeur du Conseil des Arts, sera présent. Le mercredi 28 juillet, de 19h a 20h30, William Kirby, chef de la Banque, et Lise Cohen, coordon- natrice de l’exposition, présente- ront une séance d'information avec diapositives sur les politiques et procédures d’achat de la Banque. Une _ période de questions suivra la présentation, dans la piéce 260 du Emily Carr College of Art and Design. Peter Roberts, directeur du Conseil des Arts, sera aussi présent. Les artistes visuels et les membres du public sont invités. La Banque d'oeuvres d’art a été créée en 1972. Par son programme d’achat, elle soutient financiérement les artistes cana- diens dont elle reconnait l’apport a la vie artistique du pays. En louant des oeuvres aux minis- téres, organismes gouvernemen- taux et organismes sans but lucratif qui les exposent dans des lieux publics, elle permet au, public de découvrir et d’appré- cier l’art canadien contem- porain. La collection de la Banque comporte actuellement quelque 13 000 oeuvres de plus de 1 650 artistes. Environ les deux- tiers de la collection de la Banque sont loués au Canada et a l’étranger.. | On trouve des trésors au Soleil! Je parcourais les rayons de la librairie du Soleil d'un regard distrait et, soudain, je les aivus: quatre livres a la reliure grise, a langle d’une étagére. Scer- banenco... Tendres tueurs, Vénus privée, Profession: sa- lopard, Les Milanats tuent le samedi... En France, les trés averties Editions Bourgois récemment ont redoré le blason de Giorgio Scerbanenco, Milanais, auteur de roman policiers des années soixante. Jai vite glissé les quatre livres dans mon sac, en gourmande: quel délice en perspective! Je de Nicole Lavigne. Oud pensez vous trouver madame Wagner? Au bord des eaux tumultueuses du Rhin? Ou encore en Baviére? Rien de tout cela. Madame Wagner vit a4 Montréal, dans l’imagination de Nicole Lavigne. Eliette, jeune journaliste qué- bécoise, rencontre un soir une dréle de vieille dame, trop fardée, trop parée, qui porte plusieurs boas de _ plumes, chamarrés, autour du cou . Celle-ci est pourtant moins mégalomane qu'il n’y parait: au lendemain de la seconde guerre . de Laurent Puech. Pour celui-ci, autant le dire: jai été séduite par la quatriéme de couverture. “Laurent Puech, 27 ans, docteur en Histoire et Civilisation, conservateur du musée Cévenol du Vigan...” S’il vous plait— Et une photo: on en mangerait! Un petit air de Boris Vian a 20 ans et de jeune premier ténébreux... Bref, voila com- ment j'ai découvert les “Mé- moires romancées du comte Valbelles-Tourves”’. En 200 pages, on fait le tour de la vie tumultueuse du beau comte, qui naquit en 1729, dans un chateau de Provence. Ses amours avec “la Clairon”, époustouflante actrice, qui eut son heure de gloire, ses folies de jeunesse, ses doutes, ses voyages: Laurent Puech nous livre la confession imaginaire du fou- gueux comte provencal. Le style est précieux, recherché. Cela VENDREDI 11 JUILLET 1986 - 5 n’avais lu aucun de ceux 1a... Je me suis installée sur la pelouse, avec mon butin en plein soleil, et miracle: j'étais en Italie, dans les quartiers populeux, louches, si terriblement italiens, du vieux Milan. Scerbanenco, c’est bien simple, c’est le Moravia du Roman Noir. Petits truands, escrocs en tout genre, obscures histoires de famille et de vengeance... Scerbanenco découpe de noires tranches de vie italiennes. Ses nouvelles sont particuli¢rement réussies. J'en avais l'eau a la bouche, et je suis allée lire dans la cuisine, en me faisant des spaghetti “al dente”! Les réves de la vieille dame : ‘«fofolle» et attachante “Le grand réve de Madame Wagner”, mondiale, elle fut la reine des cabarets de Montréal. Autrefois adulée, aimée, elle est 4 présent une vieille dame un peu “fofolle”, mais trés attachante. Eliette, elle, ‘est sous le charme. Madame Wagner a encore des réves: elle veut devenir cantatrice; et des angoisses: elle n’accepte pas de vieillir. Le grand réve de madame Wagner est un livre rafraichis- sant, gentiment écrit, sur: la rencontre d'une vieille dame un peu perdue et d’une jeune femme bien de son temps. Si l’Europe du XVIIIe siécle vous tente “Les mémoires romancées du comte Valbelles-Tourves”, ‘convient sans doute au genre du récit, mais trop de préciosité, cela peut créer une certaine distance. On simmerge difficilement dans ce récit un peu trop académique. Ces mémoires imaginaires ont cependant un cachet d’authenticité: l’auteur n'est pas historien pour rien. Alors, si un petit voyage dans l'Europe du XVIIIe siécle vous tente... On peut trouver les tivres de Scerbanenco: “Les nymphettes meurent aussi”, “N’étranglez pas trop”, “Profession: salopard”, et “Les Milanais tuent le samedi”, a la libratrie du Soleil de Colombie. nt aux “Mémoires romancées du comte Valbelle - Tourves”, et au “Grand réve de madamé Wagner” ,ils sont disponibles chez Manhattan Books, 1089 rue Robson. ; L’Italie de Scerbanenco Quatre romans policiers de Giorgio Scerbanenco. La suite de notre rubrique «Lettres, arts et spectacles») est en page 14 ae 4 ee ea er ee a A